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vendredi 26 avril 2024
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Fausses attestations d’hébergement : Anrif Mourdi déchu de son mandat de conseiller municipal

La délivrance massive de fausses attestations d’hébergement est-elle un moyen efficace pour se faire élire conseiller municipal ou même maire ? Pour sanctionner ces pratiques « antidémocratiques », le tribunal a décidé de priver Anrif Mourdi de ses droits civiques pour faux caractérisés. Alors qu’il a contribué à alléger le village de Sima aux Comores d’une partie de ses habitants au profit de Kavani à Mamoudzou, le parquet y voit une aide à l’entrée d’étrangers, et a décidé de faire appel.

Le petit manège dure depuis 2014, mais ce n’est qu’en novembre 2022 que les services de l’immigration de la préfecture de Mamoudzou s’aperçoivent que de nombreux dossiers comportent la même attestation d’hébergement, dans le quartier Mbazari à Kavani, commune de Mamoudzou. Ils saisissent les services de police et le parquet qui identifient rapidement que les formulaires de la préfecture de demande de titres de séjour, de leur renouvellement, comportent tous la même adresse de logement, accompagnés de la même photocopie de pièce d’identité et les mêmes factures SMAE comme attestation.

Et la personne sensée héberger tout ce monde est un conseiller municipal de Mamoudzou. « Depuis 2014 l’enquête relève de 120 à 130 attestations frauduleuses déposées par des étrangers comoriens », relate Bruno Rousseau, vice-président du tribunal judiciaire, qui préside d’audience du tribunal judiciaire où Anrif Mourdi est entendu en comparution immédiate ce lundi 12 décembre 2022. Les 32 personnes qui en ont bénéficié en 2022 sont entendues par la Brigade de recherche, et confirment les faits : « Elles disent avoir déclaré cette adresse, mais n’avoir jamais été hébergées chez vous. Ils s’agit donc de fausses déclarations d’hébergement », constate le juge.

Placé en garde à vue ce 10 décembre, Anrif Mourdi confirme avoir fait des faux, comme il le redira à la barre. Aucune contrepartie financière n’est demandée, mais morale, « je les ai aidé pas pour de l’argent, uniquement pour qu’ils me portent du respect et qu’ils m’appellent ‘monsieur le maire’ ». Typique à Mayotte où les vice-présidents du conseil départemental sont appelés « président », et les adjoints au maire ou les conseillers municipaux, « monsieur le maire ».

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La mairie de Mamoudzou

« Le programme des LR, c’est bien la lutte contre l’immigration clandestine ?! »

Mais en creusant, on s’aperçoit que la plupart de ces gens qui peuplent peu à peu le quartier Mbazari, qui porte décidément bien son nom, sont issus du même village, Sima, à Anjouan, le village natal du prévenu. « Là bas, c’est un peu ma famille », bredouille-t-il à la barre. On touche le second chef d’accusation, celui de l’aide au séjour et à l’entrée d’étrangers sur le territoire de Mayotte. Mais bien qu’il s’enquiert, « il reste encore des habitants à Sima ?! », le juge n’ira pas plus loin. De même, s’il est parvenu à démontrer que l’élu, membre des LR, est en pleine schizophrénie, « le programme de votre parti c’est la lutte contre l’immigration clandestine, vos actes correspondent-ils à votre programme ? », il n’ira pas plus loin, « le tribunal n’a pas la preuve que vous avez été élu grâce aux votes des personnes que vous avez aidées, qui, de toute façon, étant donné leur ancienneté, ne pouvaient pas voter aux municipales. » Pour pouvoir voter, il aurait fallu en effet que les premiers titres de séjour obtenus frauduleusement en 2014 aient obtenu la nationalité française entretemps.

Par contre, et c’est l’angle choisi par le procureur Yann Le Bris, l’obtention de titres de séjour permet de donner naissance ensuite à des enfants qui pourront demander la nationalité française, puisque selon la loi de 2018, il faut résider de manière régulière et continue sur le territoire 3 mois avant la naissance de l’enfant : « Ces enfants seront nés légalement sur le territoire, et pourront obtenir la nationalité française ». Il évalue à 2.000 personnes les bénéficiaires in fine de ces faux, en comptant les enfants et les familles élargies. Le sénateur Thani Mohamed Soilihi a toujours soutenu que ses amendements entérinés dans la loi mentionnée ci-dessus ne pourraient porter leurs fruits qu’à condition de force communication aux Comores, et de lutte contre les falsifications d’actes à Mayotte.

