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mercredi 1 mai 2024
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Mineurs délinquants : « Aucun moyen supplémentaire n’a été annoncé pour la PJJ », selon le délégué syndical CGT

En ces temps de grande demande sécuritaire de la population, plusieurs mesures visent à réduire la délinquance sur le territoire avec un Wuambudhu 2. Pas un mot toutefois sur le devenir des mineurs délinquants pourtant largement impliqués. Le point avec Alexandre Genolhac, délégué syndical de la CGT et éducateur au sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de Mayotte.

Mayotte est en souffrance. En « sous-France » même, comme aiment à ironiser les détracteurs de la politique que mène la France dans son 101ème département. Le problème le plus crucial, même s’il est loin d’être le seul, est le développement d’une délinquance juvénile galopante (sans mauvais jeu de mots) qui sévit depuis de nombreuses années sur le territoire et sème la terreur auprès de la population. On ne compte plus le nombre de caillassages, agressions, vols, viols et autres joyeusetés qui se déroulent quasi quotidiennement sur le territoire. Le nombre de meurtres augmente également d’années en années. Ces crimes sont souvent commis par des mineurs, parfois instrumentalisés par des adultes.

Alexandre Genolhac, éducateur au sein de la PJJ de Mayotte et délégué syndical de la CGT

Que nous propose le gouvernement pour faire face à cette situation ? Une grande opération de « lutte contre l’immigration clandestine, lutte contre l’habitat insalubre et arrestation des chefs de bandes », qui devrait être renommée après la première, Wuambushu, dont la deuxième édition devrait avoir lieu après le ramadan. Toutefois, Alexandre Genolhac, éducateur au sein de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et délégué syndical de la CGT nous a révélé que « la PJJ n’a pas reçu davantage de mineurs délinquants au cours de Wuambushu 1 qu’en temps normal ». Les 60 chefs de bande arrêtés au cours de l’opération seraient donc vraisemblablement majeurs, mais nous n’avons pu obtenir aucune information sur leur devenir… Par ailleurs, Wuambushu 1 n’ayant pas eu d’effet concret notable selon la population mahoraise, le gouvernement a annoncé la tenue prochaine d’un « Wuambushu 2 ». Si la gendarmerie a annoncé « un changement de stratégie » pour une meilleure efficacité, aucun mot du gouvernement sur le devenir des mineurs délinquants qui devraient être arrêtés au cours de cette opération. « Je n’ai entendu parler d’aucun moyen supplémentaire dédié à la PJJ à l’occasion de Wuambushu 2 », déclare Alexandre Genolhac. Malgré nos tentatives, nous n’avons pas réussi à joindre la directrice de la PJJ pour confirmer cela.

La réinsertion : le « grand néant » dans les mesures prévues par le gouvernement

Les caillassages, souvent perpétrés par des mineurs, sont devenus quasi quotidiens à Mayotte

Comme chacun le sait, la grande majorité des actes de délinquance sur le territoire sont commis par des mineurs. Certains sont de nationalité française, d’autres pas. Cependant, la solution proposée par certains visant à « les expulser dans le pays d’origine de leur parent » est illégale en France. En effet, qu’on soit d’accord ou non avec cela, la loi française n’exige pas de permis de séjour pour les mineurs de moins de 18 ans. Les mineurs isolés doivent être pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance régie par le conseil départemental quelque soit la nationalité de leurs parents et les mineurs délinquants par la PJJ. Selon la décision du tribunal, ils sont soit envoyés au quartier mineurs la prison (24 places), soit dans un Etablissement de Placement Educatif nommé « le Dago » de Mlézi (12 places) soit au Centre Educatif Renforcé (8 places par session). Même sans posséder le chiffre exact des mineurs délinquants sur le territoire, on voit rapidement le problème ! « Il y a aussi une trentaine de place en familles d’accueil, mais en tout le chiffre reste totalement ridicule par rapport aux besoins de Mayotte »,nous  confie Alexandre Genolhac.

