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Justice – Prison avec sursis, privation des droits civils et civiques et 40.000 euros d’amende requis contre Daniel Zaïdani

Le procès de l’ancien président du Conseil départemental, Daniel Zaïdani, et de ses deux collaborateurs, Alhamid Aboubacar et Alain Kamal Martial Henry s’est enfin tenu hier plus de 10 ans après les faits. Il était notamment reproché à Daniel Zaïdani des détournements de fonds publics lors de son mandat. Quant à ses anciens collaborateurs, ils étaient poursuivis pour complicité d’atteinte à la liberté d’accès des candidats dans les marchés publics et soustraction de biens.

C’est un procès fleuve qui s’est déroulé hier à l’encontre du principal accusé Daniel Zaïdani. Commencée en milieu de matinée, l’audience ne s’est terminée qu’en fin d’après-midi. En effet, l’ancien président du Conseil départemental était poursuivi pour trois faits de détournements de fonds et un délit de favoritisme qui se sont déroulés en 2012. L’avocat de Daniel Zaïdani, maître Benoît Jorion, a bien essayé de soulever, dès le début de l’audience, une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) mais en vain puisque le tribunal a considéré, après délibération, qu’il n’y avait pas lieu, « que ce n’était pas nécessaire ». Alors que reprochait-on à Daniel Zaïdani ? Une certaine forme de népotisme, mais surtout de s’être servi dans la caisse des deniers publics du Conseil départemental pour son propre intérêt et celui de ses collaborateurs.

Un futari privé pour près de 5.000 euros

Même s’il s’en est défendu, le conseiller départemental de Petite-Terre n’a vraisemblablement pas réussi à convaincre le tribunal du caractère public du futari organisé chez lui, dans sa cour, dans sa maison de Petite-Terre, en août 2012. « Le Conseil départemental organisait depuis plusieurs années des futari. Je l’ai organisé en Petite-Terre pour des raisons pratiques. Je l’ai fait chez moi pour éviter des problèmes de sécurité sur la voie publique », indique-t-il. Et pour cause, près de 200 personnes étaient conviées, sauf que comme l’a fait remarquer la présidente du tribunal, Catherine Vannier, il n’y avait aucune personnalité officielle invitée.

Diffamation, MCG, JDM, Mayotte
Une audience présidée par Catherine Vannier, présidente du Tribunal Judiciaire

« J’ai cru comprendre que tout le monde peut être invité lors d’un futari, or ni le préfet, ni aucun membre des autorités administratives n’étaient invités. Il y avait essentiellement des notables et des élus de Petite-Terre et seulement un élu de Grande-Terre. – C’était inapproprié d’inviter le préfet, cela se déroule pare-terre sur des nappes, c’est une cérémonie à connotation religieuse, en famille, c’est un moment de convivialité et d’échange. C’était essentiellement des retraités. Si cela avait été privé, j’aurais invité des gens de ma génération. A aucun moment ne n’ai organisé de futari privé, raconte l’élu – Pourtant votre prédécesseur organisait des futari officiels au sein des locaux du Conseil départemental et il faisait la différence entre privé et public, rétorque la présidente du tribunal. De plus de nombreux invités, près des 3/4 selon les enquêteurs, ne savaient pas dans quel cadre ils étaient invités. – Ce n’est pas moi qui ai fait la liste des invités mais le service du protocole. Je n’ai pas invité personnellement les convives. Si le préfet n’était pas invité c’est que les conditions n’étaient pas réunies et peu appropriées. Peut-être ai-je fait une erreur en n’invitant aucun officiel », concède Daniel Zaïdani.

La procureure, Françoise Toillon, un peu interloquée par ce qu’elle vient d’entendre fait part de son scepticisme au prévenu. « Donc vous invitez des notables chez vous, dans votre cour, en faisant une commande chez un traiteur pour près de 5.000 euros avec l’argent du Conseil départemental et vous nous dites que c’est un événement public alors qu’il est payé par les deniers de la collectivité, et qu’en plus il n’y avait aucune personnalité officielle ?! ». Daniel Zaïdani a maintenu, une fois de plus, que c’était bien un futari public mais que les locaux du Conseil départemental ne se prêtaient pas à ce genre d’événement, il l’a donc organisé chez lui.

Des véhicules de fonction pour les élus de la majorité uniquement

Autre fait reproché à l’ancien président du Département, le parc de voiture avec chauffeurs mis à la disposition de ses adjoints et leur utilisation à des fins souvent personnelles. « Les élus, notamment les vice-présidents, ont des responsabilités, des fonctions et des missions particulières… Ils ont besoins de véhicules de fonction. – Pourquoi ne pas en avoir accordé à des élus de l’opposition ? Demande la présidente. – Ils n’en avaient pas la même nécessité ». Concernant l’utilisation à des fins privées, Daniel Zaïdani joue la carte de la candeur et botte en touche.

« Cela échappe à ma compétence. Quand j’ai été élu, le responsable du parc de voitures était déjà là, ce n’est pas moi qui l’ai nommé et beaucoup d’élus étaient déjà en place également à l’époque de mon prédécesseur. Je pense qu’il y a eu une continuité dans les pratiques. Dès qu’on m’a signalé ces faits, je me suis rapproché d’un juriste pour évaluer tout ça et avoir un avis juridique ». Le conseiller départemental plaide ainsi la bonne foi et assure que même en tant que président du Département, on ne peut pas tout maitriser et tout savoir. « J’arrivais au Conseil départemental à 7h et j’en repartais à 22h. Je ne regardais pas qui était là et je ne savais pas qui faisait quoi et à quel moment. Il y a plus de 2.000 agents qui travaillent pour le Département, on ne peut pas toujours tout savoir », avoue-t-il. Il n’en fallait pas plus pour que la présidente du tribunal saisisse la perche que l’on venait de lui tendre : « On a l’impression que vous n’étiez pas au courant de grand-chose… », fait-elle remarquer. Puis de poursuivre, « Il n’y a pas eu de sensibilisation auprès des élus sur ce sujet ? J’ai cru comprendre qu’il y a eu une réduction drastique du nombre de voitures de fonction, passant de 10 à 5, quelques mois après ».

