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samedi 27 avril 2024
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Santé : « Les données montrent que 80% des cancers du sein concernent des femmes âgées de plus de 50 ans »

A Mayotte, alors qu’un tiers des cancers détectés sont des cancers du sein et qu’aucun mammographe ne fonctionne depuis plusieurs mois sur le territoire, la vision d’un conseiller médical et médecin de santé publique est forcément essentielle, en ce qu’elle permet de mettre en synergie de nombreux pendants de ce sujet, tant au niveau de la prévention, que de l’offre de soins. Nous avons eu l’opportunité d’interroger le Dr. Maxime Ransay-Colle à quelques semaines de nouvelles annonces pour le dépistage du cancer du sein à Mayotte.

Tout d’abord, pouvez-vous expliquer ce qu’est un cancer du sein, s’il s’agit d’une maladie strictement féminine et une maladie qui concerne exclusivement les femmes de plus de 50 ans ? 

Maxime Ransay-Colle : Les données montrent que 80% des cancers du sein concernent des femmes âgées de plus de 50 ans. Cela veut aussi dire que 20% des cancers du sein concernent des sujets jeunes. On estime qu’il y a aussi des prédispositions génétiques qui exposeraient certaines femmes à des risques de développer un cancer du sein avant 50 ans, mais ce sont que des suppositions cliniques. Ce qu’il faut retenir c’est que toutes les femmes doivent surveiller leurs seins et consulter un professionnel de santé en cas de doute.

En temps normal, c’est-à-dire lorsque le territoire offre la possibilité de passer une mammographie, quels sont les outils et moyens de dépistage du cancer du sein à Mayotte ? 

Mammographie, dépistage, cancer, sein
À Mayotte, quatre femmes de 15 ans ou plus sur cinq n’ont jamais réalisé de mammographie pour le dépistage du cancer du sein (Insee-drees, données 2019)

Maxime Ransay-Colle : Il est important de distinguer les dépistages « organisés », des dépistages « ciblés ». Les dépistages organisés sont gratuits et s’adressent à toutes les femmes de plus de 50 ans dans le cadre d’un dépistage bi-annuel. Les dépistages ciblés s’adressent à toutes les femmes à risque de développer un cancer du sein sans distinction d’âge, en raison de prédispositions génétiques ou d’antécédents familiaux. Pour ces deux cas, la mammographie reste l’outil principal de dépistage.

A Mayotte, le réseau d’acteurs qui interviennent dans la gestion et la prise en charge de ce type de cancer est-il sous-dimensionné ?

Dépistage, cancer du sein, auto-palpation
L’auto-palpation des seins, ne nécessite aucun matériel, peut être pratiquée seule ou auprès d’un professionnel de santé, elle doit être réalisée régulièrement, en dehors de la période des menstruations, sur et tout autour des seins, et sous les bras, (illustration/DR)

Maxime Ransay-Colle : Pour bien vous répondre, il faut avant présenter le volet préventif et le volet curatif. A Mayotte, le volet curatif repose sur le système de soins libéral et hospitalier. À Mayotte, dans toutes les filières de soins, on souffre d’un déficit de praticiens. Pour le volet préventif, un outil essentiel, gratuit et simple à réaliser, repose sur l’auto-palpation. Alors que l’auto-palpation est encore trop peu pratiquée par les femmes à Mayotte. On doit vraiment apprendre aux femmes à bien connaître leur corps et identifier les premiers signes d’une potentielle lésion du sein. Les acteurs associatifs, tels que Asca et Amalca, vont intervenir dans la prévention et l’éducation à la santé. Parmi les professionnels de santé, les sages-femmes sont souvent en première-ligne pour le diagnostic de cette pathologie, la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) va également intervenir sur les dépistages organisés du cancer du sein, mais aussi le Centre Régional de Coordination de Dépistage des Cancers à Mayotte (CRCDC-Mayotte), le Réseau Périnatal de Mayotte et l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte.

Pendant plusieurs mois, aucun mammographe n’était disponible à Mayotte, ni au CHM, ni au centre de radiologie, les autorités sanitaires avaient orienté les femmes à risque de développer un cancer du sein vers le CHM pour réaliser une IRM mammaire mais surtout vers La Réunion, qu’en dites-vous ? 

