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Assises : L’histoire de l’homme qui a passé seize heures ligoté dans la forêt 

Il y a bientôt quatre ans, un homme de 58 ans, cambriolé et blessé à son domicile, a été embarqué de force dans la forêt en pleine nuit, où cinq agresseurs l’ont ligoté à un arbre, pieds et poings liés. Ce récit macabre est l’objet du procès d’assises qui s’est ouvert ce mardi. 

Ces nouvelles assises, présidées par Nathalie Brun-Zahi, concernent un dossier sensible où cinq personnes ont été mises en accusation pour avoir volé, blessé et séquestré un homme de 58 ans, à son domicile, puis en l’emmenant de force de nuit dans la forêt, pour l’attacher à un arbre, bâillonné, pieds et poings liés, avant de l’abandonner. 

A l’écoute des faits, on croirait entendre un récit ressemblant à des méthodes employées par certains guérilleros sud-américains. Pour comprendre cette histoire, d’après les éléments à charge et à décharge retenus dans cette décision, il faut revenir quatre ans en arrière. Le 1er octobre 2020 en fin de journée, alors que Monsieur E s’endort tranquillement à son domicile, il se réveille en croyant à un cauchemar : cinq individus, dont deux mineurs, masqués et armés sont entrés par infraction chez lui, le volent, le blessent, le bâillonnent et le menacent de mort, jusqu’à le conduire dans une forêt. 

Appuyé du Guide pénal, la ou le procureur(e) qui représente le Ministère public s’assure à son échelle du déroulé cadré de chaque audience tout en faisant valoir ses recommandations de peines

Après avoir récupéré des objets de valeurs dans la maison de Monsieur E, les voleurs l’ordonnent de monter dans son véhicule. Une course-folle commence, où Monsieur E se souvient de virages pris au bord du vide, en redoutant alors la survenue d’un accident. Monsieur E est assis à l’arrière du véhicule, mains liées par de la corde, jusqu’à ce que ses ravisseurs lui demandent de retirer plusieurs sommes d’argent et de réaliser des pleins d’essence. Alors que les délinquants semblent supposés avoir tout ce qu’ils cherchent, la victime supplie ses ravisseurs de la laisser partir. 

Ligoté à un arbre, seul, de nuit, dans la forêt, pieds et poings liés

« C’est à ce moment-là que l’enfer a commencé » a déclaré avec émotion la victime, dont la vie a été ébranlée par cette agression. Prenant peu à peu conscience qu’il est comme « séquestré » par ses ravisseurs, le décor s’assombrit. La victime, dont la bouche est bâillonnée, entend que ses ravisseurs songent peut-être à bruler son véhicule, changeant d’avis à plusieurs reprises, augmentant ses craintes quant aux ambitions de ses ravisseurs : « Je me suis dit : mais qu’est-ce qu’ils vont faire de moi maintenant? » 

Le calvaire de Monsieur E commence lorsque ses ravisseurs s’interrogent sur la façon de se « débarrasser de lui ». Quand soudain, à l’aide de machettes, ils décident de tracer un chemin dans la forêt en embarquant leur « proie ». « À ce moment-là, j’ai cru qu’il allait me trancher la gorge » a déclaré Monsieur E dont les mots ont été entrecoupés de larmes. Peinant à reprendre son souffle pour livrer sans artifice la nuit la plus difficile de sa vie, Monsieur E explique : « Ils m’ont demandé de m’asseoir à côté d’un arbre, de mettre les bras derrière mon dos et ils m’ont attaché à un arbre (…) j’avais les chevilles, les bras, la tête attachés. » 

À partir de ce moment-là, Monsieur E passera près de seize heures, seul, attaché à un arbre, sans eau,  sans repère spatio-temporel, dans une forêt, où des fourmis grignoteront ses plaies durant des heures, sans le bruit d’un signe humain, ne sachant s’il sortira vivant de ce calvaire. Dans leurs déclarations, les accusés ont reconnu que la configuration des lieux mettaient la victime en danger de mort. 

Une agression ciblée sur un mzungu* ? 

Dans l’ordonnance de mise en accusation, plusieurs éléments auraient indiqué que les accusés auraient ciblé spécifiquement des mzungu.

La présidente du tribunal, Nathalie Brun-Zahi.

Mais face à la cour d’assises, les discours sont différents. Si les accusés reconnaissent globalement les faits, un à un, à leur tour, ils nient leur implication dans l’agression de Monsieur E, en déclarant que leur objectif était tantôt de « boire avec les potes » ou « de voler une voiture ». Si les excuses pleuvent face aux juges, aucun mot d’excuse n’a été prononcé à la victime. Progressivement, c’est surtout le rôle du « chef » de bande que se renvoient les accusés et leurs avocats respectifs qui tentent de comprendre qui des cinq accusés a entraîné les quatre autres. 

La « tête pensante » du groupe explique qu’elle n’a pas voulu faire de mal à la victime et que son seul but était de voler les clés de maison de Monsieur E. Malgré ses mots, parfaitement limpides, qui donneraient envie de « donner le bon dieu sans confession » à celui qui est décrit comme le chef de bande, donne surtout le sentiment d’une personne détachée de ses responsabilités, où on peut parfois l’observer en train de rire de la situation, de nier les faits ou de faire porter la responsabilité de ses actes sur les autres accusés. La présidente de la cour d’assises finira alors par l’interpeler en ce sens : « Vous n’avez toujours pas intégré que la victime a pu avoir peur ? Vous l’avez vue ce matin ? Vous avez vu dans quel état elle est encore aujourd’hui ? (…) Quatre ans après vous n’avez toujours pas intégré que ces faits son graves ? (…) Mais Monsieur comment peut-on croire que vous n’êtes pas responsable ? (…) Vos empreintes ont été relevées, vos déclarations sont formelles et aujourd’hui, vous n’avez toujours pas fait votre chemin de responsabilité ? » 

« Avant j’avais une vie, maintenant j’ai perdu le goût de tout »

D’après le directeur de l’enquête de la section de recherche de Mamoudzou, « les conditions dans lesquelles la victime a été abandonnée, attachée à un arbre dont il ne pouvait se défaire du fait de sa position, en étant assis, les mains dans le dos, les pieds attachés, dans un endroit, où personne n’aurait pu savoir qu’il était, font penser que l’acte de mort était possible. » 

La salle d’audience du tribunal judiciaire où se déroulent les assises

La victime, restée dans la forêt pendant près de seize heures, a été retrouvée par les pompiers, grâce à ses derniers cris à l’aide, entendus par des témoins, dans un état d’extrême fatigue et de grande déshydratation. 

Dans un discours d’une honnêteté déconcertante et sans artifice, Monsieur E, qui a été entendu par visioconférence, a même fini par avouer que lorsqu’il s’est retrouvé dans cette forêt l’idée d’en finir lui a traversé l’esprit : « À un moment, j’ai eu envie de mourir, j’avais peur que les voyous reviennent me torturer. » Depuis, il vit en ayant « perdu le goût de tout ». 

Mathilde Hangard 

* En swahili, ce terme veut dire « personne à la peau blanche ». Dans le langage courant, il désigne aussi des européens, sans distinction quelconque de couleur de peau.

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