Plus de 10 ans de procédures avant d’avoir enfin un procès

Puis Catherine Vannier enfonçait le clou en trouvant inadmissible que les services sociaux et les travailleurs sociaux ne disposaient, eux, d’aucun véhicule alors qu’ils en avaient sans doute plus besoin que certains élus. « Cela ne vous choque pas ? Lance-t-elle. En tant qu’élu vous étiez au service de la population mahoraise et non à votre propre service. N’était-ce pas une élection prématurée ? », s’interroge la présidente.  Daniel Zaïdani faisait son mea culpa en disant qu’il était sans doute trop jeune à l’époque et manquait d’expérience pour exercer ces fonctions, « J’ai toujours essayé de faire de mon mieux et j’essaierai toujours de le faire », a-t-il insisté.

L’acquisition de deux véhicules sans passer par un marché public

On ne sait pas si l’ancien président du Conseil général avait la folie des grandeurs mais en tous cas, il aimait bien les voitures plutôt luxueuses, puisqu’à l’époque il avait signé un devis pour deux voitures de fonction pour ses déplacements à hauteur de plus de 70.000 euros une coquette somme il y près de douze ans maintenant. Il avait ainsi choisi le modèle, la couleur et les options… Pourquoi deux voitures ? Il en fallait une pour la Petite-Terre et une pour la Grande-Terre. De surcroit, cela s’est fait sans délibération de la part des élus du Conseil départemental et sans passer par un marché public, ce qu’impose la loi. « Comment pouviez-vous ne pas être au courant ? », fustige la présidente.

Et pourquoi ne pas être passé par le service compétent du Département dont la mission est justement de s’occuper des achats de ce type ? – J’ai simplement exprimé un besoin, je n’interviens pas dans les services… Je suis passé directement par un de mes collaborateurs. J’ai juste signé un devis au mois de janvier et non le bon de commande. Quant au prix, certes il est élevé, mais c’était les prix à Mayotte. De plus la livraison ne s’est faite qu’au mois de décembre, près d’un an après. – C’était votre commande pour Noël », ironise Catherine Vannier. Toujours est-il que cette acquisition s’est faite en dehors de tout procédure obligatoire et légale ce qui a fait dire à la présidente, « A croire que personne n’était compétent dans ce Conseil départemental ?! ».

Des conventions signées pour l’organisation de concerts à des prix astronomiques

En 2012, le Conseil départemental avait décidé de faire venir le groupe de rap Sexion d’Assaut pour faire un concert, avec un cachet de 45.000 euros, sans compter les billets d’avion et l’hébergement. « Ils étaient très populaires à l’époque, ils vendaient beaucoup d’albums. S’ils venaient ans l’Océan indien, c’était pour faire une tournée avec au minimum trois concerts. Pour un groupe de 9 chanteurs, dont Gim’s, je trouve que le cachet n’était pas disproportionné ». Sauf que le problème c’est qu’ils n’ont donné qu’un seul concert à Mayotte, les autres se sont déroulés à Moroni et à Diego Suarez, à Madagascar, région où il y avait une coopération régionale à l’époque mais aussi où Daniel Zaïdani avait des attaches, notamment familiales.

L’ancien président nie avoir financé les concerts à Moroni et Diego Suarez par le biais du Département. « Vous avez pourtant signé les conventions permettant de payer les cachets et les déplacements de artistes, demande la présidente. – Oui mais parmi les dizaines de parapheur que l’on doit signer, on ne peut pas tout regarder en détail. – Vous avez engagé de l’argent public sans regarder ce que vous avez signé ???, s’étouffe la présidente. – Je signe ce qu’on me dit ». S’en est suivi plusieurs dizaines de minutes d’explications alambiquées du prévenu sur la signature de ces conventions, dont même les membres du tribunal n’ont pas pu vraiment tirer les choses au clair.

La vice-procureure, Françoise Toillon ( à gauche sur la photo)

Dans son réquisitoire la procureure a mis en cause la probité de Daniel Zaïdani dans l’exercice de son mandat de président du Conseil départemental. « Certes il n’y a pas de victimes dans ce procès, mais les vraies victimes ce sont les Mahorais ! Le dossier a trainé pendant plus de 10 ans, la justice a été lente mais les actions de la défense ont aussi ralenti la procédure. C’est un comportement désastreux pour les administrés et un problème de moralisation de la vie publique ».

Selon elle, Daniel Zaïdani ne pouvait pas ignorer ce qu’il se passait au sein du Conseil départemental, « C’est un système ! », a-t-elle asséné. Aussi, la procureure a requis 2 mois de prison avec sursis pour Alhamid Aboubacar et Alain Kamal Martial Henry, considérant qu’ils étaient « périphériques » ; 1 an de prison avec sursis avec une amende de 40.000 euros assortie d’une privation des droits civils et civiques durant 5 ans à l’encontre de Daniel Zaïdani. Le délibéré sera rendu le 30 avril prochain.

B.J.

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