Le ‘chefou’ opportunément adoubé par la population

Yann Le Bris : « Ça interroge sur la conception de la démocratie ! » (Archives)

Le procureur va mettre en évidence le recul de la démocratie qu’induit ce geste : « Au-delà des règles de la République, la solidarité de village avec Sima aux Comores prime sur tout le reste. Délivrer de fausses attestations pour obtenir leur respect, et devenir leur ‘chefou’ comme vous dites, va vous permettre d’être sollicité par les élus pour commander des votes en contrepartie d’un poste de conseiller municipal. Et en plus vous logez sans payer de loyer sur un terrain du conseil départemental. »

Pour le représentant du parquet, l’affaire se résume en une phrase : « Un élu de la République, cheville ouvrière active de l’installation des bangas sur un terrain de la collectivité, qui n’a pas d’autres programmes politiques que d’apporter des voix, et qui sera récompensé pour ça. Ça interroge sur la conception de la démocratie et les discours politique engagés de lutte contre l’immigration clandestine ». Anrif Mourdi rapporte que c’est le chargé de mission du maire, Zaïdou Tavanday, qui a fait le lien avec Ambdilwahedou Soumaila, « la population du quartier a dit, on ne votera que pour quelqu’un de Mbazari, mais à la mairie, personne ne savait que je faisais ça », précise-t-il avec force. Une partie de la population a donc bien voté.

Le prévenu ayant déjà été condamné en 2019 à 5 mois de prison avec sursis pour violence en réunion, il a épuisé son quota de sursis qui se renouvelle tous les 5 ans. Le procurer requérait 6 à 8 mois de sursis probatoire, c’est à dire avec mise à l’épreuve, de payer une amende de 6.000 euros, « mais la peine la plus importante est inéligibilité avec exécution provisoire. Le tribunal doit envoyer un message très clair aux élus de l’île qui seraient tentés par un double discours. L’élu doit être un modèle ».

« Les propriétaires de banga refusent de délivrer des attestations d’hébergement! » (Photo d’illustration)

« Une décolonisation inachevée »

Son avocat Me Zain-Eddine Mohamed, qui s’affiche comme « spécialiste des droits des étrangers », livrera une plaidoirie qui aurait laissé les collectifs sans voix : « Si les faits de faux et d’usage de faux ne sont pas contestables, cette situation est le fait que les propriétaires de bangas refusent de délivrer des attestations de logements ». On peut s’en réjouir, l’information commence à entrer pour ces propriétaires souvent indélicats qui font payer illégalement une fortune ces cases implantées sur leur terrain. L’avocat livrera des arguments possiblement contreproductifs pour son client, arguant que « en 2019, quand il les délivrait, mon client n’était pas un élu local, il voulait juste aider ». Aidé, lui aussi l’a été, puisque c’est précisément en se constituant cet entourage qu’il a été propulsé conseiller municipal. Mais Me Mohamed n’allait pas s’arrêter là, « nous sommes dans une décolonisation inachevée, ils sont tous français ! Ces gens là doivent vivre ici, les enfants doivent aller à l’école. C’est un problème institutionnel de toute la région. » Un programme de coopération régional unilatéral original, qui se concluait par « de toute façon le budget des Comores est financé par la diaspora ».

Une plaidoirie qui allait involontairement à fond dans le sens du procureur d’un objectif très politique de cette délivrance de fausses attestations.

Ce n’est pas ce qu’ont retenu les juges en collégialité, puisque Anrif Mourdi était relaxé pour l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, pour le reconnaître coupable de faux et usages de faux, avec une condamnation à une amende de 10.000 euros, « dont 8.000 euros avec sursis », et d’une privation de ses droits civiques, civiles et de famille pour 5 ans, avec exécution provisoire, « vous ne méritez plus d’être un élu de la République, et cette peine s’appliquera même si vous faites appel. »

Pour le coup, c’est le parquet qui fait appel de cette décision, vraisemblablement sur la relaxe d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers.

Anne Perzo-Lafond

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