Maxime Ransay-Colle : Effectivement. A l’origine, nous avions un seul mammographe disponible sur le territoire, il était relativement ancien, le fabricant n’a pas été capable de fournir des pièces de remplacement. Cela a interrompu immédiatement l’offre de soins pour le dépistage du cancer du sein à Mayotte car il n’y avait qu’un seul mammographe pour tout le territoire. C’est quelque chose qui n’avait pas été anticipé. Il y a donc eu un déficit. Initialement, la première solution proposée a été de s’appuyer sur l’offre de La Réunion.

Dans quel cadre, une femme était orientée vers un établissement de santé de La Réunion et est-ce que ce déplacement et ces soins étaient pris en charge ? 

Les « tumeurs » représentent 19 % des évacuations sanitaires de l’année 2020 (panorama santé ARS 2023)

Maxime Ransay-Colle : Oui, dans le cadre d’un dépistage ciblé, à n’importe quel âge, à partir du moment où une femme est entrée dans le système de soins. Un médecin qui a adressé une demande de prise en charge d’une patiente au CHM peut faire l’objet d’une demande d’évacuation sanitaire (EVASAN) et cette évacuation sanitaire est prise en charge. Mais dans le cadre des dépistages organisés, je pense que les femmes ne se sont pas déplacées jusqu’à La Réunion pour se dépister. L’absence de ce mammographe a été un vrai défaut dans la prise en charge des cancers du seins. La deuxième solution trouvée a été d’utiliser des moyens plus puissants de dépistage. Il y a eu des dépistages au CHM par IRM, scanner et en réalisant une échographie. Le scanner et l’IRM mammaire sont des examens très coûteux mais plus puissants qu’une simple mammographie. Certaines femmes à Mayotte ont eu accès à ces examens.

Combien de femmes ont été admises pour réaliser une IRM mammaire, un scanner ou une échographie dans ce contexte ? 

Maxime Ransay-Colle : Il est encore trop tôt pour le dire. On travaillera sur la consolidation de ces données avec le CHM, le CRCDC, la CSSM, les libéraux, notamment pour évaluer la part des prises en charge dans le cadre de dépistages ciblés et la part de prise en charge dans le cadre de dépistages organisés. Cela nous donnera une idée de l’impact qu’a eu ce manque de matériel pendant une longue période. Mais on ne peut jeter la pierre à aucun acteur. Un seul acteur aujourd’hui peut réaliser des mammographies. Et à Mayotte, systématiquement, ce propos est valable dans de nombreux domaines, quand tout repose sur un acteur, une institution, un lieu ou encore une machine dans ce cas, la perturbation de ce fonctionnement habituel peut avoir des conséquences très graves en cascade. 

Pour permettre la réalisation de ces examens coûteux au CHM pendant ces semaines de latence, un accord a-t-il eu lieu entre le CHM et l’ARS ? 

Cancer du sein, dépistage
Le dépistage par mammographie permet de détecter, avant tout symptôme, 90 % des cancers du sein (illustration/DR)

Maxime Ransay-Colle : Non, cela a fait l’objet d’une adaptation spontanée du CHM, pour laquelle l’ARS était informée, c’était un accord de principe mais on n’avait pas d’autres solutions alternatives. Malgré tout, on a eu moins d’examens que le nombre total de mammographies que nous aurions eu si l’appareil avait fonctionné. Ce mode de compensation mis en place a eu le mérite d’exister mais n’a pas pu absorber toute l’activité. L’IRM et le scanner sont des matériels très précieux qui sont utilisés pour d’autres pathologies et ne pouvaient pas être uniquement utilisés pour les dépistages du cancer du sein. Dans tous les cas, le mammographe, l’IRM, le scanner et l’échographe sont des outils complémentaires, que l’on peut déployer pour identifier au mieux d’éventuelles lésions, avant de pratiquer des biopsies pour caractériser les lésions.

Comment expliquer que l’absence de mammographe sur le territoire est un sujet dont on a très peu parlé ? 

