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vendredi 3 mai 2024
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Violences de Combani/Mirereni : élus et Etat au banc des accusés, pour Haïrati Houdjati

Quand on lui demande sous quelle étiquette elle a été élue, Haïrati Houdjati répond, « mon parti, c’est Mayotte ». Et c’est parce qu’elle en a « marre de la politique de l’autruche », qui plombe sa commune de Tsingoni, qu’elle prend la parole sur la gestion des violences en cours.

Sur les évènements violents de Combani, c’est à la fois la faillite des élus et de l’Etat qui est révélée, à travers les propos d’une élue d’opposition. L’équipe de Zakweli (Mayotte la 1ère), a eu la bonne idée de tendre le micro à Haïrati Houdjati, conseillère municipale de Tsingoni. Son moment de vérité sur les agressions perpétrées, nous avons voulu le prolonger en l’interrogeant à notre tour.

L’origine des violences entre Combani et Mirereni est multiple. Si ce 2ème village souffre de l’aveu de tous, de sous-investissement chronique, et le maire Mohamed Bacar annonçait dans nos colonnes vouloir le doter des équipements de 1ère nécessité, les maux sont d’un niveau habituellement immergé à Mayotte.

Ce que nous savions, c’est que ces deux villages se sont construits au gré d’arrivées de Grand-comoriens, pour Combani, et d’Anjouanais, pour Mirereni. S’agit-il pour autant d’un conflit communautaire ? Haïrati Houdjati en doute, « sur les origines ethniques de ces violences, il faudrait consulter un anthropologue, mais la proportion que cela a atteint dépasse largement ces motivations. » Et pas question de remonter jusqu’aux générations précédentes, « ça attiserait les rancœurs ».

L’aboutissement d’un an de tensions

Des plaintes classées… dans les tiroirs de la mairie

Les vraies raisons lui semblent davantage politiques : « Il y a une organisation d’élus qui déstabilisent, pour décrédibiliser le maire actuel. Ces jeunes qui vivent sous le seuil de pauvreté, sont instrumentalisés, pour un billet de 20 euros et avoir à manger, ils feraient n’importe quoi. Au lieu de les amener vers des formations, on les entretient dans ce système. » Et la jeune élue de 34 ans ne s’est pas réveillée un matin en endossant la robe d’avocate du maire, « l’opposition n’a pas la parole. Quand ça arrange la majorité, sur des sujets qui font consensus, ils clament qu’il n’y a pas d’opposition, mais quand il s’agit de participer de commissions de gestion des deniers publics, nous ne sommes pas convoqués. »

C’est donc avec surprise qu’ils apprennent que les décisions de dépôt de plainte pour dégradations de biens, ou atteinte à l’intégrité physique n’ont pas été suivies d’effets : « C’est sorti lors d’une réunion avec le préfet, c’était la honte pour le maire. Je ne sais pas si c’est volontaire ou pas, mais en tout cas, les services administratifs ne suivent pas. On leur a demandé d’arrêter de recruter et de réaffecter les gens après les avoir formés, rien n’y fait. » Des courriers de dénonciation adressés au préfet et au procureur qui ne sont jamais partis, alors que les faits sont graves, poursuit-elle. « Nous devons déposer plainte collectivement pour avoir du poids. »

« Un des habitants a été le témoin d’une scène qu’il m’a relatée : une quarantaine de jeunes était regroupé à Mroale, déguisés avec des perruques et des robes, et armés. Ils avaient faim et menaçaient les habitants pour les rançonner. Une camionnette de location, dont je tairai la marque, est venue les récupérer, c’était des jeunes de 3 villages du Nord, recrutés pour mener la guerre. La plaque d’immatriculation a été relevée par le gérant d’une entreprise de sécurité, et communiquée à la police municipale. » Elle espère un suivi judiciaire. Elle en est persuadée, « sans instrumentalisation, on aurait affaire à de la petite délinquance juvénile gérée par la police municipale. »

« Leurs porte-paroles, c’est nous ! »

Sur les plateaux de Mayotte la 1ère, la conseillère municipale appelait à un dépôt de plainte collectif

L’élue déplore que la population soit livrée à elle-même : « Les habitants sentent que les forces de l’ordre sont désinvesties. Les jeunes munis d’arme blanche, fouillent les véhicules sous les yeux des gendarmes. Alors qu’une de mes amies appelait la gendarmerie après avoir été agressée par ces jeunes, on lui a répondu qu’ils ne pouvaient pas venir parce qu’il y avait des obstacles, en l’occurrence des barrages. Du coup, la population commence à s’armer pour se défendre. »

Une pétition circule pour demander la démission du maire, et de l’équipe municipale, majorité comme opposition. Le texte fait état de « un an de violences sans réponse », et vise les élus, qui « au lieu d’aller a la rencontre des habitants, des victimes et de mettre en place des actions fortes et dissuasives afin d’éradiquer ces fléaux qui paralysent et asphyxient Tsingoni et ses administrés au quotidien, restent trop laxistes et passent leur temps à se réunir de droite à gauche sans action forte et à la hauteur des enjeux. »

Haïrati Houdjati comprend, « c’est normal que la population soit en colère, puisque leurs porte-paroles, c’est nous. Si j’étais sure que ça servait à quelque chose, je démissionnerai tout de suite, pour me reposer au soleil. » Et outre les cercles vicieux évoqués plus haut et qu’il faut stopper, donne son opinion sur la délinquance en général sur le territoire : « Les problématiques sécuritaires vont se régler par des réponses sociales. Par exemple, la mairie avait monté pour quelques jeunes une formation BAFA. Mais en raison des barrages, ils ne peuvent pas y aller, les élèves ne peuvent aller au collège. C’est bien que la sécurité est prioritaire. Lorsqu’il y a eu beaucoup de cas de Covid, on a mis en place des EVASANS, on a fait venir la réserve sanitaire jusqu’à que l’épidémie soit enrayée. Pourquoi on ne le fait pas pour la sécurité ? »

C’est par une métaphore que Haïrati Houdjati clôt l’interview : « En général, les élus ne bossent pas. Mais l’Etat ne doit pas laisser des trous dans le toit laissant passer la pluie au prétexte que dans la maison c’est le bazar ! »

Anne Perzo-Lafond

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