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samedi 27 avril 2024
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Santé : L’hypnose au chevet de la médecine

Aussi captivante qu’extraordinaire, l’hypnose se pratique de plus en plus et notamment en milieu hospitalier et libéral pour aider à soigner et soulager des douleurs.

Technique très ancienne, souvent sujette à polémique, l’hypnose est en plein essor dans le monde médical de l’Hexagone. Mais qu’en est-il à Mayotte ? Le Dr Sophie Fouchard, médecin généraliste et cheffe de pôle de Médecine de Secteurs (MEDSEC) au CHM, l’a pratiquée de 2017 à 2023 pour soulager les patients ressentant de fortes douleurs.

Ayant obtenu un diplôme d’hypnose médicale et clinique à l’université de La Réunion en 2016, elle avait en effet décidé de mettre ses nouvelles compétences au service de ses patients mahorais. Malheureusement, un changement dans son emploi du temps l’a obligée à mettre en pause cette pratique pour le moment. « Je suis loin d’être la seule à être formée dans cette discipline au sein du CHM. Beaucoup d’infirmières et de sages-femmes le sont aussi », précise-t-elle.

Jacaranda, centre, soins, CHM
Le Dr. Fouchard exerce au centre Jacaranda du CHM comme médecin généraliste et cheffe du pôle Medsec du CHM

Si, pour l’instant, l’organisation interne du CHM ne permet pas d’exploiter cette compétence, le Dr Fouchard estime qu’il pourrait être intéressant « d’avoir une équipe de soignants formés à l’hypnose au CHM, à la façon d’un pool* ». « L’hypnose peut aider certains patients à passer un moment difficile. Ils sont plongés dans un état apaisant, ce qui peut permettre de réduire la prise de certains antalgiques » affirme-t-elle également, tout en précisant que « l’hypnose est une technique complémentaire de la médecine allopathique, elle ne s’y oppose nullement ».

Une méthode de soins ancienne, loin de la sorcellerie 

En chutant lors d’un match de football à Koungou, Ibrahim, 7 ans, a nécessité plusieurs points de suture au genou droit, que lui a réalisé le Dr. Fouchard. Pour « divertir » l’enfant, qui éprouvait des douleurs et n’était pas rassuré à l’idée de se faire soigner, la praticienne a proposé à ses parents d’hypnotiser leur fils le temps des soins : « En emmenant ce jeune patient par le son de ma voix à revivre un match de football, à travers des couleurs, des sons, des perceptions qu’il en avait, j’ai pu lui faire des points de suture sans qu’il s’en rende compte et sans douleur », se remémore la médecin généraliste.

A Mayotte, les rituels et les croyances pourraient regarder d’un mauvais œil cette technique, même déployée dans le cadre de soins. C’est la raison pour laquelle le Dr. Fouchard interroge systématiquement ses patients avant toute séance en leur demandant ce qu’ils savent de l’hypnose et ce qu’ils en ont entendu : « Certains vont dire que c’est comme à la télévision, d’autres qu’ils ne savent pas du tout ce que c’est, parfois certains patients sont adressés par d’autres personnes, sans savoir pourquoi », relate-elle. Pour la praticienne, « il n’y a pas de mauvaise réponse » puisque « l’hypnose est quelque chose de naturel, on peut tous être dans un état hypnotique des dizaines de fois par jour sans en avoir conscience. Par exemple lorsqu’on est plongé dans un livre, dans un film, ou que l’on conduit sans vraiment s’être rendu compte que l’on était passé devant tel ou tel lieu, et qu’on s’en rend compte une fois arrivé au travail ». Bref l’hypnose est en réalité un état de modification de conscience, un état de transe naturelle durant laquelle « on est là sans être là ». Le patient hypnotisé continue de percevoir tout ce qu’il se passe autour de lui tout en étant « ailleurs ».

Comment se déroule une séance d’hypnose ?

Dans une parole prononcée à voix basse, rassurante et envoûtante, le praticien plonge le patient dans un état de conscience particulier, où il reste perméable au monde extérieur tout en restant capable d’être guidé par le praticien. Sophie Fouchard parle d’un « état de conscience hypnotique ». « C’est une dissociation entre le conscient et l’inconscient. On va mobiliser l’inconscient du sujet, tout en le laissant comme acteur de son inconscient. On va simplement inviter l’inconscient à travailler sur un but très précis. » explique la praticienne.