Maxime Ransay-Colle : Il y a eu un défaut de communication entre les acteurs autour de ce mammographe en panne car les acteurs n’avaient pas de solution alternative à proposer, pour les dépistages organisés. En conséquence, certaines femmes ont reçu encore jusqu’à peu des invitations pour réaliser leur dépistage, aussi des professionnels en libéral et exerçant en PMI continuaient à orienter ces femmes vers le centre de radiologie alors que ce n’était pas possible.

Existe-t-il une filière cancérologique à Mayotte ? 

Mammographie, dépistage, cancer, sein, Mayotte
Durées écoulées depuis la réalisation de la dernière mammographie de dépistage du cancer du sein parmi les femmes, en 2019 à Mayotte (Insee-Drees, 2019, exploitation ARS Mayotte, Panorama santé)

Maxime Ransay-Colle : En mars 2024 on n’a pas de filière de prise en charge des cancers solides. Dès qu’on a une suspicion de cancer, on va vite être à court de compétences pour caractériser et prendre en charge ce cancer. Dans le cadre du projet régional de santé (PRS) pour la période de 2023 à 2028, les objectifs s’inscrivent sur du plus long terme. Par exemple, des habilitations en chirurgie vont notamment être permises. Certains chirurgiens du CHM sont déjà intervenus sur des cancers, ils savent le faire, mais l’hôpital n’est pas encore habilité.

Les freins sont-ils aussi liés à un manque d’effectifs ? 

Maxime Ransay-Colle : Bien sûr, malheureusement on souffre d’un défaut d’attractivité. Tant qu’on n’a pas de cancérologue qui va faire des consultations, on va être assez vite coincés. Actuellement, Mayotte n’a pas aujourd’hui la capacité de prendre en charge complètement, c’est-à-dire de A à Z, un cancer du sein. Certains cancers pourront l’être, s’ils ne sont pas invasifs et qu’une surveillance à Mayotte peut être réalisée ici, mais cela reste exceptionnel. On est très souvent contraints d’orienter les patientes vers La Réunion.

Aujourd’hui, le mammographe du Centre d’Imagerie Médicale de Mayotte n’a pas été remplacé. Est-ce que la situation a évolué et quelles seront les prochaines perspectives ? 

Barrages, délinquance, Mayotte, Koungou
La crise des barrages a eu un impact significatif sur le système de santé

Maxime Ransay-Colle : Oui, un nouveau mammographe remplacera celui qui est actuellement défaillant au Centre d’Imagerie Médicale de Mayotte. Il sera mis en activité au mois d’avril 2024. On croise les doigts pour qu’il n’y ait pas d’autres problèmes d’ici là. Il faudra deux à trois semaines d’installation et de mise en marche de cette nouvelle machine. La crise des barrages a énormément ralenti nos activités et le conflit israélo-palestinien a forcé le déroutage de certaines de nos marchandises. On a perdu du temps pour acheminer ce mammographe. Aussi, on n’a pas toujours les moyens de faire fonctionner ces mammographes car on n’a pas assez de manipulateurs en électroradiologie médicale, ni de radiologues sur l’île.

Pour éviter de revivre ces interruptions de dépistages organisés, est-il envisagé de disposer d’un deuxième mammographe à Mayotte ?

Maxime Ransay-Colle : Oui justement, on travaille à l’acquisition d’un second mammographe pérenne, nous sommes en phase de réflexions sur le portage du projet et le lieu d’exploitation. Cette acquisition supplémentaire se fait en parallèle d’une organisation professionnelle pour que cette nouvelle machine tourne de manière optimale. On peut espérer avoir une deuxième machine début 2025. Parallèlement, l’ARS travaille sur la préparation d’une campagne de rattrapage du cancer du sein et du cancer du col de l’utérus. L’événement pourrait être organisé dans le cadre d’Octobre Rose. Concrètement, on augmenterait temporairement nos capacités de dépistage, en faisant venir des professionnels de santé et des mammographes pour faire des dépistages de masse. Cela s’organiserait sur un temps restreint en essayant de dépister le plus de personnes possibles. 

Propos recueillis par Mathilde Hangard

 

* IRM : Imagerie par résonance magnétique

* Octobre Rose : campagne nationale annuelle dont l’objectif est de sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein et de récolter des fonds pour la recherche.

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