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samedi 4 mai 2024
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Justice – Déchainement de violences à Tsoundzou : un commanditaire derrière les barreaux

Depuis l’attaque de la brigade de Sada, on s’attend à davantage de révélations de ces faits de violences orchestrées incitant des mineurs à sauvagerie. Cette fois, il s’agit de membres de comités de quartier, s’opposant aux opérations de démolition d’habitats illégaux.

Peu importe la cause, pourvu qu’on ait l’ivresse de la violence. L’audience de comparution immédiate qui se tenait au tribunal judiciaire ce vendredi soir est un condensé du contexte d’agressions sans limite qui s’abattent sur les quartiers et les routes et Mayotte. On ne sait comment les habitants continuent à vivre avec cette épée de Damoclès mortifère au-dessus de leur tête, qui peut tomber de jour comme de nuit, et blesser gravement dans une banalisation quotidienne.

Le mardi 5 mars dernier, des automobilistes qui circulaient à Tsoundzou en début d’après-midi, sont arrêtés par des barrages sur lesquels ils sont rançonnés et agressés. Ils voient converger vers l’évènement une centaine de personnes, certaines cagoulées, armées de machettes ou de pierres qui s’abattent sur eux, y compris ceux qui sont en deux roues, avec la certitude de les blesser. Quelques minutes avant, vers 14h, une opération de police était menée dans le quartier. Les nombreux agresseurs s’en étaient pris à eux, selon une organisation « coordonnée » analyseront les fonctionnaires.

Face à la déferlante d’une centaine d’agresseurs, les policiers sont en difficulté et tentent de se replier. A la barre, l’un d’eux raconte : « Nous nous replions au niveau du pont de Kwalé vers 16h30, en recevant un nombre incalculable de pierres vers la station Total. Je reçois un pavé sur la clavicule gauche, qui me fait chuter. Je sens que mon épaule est démise, m’empêchant de me relever. Autour de moi, ils exultent, ‘il faut le finir !’. Mes collègues me tirent par le bras, veulent m’extirper dans le véhicule de police, nous recevons toujours des pierres, mon collègue me protège, un autre est obligé de faire usage de son arme à feu pour tirer en l’air. » Ce fonctionnaire qui totalise 27 ans de service opérationnel, juge la scène « d’une rare violence ». En le tirant par le bras, ses collègues ont replacé l’épaule, mais le support de clavicule est cassé, il est en attente d’une opération.

Son collègue prend le relais à la barre, pour rapporter comme lui, une action « bien structurée » : « A chaque fois qu’on reculait, ils adaptaient les barrages en fonction. Et nos tirs de grenades lacrymogènes étaient inefficaces car ils étaient protégés contre les gaz. » Même expérience, 27 ans dans la police et sur des zones pas tendres de réputation, « dans le 91 et le 77 », et décrit un niveau d’agressivité rare, « Mayotte est bien au-dessus de ce que j’ai connu en violences urbaines. C’est la première fois que j’entends ‘il faut le finir !’ ».

La barre comme exutoire

Les policiers ont reçu un nombre « incalculable « de pierres (Image d’illustration)

Si les policiers relatent des faits traumatisants, ne parlons pas des particuliers qui voient dans cette prise de paroles un exutoire. « Avec ma femme, on essaie de s’organiser au mieux pour gérer les enfants, j’ai donc expliqué aux jeunes sur les barrages qu’il fallait absolument que je rentre pour m’occuper d’eux, explique A.A., motard, qui travaille à l’université de Mayotte, ils m’ont volé des affaires à chaque barrage, et au dernier, m’ont arraché de mon cou une chaîne à laquelle je tenais. »

Autre victime, Alexandre*, parvient à faire demi-tour avec son scooter, « on voyait que ça les amusait de nous voir terrorisés », mais non sans dommage, « quatre d’entre eux se sont décalés et m’ont envoyé une pierre à chaque fois que je passais devant eux. » Blessé à la cuisse, au bras, et au pouce cet agent du service de radiologie du CHM est en arrêt depuis 6 semaines.

