A trois reprises, en janvier et février derniers, grâce aux signalements d’usager de la mer et des missions de suivi de l’état de santé du corail, le Parc naturel marin de Mayotte a découvert trois dispositifs de poissons dérivants (ou DCP dérivant) échoués et emmêlés dans le récif corallien sur la pente externe de la réserve de la passe en S et dans la passe Bouéni.
Pour comprendre l’importance et les enjeux que telles découvertes recouvrent, il faut d’abord savoir que le dispositif de concentration de poisson (DCP) a été créé à des fins de pêche. Il s’agit d’une forme de radeau construit avec des objets flottants, des filets et des cordes, déployés pour attirer des poissons en masse. Cette technique ancestrale a progressivement été reprise par l’industrie de la pêche, et notamment celle de la pêche du thon. Aujourd’hui, les DCP ont « évolué » en précision, elles contiennent des balises GPS et des satellites permettant de suivre la position géographique de chaque DCP et de suivre le volume de poissons capté autour de la DCP.
Des dégâts sur plus de 20 mètres carré dans la passe en S et la passe Bouéni
Depuis 1990, la passe en S à Mayotte est une zone de pêche règlementée. Elle constitue un haut lieu de la biodiversité et une zone d’observation de la faune marine extraordinaire. Au sud, la passe Bouéni est très fréquentée par les plongeurs et particulièrement riche en espèces marines.
A Mayotte, ces échouages ont causé de nombreux dégâts sur plus de 20 m2 de colonies d’Acropora, branchus et tabulaires. De plus, lors du retrait de ces DCP du récif, le corail a été impacté. Enfin, des résidus de ces engins (filets, cordages…) sont restés coincés dans les colonies coraliennes provoquant une pollution de matière plastique.
A qui appartiennent ces DCP ?
Actuellement, les Affaires maritimes et la gendarmerie maritime mènent une enquête pour identifier les propriétaires des DCP échoués et retrouvés. Ces derniers encourent des poursuites pour dégradation des habitats marins et de la pollution causée.
Les conséquences des DCP dérivants à plus grande échelle
A Mayotte, comme dans une grande partie de l’Océan Indien, les navires de pêche les thoniers-senneurs utilisent très largement des dispositifs de concentration de poissons dérivants (DCPd). Cette méthode a malheureusement des impacts importants sur l’environnement :
- La pollution, puisqu’au moins 529 tonnes de déchets par an sont issues des DCPd des thoniers français ;
- L’amenuisement des espèces de poissons car la plupart des thons obèses et albacore pêchés sous DCP sont immatures, ce qui signifie qu’ils ne seront jamais reproduits ;
- La mise en danger d’espèces protégées et emblématiques car les dispositifs de DCPd peuvent constituer un piège pour d’autres espèces ou poissons qui n’auraient pas vocation à être pêchés (requins, dauphins, tortues…) ;
- La destruction de nombreux habitats marins du fait des casses de coraux et de l’arrachage d’herbiers que ces dispositifs engendrent.
Mayotte et sa double barrière de corail, trésor du monde
Mayotte représente le plus grand système récifo-lagonaire de l’océan indien occidental. Son lagon se caractérise par une diversité extraordinaire en termes de géomorphologie récifale et de nombre d’espèces présentes. Le lagon de Mayotte fait partie des rares lagons du monde à présenter une double-barrière de récifs dans sa partie sud-ouest. Ainsi, l’échouage du DCP représentante une pression de plus sur la protection de cet habitat marin, déjà fragilisé par une pollution plastique importante, suite à la dernière crise de l’eau. Il est essentiel de le préserver.