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samedi 4 mai 2024
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Justice : Un caillasseur de gendarmes sous les verrous

Si la blessure par jet de pierres causée à un gendarme à la tête emmenait logiquement Kamal* droit en prison, la justice a aussi voulu sanctionner le manque de reconnaissance de l’agresseur envers ceux qui lui avaient procuré une place en foyer.

Lors d’une opération tardive de contrôle routier dans la commune de Chirongui ce 22 octobre 2023, un automobiliste est prié de se ranger sur le côté. Des jeunes à proximité entrent en discussion avec lui, et d’un coup, des pierres pleuvent sur les gendarmes. L’un d’entre eux est blessé à la tête, il est pris en charge et bénéficie d’une Interruption temporaire de Travail (ITT) d’un jour. Une enquête est lancée à partir de l’interpellation d’un jeune. Il désigne Kamal* « de Tsimkura », comme étant l’auteur des faits.

Il s’avère que ce nom est déjà inscrit au fichier des personnes recherchées pour vol et recel de biens. C’est donc pour les deux faits, de violence sur un gendarme et de vol commis le 4 octobre 2023 toujours à Chirongui, que Kamal était jugé en comparution immédiate ce vendredi.

Sur l’affaire de vol, la victime a reconnu en Kamal son agresseur qui s’était introduit dans l’appartement avec une machette à la main.

Mais c’est sur l’agression d’un représentant de la force publique, facteur aggravant, qu’il était surtout entendu. « Je n’avais pas vu que c’était un gendarme », lâchait-il en garde à vue, reprenant ses propos à la barre. « Vous avez vu que les jeunes se mettaient à jeter des cailloux, alors vous faites pareil et le visage dissimulé par un tee-shirt ?! », s’exclamait la présidente de l’audience, Axelle de Forcade. « C’est à peu près ça oui », répondait laconiquement le prévenu.

Jamais scolarisé

Il s’agissait au départ d’un banal contrôle routier (Image d’illusttration)

Autre facteur moralement aggravant, s’il ne dort pas dans la rue, c’est parce qu’il a pu trouver une place dans un foyer grâce aux gendarmes. « Vous reconnaissez qu’ils vous ont permis d’être accompagné, et en remerciement, vous les caillassez ! On a de la chance d’être ici et pas aux Assises, car ce caillou aurait pu le tuer ! », s’exclamait la présidente. Une sévérité dans le ton que l’on n’entend pas assez lors des audiences. Pour les magistrats, sur un modèle occidental, c’est la peine qui prime, alors que dans cette société orale qu’est Mayotte, c’est le cheminement qui y mène et la façon dont on va l’expliquer qui aura de l’impact sur un prévenu. En profitant de l’audience pour rappeler les valeurs de ce qui fait société.

Le profil de l’agresseur rassemble à lui seul la misère morale qui conduit à cette spirale infernale de la délinquance. Né à Anjouan, sa mère décède alors qu’il a 8 ans, il n’a jamais connu son père. Il est aussitôt envoyé à Mayotte chez une tante, où on lui demande de participer aux travaux des champs. Il n’a jamais été scolarisé. A 15 ans, en 2017, il se révolte et commet des petits délits.

Son titre de séjour a expiré, « on m’a appelé pour me dire que le nouveau était prêt, mais je n’ai pas l’argent pour aller le chercher ». S’ensuit un flottement, les juges en collégialité l’interrogeant sur ses possibilités d’emprunter les 100 à 300 euros nécessaires, en fonction de son cas, pour obtenir le titre de séjour renouvelé. Qui sera automatiquement détruit sous trois mois.

« Aucune insertion manifeste »

L’avocate du gendarme blessé, Me Hermand, met Kamal devant ses responsabilités : « Je suis effrayée depuis mon arrivée dans ce barreau, par le nombre de faits de violence sur gendarmes. Dieu merci, celle-ci n’a occasionné qu’une plaie à la tête, mais ça aurait pu être plus grave. Et je suis agacée par l’attitude du genre ‘je ne savais pas que c’était un gendarme’. Pourtant, il le voyait assez pour bien viser ! C’est un sport national à Mayotte, or, les gendarmes ne sont pas là pour ça, j’attends un jugement sévère. En plus, il s’est fait aider par les gendarmes, et il ne le reconnait pas dans ses actes. » L’avocate demandait 1.000 euros, dont 800 pour préjudice moral « encore très fort aujourd’hui ».

Le réquisitoire de la substitut du procureur était à la hauteur du contexte mahorais où les caillassages, notamment sur les forces de l’ordre, sont la règle quotidienne : « Kamal a visé un gendarme dans l’exercice de sa fonction. Il faisait partie des jeunes qui entouraient le conducteur contrôlé, il a donc bien vu les gendarmes. Il se vante d’ailleurs ensuite d’avoir touché le fonctionnaire. Il encoure donc 10 ans de prison. Il faut une condamnation à la hauteur de ce que vivent les gendarmes, et le faire savoir dans la salle jusque dans la rue, les gendarmes sont là pour protéger, pas pour prendre des pierres. » Elle requérait 12 mois de prison ferme avec mandat de dépôt, « car il a déjà été condamné pour vol en 2023, nous ne voyons aucune insertion manifeste sur le territoire mahorais. »

Le quart d’heure exotique de l’audience, c’est Me Ibrahim, son avocat, qui va le livrer. S’il tentait de décrire un jeune, « plutôt une bonne personne quand il est isolé, c’est lorsqu’il se retrouve en bande que ça ne va plus », il rejetait l’idée de le voir partir en prison pour 12 mois, en utilisant une carte étonnante : « Ce serait un cadeau de l’envoyer là-bas et qui solliciterait nos impôts, on paie pour tous ceux qui partent en prison. Laissez-le en liberté, puisqu’il va être expulsé. »

Les réquisitions du parquet seront en réalité suivies, Kamal était aussitôt incarcéré et pour un an. Il devra indemniser la victime à hauteur de 800 euros.

A.P-L.

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