Décriée par les Forces Vives lors du dernier mouvement social, Mlezi Maore est pourtant la seule association de Mayotte proposant des structures dédiées à la réinsertion des mineurs délinquants

Chaque mineur délinquant doit être suivi par un éducateur en vue de sa réinsertion.  « Le nombre d’éducateur est très insuffisant à la PJJ. On devrait être à minima deux fois plus. Là on se retrouve à devoir s’occuper de 35 jeunes par éducateurs au lieu de 25 comme c’est la norme en métropole. Et encore, 25 c’est déjà trop ! L’idéal serait de passer à 15 ou 20 maximum pour pouvoir travailler efficacement et c’est ce qu’on demande à la CGT », déclare l’éducateur qui se plaint également du manque de moyens dédiés à l’ASE*, l’alliée indispensable de la PJJ. « Par ailleurs, on n’a rien à proposer à ces jeunes pour les réinsérer. Quasiment aucune MJC n’est fonctionnelle pour leur proposer des activités, il y a peu de travail de médiation pénale, peu de mesures de réparations comme les chantiers écologiques par exemple. Or si un jeune n’est pas suivi correctement, il a de fortes chances de retomber dans la délinquance une fois sorti des structures », poursuit Alexandre Genolhac qui précise que la PJJ « fonctionne en sous-régime sur tout ce qu’elle pourrait proposer pour la réinsertion des mineurs délinquants ».

« On n’arrive pas à suivre »

Une grande partie du travail des éducateurs consiste à aider les mineurs à régulariser leur situation administrative puisqu’un mineur, même délinquant, n’est pas expulsable s’il n’est pas accompagné de ses parents. « Ce n’est pas notre travail normalement, mais pour tenter de réinsérer ces jeunes, on est obligés de le faire », explique le délégué syndical. « Même pour les enfants qui pourraient théoriquement être français et bénéficier d’une réinsertion correcte, c’est très difficile. Entre les parents qui n’ont jamais fait les démarches pour régulariser leur enfant, la préfecture qui laisse traîner les dossiers pendant parfois près d’un an et ceux qui ont un père français qui refuse de les reconnaître, c’est vraiment la galère ! », déplore l’éducateur qui avoue que « ni les éducateurs ni les assistantes sociales n’arrivent à suivre le rythme ». « En outre, nous avons aussi affaire à une « délinquance de survie » (vol de nourriture et vol d’argent pour s’acheter de la nourriture) et certains de nos jeunes en sont parfois réduits à la prostitution pour se nourrir », nous révèle-t-il.

Le délinquants, mineurs ou majeurs, ont souvent leur QG en pleine brousse, un terrain où les forces de l’ordre ne se risquent que rarement…

La situation est donc catastrophique concernant la prise en charge des mineurs délinquants. « Wuambushu 1 n’a eu aucun impact sur le quartier mineur de la prison. Cette opération n’a, non seulement rien réglé, mais elle a, au contraire, créé davantage de désordre et de misère. Les forces de l’ordre sont intervenues principalement dans des quartiers habités par des gens bien intégrés, au lieu de s’attaquer aux quartiers problématiques ! », considère Alexandre Genolhac. Ce dernier se demande d’ailleurs, comme beaucoup de monde à Mayotte, et depuis des années,  pourquoi les forces de l’ordre ne s’attaquent pas « au château », QG de délinquants bien connu, situé dans la brousse entre Combani et Miréréni.

Il nous confie en outre que lors de la première opération Wuambushu, « il n’y a eu aucun contact entre la préfecture et la justice ni aucun renfort dédié à la Justice ». Or comment peut-on prétendre s’attaquer au problème de la délinquance à Mayotte en ne renforçant que les moyens des forces de l’ordre sans renforcer ceux de la justice ? Ce sont les deux faces de la même pièce et l’un ne va pas sans l’autre. Et pourquoi continuer à sous-doter l’Aide Sociale à l’Enfance* quand 50% de la population de Mayotte a moins de 18 ans ? Ces deux questions restent ouvertes… puisse Marie Guévenoux y répondre lors de sa prochaine visite sur notre territoire !

Nora Godeau

* Précisons que 100 millions d’euros ont été alloués par le gouvernement pour ce service du CD en novembre 2023, dont 30 millions ont déjà été débloqués

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