« Au regard des positions défendues dans l’Assemblée nationale par votre mouvement contre les discriminations de quelque nature que ce soit, je vous demande solennellement si vous approuvez les propos tenus par les deux députés réunionnais, qui ne font qu’attiser les tensions vis-à-vis de la communauté mahoraise à La Réunion », peut-on lire dans le courrier adressé ce jeudi 21 mars par Saïd Omar Oili à Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. Suite à la polémique enflammée déclenchée par les propos tenus en premier lieu par Jean-Hugues Ratenon il y a deux semaines puis réitérés par son collègue Perceval Gaillard et lui-même la semaine dernière, le sénateur Saïd Omar Oili a décidé de réagir. D’autant plus qu’une pétition appelant à « dire non à la violence venue de Mayotte à La Réunion » a été lancée sur l’île Bourbon en début de semaine dernière, provoquant l’ire des Mahorais qui se sentent « discriminés en tant que Français ».
Un sentiment qui se comprend d’autant mieux que les membres du groupe LFI s’étaient positionnés contre l’opération wambushu 1 et que l’un des combats phares du parti est justement la lutte contre les discriminations. Comment comprendre alors la position de ces deux députés LFI qui craignent « un transfert de la violence de Mayotte vers La Réunion » et proposent notamment comme solution « d’interdire le transfert de prisonniers entre les deux îles » ? Un paradoxe que n’a pas manqué de souligner Saïd Omar Oili dans un premier courrier adressé le 13 mars dernier à Jean-Hugues Ratenon lequel a pourtant « persisté et signé » la semaine dernière en réitérant ses propos jugés « stigmatisants pour la communauté mahoraise » par le sénateur.
Pas d’amalgame…tant qu’on n’est pas directement concernés !
Les députés réunionnais du groupe LFI, parti politique qui est le premier à dénoncer « les amalgames », ne se privent néanmoins pas d’en faire quand il s’agit de défendre leur île. Si « avoir peur que la violence de Mayotte se transfère à La Réunion » peut être une crainte légitime, elle l’est beaucoup moins quand on s’est positionné contre une opération, Wambushu 1, qui certes avait pour but la destruction des habitats illégaux, mais également la lutte contre la délinquance. S’il est vrai qu’on peut discuter la question de savoir si immigration clandestine et montée de la violence sont deux phénomènes liés par une relation de cause à effet, il est dommage de n’avoir vu dans Wambushu qu’une « opération xénophobe » quand personne, l’Etat pas plus qu’une autre entité, ne sait que faire pour éradiquer le phénomène de délinquance qui ne fait qu’augmenter sur l’île aux parfums d’année en année.
C’est bien ce que dénonce Saïd Omar Oili dans ses deux courriers. « A Mayotte la densité démographique est de 690 habitants au km² contre 336 à La Réunion alors même que le taux de pauvreté y est supérieur de 41% par rapport à votre département », a-t-il rappelé à Jean-Hugues Ratenon dans son premier courrier, avant de l’appeler à « apporter son soutien à la procédure législative qui mettra fin aux cartes de séjour territorialisées à Mayotte ». Un vœu pieux qui n’est bien loin d’être chose gagnée au regard de la crainte des Réunionnais de voir s’exporter la violence de Mayotte à La Réunion et de voir ainsi leur quiétude mise en péril ! Devant la persistance des propos « stigmatisants » de Jean-Hugues Ratenon, épaulé désormais par Perceval Gaillard, autre député de la France Insoumise, Saïd Omar Oili a donc décidé de s’adresser directement à la présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale. « La pétition lancée en début de semaine constitue la preuve que de tels propos ne font qu’alimenter les idées diffusées par les mouvements extrémistes racistes et xénophobes », peut-on notamment lire dans son courrier.
Celui-ci fera-t-il réagir Mathilde Panot ? Cela serait judicieux de sa part car la polémique enfle à Mayotte et Saïd Omar Oili n’est pas le seul à avoir réagi. Le collectif Résistance Réunion Mayotte en Action (Re-MaA) a lui aussi publié une tribune libre dans laquelle il affirme que « Les élus de La Réunion, notamment ceux de gauche et des associations des droits de l’homme dont la Cimade, La ligue de droit de l’homme, se sont prononcés contre l’expulsion des immigrés clandestins lors de l’annonce de l’opération Wuambuchu, contre l’opération de sécurisation de notre île et ont également défendu le maintien du droit du sol à Mayotte. En tant que citoyens français par le droit du sol, ces individus ont le droit de résider en France, y compris à La Réunion ». Une réponse du berger à la bergère !
Nora Godeau