Sur le banc des accusés, trois prévenus. Un des jeunes, majeur, Karim*qui fait tomber A.A. de sa moto, il avouera d’ailleurs son acte. Les deux autres, Soliman* et Younès* sont suspectés d’avoir instrumentalisé une partie des jeunes.

 Les mineurs indiquent avoir agi sur ordre

Les mineurs qui ont été interpellés pour avoir participé à ces agressions passeront devant le juge des enfants. Lors d’une première confrontation entre trois d’entre eux, ils expliquent qu’ils avaient reçu l’ordre de caillasser de la part des membres du comité de quartier. La présidente de l’audience correctionnelle, Axelle de la Forcade, rapporte leurs déclarations : « Ils expliquent qu’un groupe WhatsApp a été créé dans lequel les gens du comité donnent l’ordre de caillasser les policiers, et que eux aussi participent. Ils disent que les papas nous incitent à le faire parce que c’est pas normal que les policiers prennent nos mamans pour les expulser de Mayotte et qu’ils prennent nos maisons. Ils nous ont dit de caillasser la police si elle rentre dans Tsoundzou ».

L’adulte condamné est Parent relais dans son quartier (Image d’illustration)

Un individu est particulièrement visé par ces accusations, Soliman*, au tee-shirt floqué « parent relais » à la barre. Il apparaitra au cours de l’enquête que, dépourvu de papier, il a intégré le comité en espérant obtenir une régularisation. Lors de sa garde à vue, un jeune incarcéré dans la même geôle que lui, est ressorti le lendemain en expliquant que Soliman lui aurait proposé une formation s’il revenait sur sa déclaration.

On comprend donc que dans le cadre des destructions de quartiers illégaux, Soliman prend fait et cause de manière active pour les futurs délogés, contre les policiers. Et plus grave, instrumentaliserait les jeunes. On se trouverait donc comme pour l’attaque de la gendarmerie de Sada, sur une attaque commanditée. Dans la salle d’audience, de nombreux soutiens du comité de quartier.

Des papas parrains 

Ce n’est pas l’opinion de son avocat, Me Miandra, ainsi que celui de Younès, Me Nizari, qui évoquent précisément leur rôle auprès des jeunes dans le cadre du Comité de quartier : « Ils ont encadré ces jeunes, les ont empêchés de faire leurs petites affaires, et ont permis le retour du calme dans le village. C’est facile de comprendre que les jeunes veulent se venger, car ils ont peur de Soliman. » La déclaration d’un témoin, qui travaille au collège de Tsoundzou, apportera de l’eau à leur moulin. Il évoque l’action positive du comité, notamment de Soliman et de Younès, en expliquant qu’elle avait mis fin au racket entre jeunes, et avait sécurisé les abords du collège. Mais il était absent de la scène de violence ce jour-là.

La barre servait d’exutoire pour les victimes de violences

La substitute du procureur, Cassandre Morvan, s’adresse aux deux prévenus en se référant aux déclarations spontanées des mineurs lors de la première confrontation : « Ils vous impliquent dès le début comme des donneurs d’ordre. D’autre part, on a le témoignage de l’un d’entre eux que vous avez tenté de corrompre en garde à vue pour qu’il change sa déclaration. De la même façon, Karim change de version par la suite, et revient sur ses dires. Je pense que la première version est la plus proche de la vérité ». Entendant les rapports faits par les policiers sur une action coordonnée, elle demandait la condamnation des prévenus : trois ans d’emprisonnement ferme avec incarcération immédiate pour les deux membres du comité, Soliman et Younès, et deux ans ferme pour Karim.

C’est bien après 20h30 que se terminait l’audience avec un délibéré livré le soir même : le jeune Karim est condamné à 18 mois de prison dont 6 avec sursis probatoire et incarcération immédiate. Sur les deux supposés commanditaires, Younès a été relaxé au bénéfice du doute, et Soliman a été reconnu coupable d’avoir incité les jeunes à commettre des caillassages et d’y avoir participé et a en conséquence été condamné à 2 ans de prison ferme avec incarcération immédiate à Majikavo.

A.P-L.

* Prénoms d’emprunt

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