La visite de la ministre Marie Guévenoux est rythmée à un pas si cadencé que les journalistes n’ont le temps de poser qu’une ou deux questions à chaque séquence, quand la compréhension des dispositifs annoncés demanderait davantage de temps. C’était le cas de l’opération Wuambushu qui, si elle prévoit notamment l’interpellation des chefs de bandes et des délinquants, ne précise pas leur devenir lors de leur sortie de prison. Quels moyens pour la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) chargé d’insérer les mineurs ayant été condamnés ? Quels moyens pour les sorties des majeurs incarcérés à la prison de Majikavo ?
Dans le même ordre d’idée, la présidente de la Mission locale, chargée d’accompagner les demandeurs d’emploi de moins de 25 ans, s’inquiète de la place dédiée à son institution dans les réformes en cours. Elle constate que « les débats publics s’animent autour de la violence et de la délinquance juvénile », un « constat partagé » mais qui ne doit pas empêcher de viser « les leviers pour s’en prémunir ». Il s’agit des mesures d’accompagnement vers l’insertion professionnelle et sociale, et la convergence des dispositifs nationaux d’une manière pleine et entière à Mayotte.
Quelle meilleure prévention à la délinquance que d’insérer les jeunes en emploi ? Et pourtant, les mesures semblent minimalistes dans le 101ème département où pourtant 60% de la population à moins de 30 ans, et où on compte 25.000 jeunes NEETS (ni en formation, ni en emploi, ni scolarisé), et 13.000 jeunes inscrits dans la base de données de la Mission Locale de Mayotte (MLM).
Des jeunes vraiment pas aidés
Le pire explique la présidente de la Mission locale, c’est que les dispositifs sont mobilisables selon les textes, mais ne sont pas toujours traduits dans les faits, qu’ils relèvent du niveau local ou national.
Pour exemple au niveau départemental, le fonds d’aide aux jeunes (FAJ) qui octroie des aides financières aux jeunes de moins de 25 ans non éligibles au Revenu Minimum d’Insertion, « il vise à sécuriser les parcours d’insertion en tenant compte des situations d’urgence ». Or, il n’est pas mis en place à Mayotte, « par manque de décret d’application ».
Idem pour les convention-cadres signées au national, « elles peinent à se mettre en place ». Il s’agit notamment de la non-mobilisation de la Convention cadre de partenariat pour l’insertion des jeunes de l’aide sociale à l’enfance signée le 17 novembre 2020 entre l’Union National des Mission Locale et les autorités en charge de la protection de l’enfance et de la famille pour accompagner les jeunes en fin de droit suivis par l’ASE vers l’insertion professionnelle et sociale. Elle avait fait les gros titres, et pourtant, « à Mayotte aucune disposition ni accord dans ce sens n’a trouvé de traduction à ce jour », moyennant quoi, « les jeunes se trouvent souvent dans la rue sans aucun accompagnement ».
Une convergence qui pourrait être immédiate
En ce qui concerne les accompagnements nationaux, le PACEA (Parcours contractualisé d’Accompagnement vers l’Emploi et l’Autonomie) qui accompagne vers l’emploi et l’autonomie, en étant ajustable et graduable en fonction de la situation et des besoins de chaque jeune, est sous-doté selon la présidente de la Mission locale, 729.223 euros, soit moins qu’en Guyane alors qu’à population comparable, les moins de 25 ans sont plus nombreux sur notre territoire.
Quant au CEJ (Contrat d’Engagement Jeunes) qui propose aux jeunes de 16 à 25 ans éloignés de l’emploi, un programme d’accompagnement intensif avec stage et service civique, son allocation est de 300 euros maximum à Mayotte, contre 520 euros pour les autres départements.
Autant de manques dans l’accompagnement des jeunes qui, quand ils ne peuvent pas partir en métropole, se sentent exclus de leurs droits et se marginalisent, avec la spirale que l’on connait. Et du coup, ne s’inscrivent pas à la Mission locale.
Fait aggravant, le dispositif 16-18 conçu pour accompagner les jeunes de 16 à18 ans en situation de décrochage scolaire qui « a connu un véritable succès en termes de mobilisation et sortie positive à Mayotte », n’est pas poursuivi à Mayotte comme dans les autres DOM, selon la présidente.
Pour remonter la pente sur un territoire à la jeunesse sinistrée, Farianti M’Dallah propose d’intégrer la convergence du droit à l’accompagnement des jeunes ainsi que l’intégration de sa structure parmi les acteurs majeurs de la Loi Mayotte. « La Mission Locale serait ainsi la référente majeure de la thématique jeunesse sur le volet insertion ».
A.P-L.