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vendredi 26 avril 2024
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Agriculture : malgré la démographie, « le jardin mahorais peut être préservé »

Cinq années de travaux sur l'agriculture à Mayotte ont donné des résultats concrets pour les producteurs confrontés à plusieurs défis de taille. La valorisation du zébu local ou la sauvegarde du modèle du jardin mahorais sont des clés vers l'auto-suffisance alimentaire de l'île.

Durant trois jours, le réseau agronomique RITA « Réseau d’Innovation et de Transfert Agricole » a restitué quelques résultats des cinq années passées à étudier l’agriculture mahoraise, et à chercher comment l’améliorer. Dans les grands axes de recherche, trois projets ont été déclinés : Defi-Animal, Inno-Veg, sur les végétaux, et BioFerm, sur la biomasse dans son ensemble.

Parmi les premiers constats, ceux que chacun peut faire en se promenant, se trouvent quelques uns des grands défis du monde agricole. « Il y a quelques temps toute l’île était verte, aujourd’hui des gens font encore de la culture sur brulis et dégradent les terres de cette île » déplore ainsi l’adjoint au maire de Ouangani. « A Mayotte, on a une agriculture familiale qui représente encore 95% des exploitations, mais tous ne comprennent pas encore l’importance de préserver l’environnement et produisent en fonction de leurs besoins » corrobore Bibi Chanfi, 5e vice-présidence du conseil départemental pour qui « les agriculteurs doivent aussi vivre de leur travail, il faut travailler à une intensification de nos systèmes de production et accompagner les agriculteurs pour qu’ils puissent vivre dignement de leur métier et servir d’exemple à la jeune génération ».

Bibi Chanfi

En effet conclut l’élue, « pour nourrir une population de plus en plus nombreuse, il faut produire en qualité mais aussi en quantité ». Pour le Département, l’autosuffisance alimentaire et « une baisse drastique des importations de viande » font partie des priorités pour les années à venir.

En clair, l’environnement et la démographie sont les deux grands défis auxquels ont à répondre les agriculteurs, confrontés aux vols d’une part, mais aussi à la concurrence des produits importés pour faire face à la demande. Et c’est là tout l’enjeu des recherches menées par le CIRAD, le centre de recherche agronomique, et le réseau RITA.

« L’objectif est de faire bénéficier aux agriculteurs des dernières innovations pour améliorer les performances de leurs exploitations, résume Said Anthoumani, président de la CAPAM. Je suis agriculteur, j’attends de ce projet des avancées concrètes pour nos exploitations. Des agrumes sains, de la formation, un meilleur suivi sanitaire de nos animaux, des informations sur la qualité de nos sols. Cette journée est l’occasion de dresser un bilan pour se projeter dans la prochaine programmation ».

L’animateur de la journée, c’était Joël Huat, chercheur au CIRAD et chef de projet dans le réseau RITA.

Parmi les applications concrètes des recherches financées depuis 2015 par l’Union Européenne, figure « la caractérisation de la race zébu, qui a été homologuée en 2018 par le ministère de l’agriculture. Dès lors si on a moins de 8000 têtes on est en race menacée et on peut obtenir des aides (MAEC) qui permettent d’accorder aux éleveurs l’aide pour maintenir cette race et la faire rentrer dans des schémas de sélection. L’idée à terme c’est de produire de la viande de Mayotte, et pas forcément d’importer. On part de la race locale, qui est résistance à des températures élevées, à des maladies tropicales ». Il n’y aurait dès lors plus besoin d’importer des vaches de métropole, qui ne survivent pas toujours au transport et au choc climatique.

Trois jours trop courts pour résumer 5 ans de travail

Autre sujet de recherche, les pesticides : « comment on peut s’affranchir davantage des pesticides pour produire ? Il y a des contrôles qui montrent des résidus de diméthoates, qui sont des produits interdits en France depuis plusieurs années. Une alternative c’est la protection physique, par exemple un filet d’une certaine taille qui permet à la plante de respirer mais qui empêche la mouche des fruits de rentrer ».

Enfin, une des clés du développement de l’agriculture à Mayotte, c’est ce que les Mahorais font le mieux : le bien nommé jardin mahorais. Ce modèle familial repose sur la poly-culture, une association de divers végétaux transmise de génération en génération et qui offre une production annuelle permettant l’autosubsistance de chaque famille. Mais ce modèle se heurte à la démographie galopante, au recul du foncier et à la dégradation des milieux naturels.

« Il faut savoir que 90% de la surface agricole utile est occupée par ce couvert végétal agro forestier, ça fait partie du patrimoine mahorais » note le chercheur qui voit dans ce patrimoine la clé de la survie des habitants à long terme. « Il y a eu deux crises sociales importantes, en 2011 et 2018 avec 45 jours de blocage, mais les gens ne sont pas morts de faim. On a puisé dans le garde-manger qu’est le jardin mahorais, car la base de l’agriculture se trouve là. C’est donc extrêmement important de maintenir ce paysage. Par contre, il faut mieux comprendre les interactions qu’il y a entre les espèces dans ce milieu ainsi que les pratiques des gens pour réussir à intensifier ce modèle là, sans recourir à de la chimie. On va jouer sur les interactions biologiques » poursuit-il. En clair, il s’agira désormais d’apporter un peu de science dans la tradition, pour l’améliorer sans surtout la dénaturer ou en pervertir les principes. Mais cela ne suffira peut-être pas à faire face à la démographie. « Le jardin mahorais était suffisant dans les années 80, mais on atteint les limites du système » constate le chercheur, qui fait le bilan de 11 ans de présence à Mayotte. « On a une pression démographique qui met ceci en danger. Néanmoins pour couvrir les besoins importés en fruits et légumes, il faudrait 100 à 150 hectares en intensif, ce qui n’est pas énorme. Ca veut dire que le jardin mahorais peut être préservé, mais il doit être préservé dans son couvert végétal, où il va assurer des fonctions sociales, des fonctions alimentaires, et des fonctions de biodiversité ».

La bonne nouvelle donc, c’est que la pratique traditionnelle n’est pas incompatible avec les défis de notre siècle. Encore faut-il former, informer, et [se] donner les moyens d’adapter sans abîmer. Qu’à cela ne tienne, le chercheur veut « voir le verre à moitié plein ».  Un bon début, en attendant l’arrivée des pluies.

Y.D.

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