Au préalable, l’important est de « définir un objectif personnel ». Le patient doit avoir envie de consulter, car c’est via le lien entre ce dernier et le praticien que le processus peut se faire. « Avant la séance, on définit un objectif commun avec le patient. Cet objectif doit être réaliste, atteignable », explique la doctoresse. À titre d’exemple, elle nous raconte l’histoire d’une patiente qui souffrait de lombalgie depuis plusieurs années, sans y voir de nette amélioration. Elle lui a donc demandé ce qu’elle souhaiterait en détournant la simple problématique de la douleur par une mise en contexte plus globale : « Qu’est-ce que vous n’arrivez pas à faire à cause de vos douleurs et qu’est-ce que vous aimeriez faire ? – J’aimerais emmener mon enfant à l’école », a répondu la patiente, permettant d’organiser une marche de progression dans la gestion et la prise en charge de la douleur en ayant un objectif réaliste à atteindre.

« Au pire cela n’apporte rien, au mieux cela apporte quelque chose »

Le Dr Fouchard balaye d’un revers de main l’idée reçue selon laquelle certaines personnes ne seraient pas hypnotisables : « C’est faux, tout le monde est hypnotisable, mais chaque transe est particulière à la personne qui la vit. En revanche, quand on vient pour une séance d’hypnose en y étant réfractaire, évidemment ça ne fonctionne pas. L’hypnose est le fruit d’une collaboration entre le praticien et le patient ». Elle explique également que l’hypnose n’est pas une technique nuisible ou invasive : « L’intérêt de l’hypnose dans le cadre d’une démarche thérapeutique c’est qu’il n’y a aucune pression de résultat, au pire cela n’apporte rien, au mieux cela apporte quelque chose ».

CHM, Mamoudzou, centre hospitalier
Plusieurs soignants du Centre hospitalier de Mayotte peuvent proposer des séances d’hypnose à des fins thérapeutiques

Quelques semaines par an, Sophie Fouchard a formé des collègues volontaires du CHM à cette technique pour qu’ils puissent la déployer dans divers soins à leurs patients : « L’hypnose, même pratiquée pendant quelques minutes, le temps d’un pansement, peut faire totalement oublier au patient qu’il est en train d’être soigné. Elle peut aussi être utilisée dans le cadre d’un accouchement et de la gestion des douleurs associées par des sages-femmes ».

Pour Sophie Fouchard, l’objectif après la séance d’hypnose est de permettre au patient de conserver cet état dans son quotidien. Elle leur apprend donc les protocoles d’auto-hypnose. « En auto-hypnose, l’inconscient du patient lui indique tout seul comment revenir à un état de conscience ordinaire, il n’y a aucun risque de « rester bloqué » en état d’hypnose », précise-t-elle.

On a testé pour vous 15 minutes d’hypnose

Pour l’une de nos consœurs souffrant justement de douleurs au niveau de la main, le Dr Fouchard a proposé de lui faire tester l’un de ses protocoles utilisés « la réification de la douleur », allégé pour les besoins du reportage. « La réification de la douleur consiste à assimiler sa douleur à un objet avec une forme, une couleur et une texture et de lui faire trouver des stratégies pour modifier cet objet dans son imaginaire. Cela peut être par exemple d’ajouter en esprit du blanc dans le noir à la douleur si celle-ci était noire », détaille la médecin.

Après cette courte séance, notre consœur, qui plaçait sa douleur sur une échelle de 5 à 6 est descendue à 3 tout en déclarant : « Je n’avais pas envie de revenir. On est tellement bien, j’avais l’impression de flotter tout en étant en même temps en pleine conscience. Je suivais la voix de Sophie sans plus savoir d’où elle provenait et en me laissant guider vers quelque chose de positif et de léger ». Un retour d’expérience 100% positif donc pour une séance écourtée à 15 minutes alors qu’une séance classique peut durer une heure.

Lhypnose a de multiples applications, thérapeutiques ou non

La réduction de la douleur n’est pas le seul domaine au sein duquel l’hypnose peut être pratiquée. Elle peut l’être lors d’opérations chirurgicales pour réduire la dose d’anesthésique injecté, lors de psychothérapies afin de soulager des phobies, les symptômes d’un stress post-traumatique, des addictions, des troubles alimentaires et peut même constituer une aide précieuse à la préparation de grands sportifs à des compétitions. Dans le cadre de la préparation aux Jeux Olympiques de Paris 2024, plusieurs sportifs y ont d’ailleurs recours, dont Eric Delaunay qui pratique le tir dans la discipline du skeet olympique.

Alors, à quand la démocratisation de cette pratique au CHM ? Le Dr Fouchard l’appelle de ses vœux car, pour elle, « l’hypnose ce n’est que du positif ! ».

Mathilde Hangard et Nora Godeau

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