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vendredi 26 avril 2024
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C. Caralp : « Il nous faut un plan Marshall pour former des soignants à Mayotte »

Le journal de Mayotte : Comment s’est déroulée cette évacuation sanitaire inédite de patients mahorais depuis La Réunion vers la métropole ?

Christophe Caralp : Les quatre patients sont arrivés vendredi matin très tôt et ont été répartis entre différents services de réanimation parisiens. Le professeur Carli [chef de service du Samu de Paris et Président du conseil national de l’urgence hospitalière] qui supervisait l’opération nous a confirmé qu’il n’y avait pas eu de difficultés majeures pendant le vol et que tout s’était pour lui bien passé.

Le J.D.M : On imagine que c’est un soulagement au vu des inconnues que portait avec elle une telle opération…

C. C. : Oui, c’est un soulagement. Mais finalement le processus le plus important est celui de la sélection des patients. On l’avait déjà bien montré avec les 98 patients évacués depuis le 3 février vers La Réunion. Car même s’il ne s’agissait dans ce cas que de 2h de vol, les moments les plus critiques sont le décollage et l’atterrissage. Globalement ça se passe bien en vol et dans le cas présent, il s’agissait de conditions extrêmement confortables, les soignants pouvaient tourner tout autour des quatre civières. Et nous avions d’autant plus confiance que c’est le Samu de Paris qui supervisait l’opération avec de grands professionnels.

Le J.D.M : Quelle leçon tirer de cette évasan sans pareil ? Que c’est possible, à nouveau envisageable ? Ou qu’il faut à tout prix essayer de l’éviter pour le bien être des patients ?

C. C. : Effectivement, ça a permis de montrer que c’était possible. Mais ça demande une lourde logistique, trois à quatre jours de préparation. Ça montre aussi que beaucoup d’oxygène est nécessaire, dont les kits sont remplis à Paris ce qui complique l’organisation. C’est donc possible et si La Réunion devait connaître la situation que nous avons connue, l’opération pourrait être réitérée. On pourrait même envisager d’augmenter le nombre de patients à cinq voire six avec le Dreamliner si on a les autorisations.

Il est en revanche difficile d’imaginer augmenter la jauge à une dizaine de patients comme imaginé auparavant. Il faudrait des dérogations, changer de type d’avion et cela supposerait de transporter énormément d’oxygène à bord, ce qui suppose de nouvelles études de sécurité etc.

De manière générale, je pense effectivement que ça doit rester une solution de dernier recours, le coût est non négligeable et le risque n’est pas absent pour les patients. Dans un premier temps il faut à mon sens plutôt tout faire pour majorer le soin dans l’océan Indien. À La Réunion, les indicateurs se dégradent un petit peu mais le taux d’occupation en réanimation baisse légèrement pour se situer autour des 83%. Et ces capacités pourraient être augmentées. Nous referons le point avec toutes les parties prenantes mais a priori, nous ne sommes pas dans l’optique de renouveler des evasan vers la métropole.

Le J.D.M : L’ARS évoque régulièrement le fait de « rendre la pareille » à La Réunion en accueillant des patients réunionnais si la situation le permettait à Mayotte. Qu’en est-il concrètement?

C. C. : C’est quelque chose qui est dans l’absolu envisageable, mais pas tout de suite. Je rappelle qu’aujourd’hui le nombre de patients covid en réanimation, à lui seul, dépasse encore nos capacités d’accueil en temps normal. On a donc encore besoin du service de santé des armées. Mais si d’ici un mois, la situation s’est complètement stabilisée à Mayotte, on pourrait imaginer de rendre la pareille à La Réunion. Toutefois, il pourrait être plus pertinent dans un premier temps de reprendre des patients mahorais encore en réanimation à La Réunion. Et dans un second temps, avec l’aide du SSA s’il reste, nous pourrions accueillir d’autres patients si la situation le permet.

Le J.D.M : Vous avez évoqué la question de la sélection des patients. Est-ce un hasard qu’il ne s’agisse dans ce cas que de patients mahorais alors même qu’ils étaient déjà hospitalisés à La Réunion ?

C. C. : Je pense que c’est un sujet un peu litigieux mais ce n’est à mon sens pas un hasard. Il faut savoir que d’une part, les patients mahorais représente plus de deux-tiers des patients covid en réanimation à La Réunion. Forcément ça augmente les chances qu’ils soient sélectionnés. Mais même si ça ne m’a pas été confirmé ouvertement, je pense qu’il y avait une certaine pression politique et que ce n’est pas un hasard s’il s’agit de patients mahorais.

Le J.D.M : Nombreux sont les Mahorais estimant que les patients de l’île ont en quelque sorte été les cobayes de cette opération. Le comprenez-vous ?

C. C. : J’entends et je comprends ce sentiment. Mais il ne s’agissait pas de cobayes, la situation a simplement fait que nous étions acculés. Nous n’avions plus le choix il y a encore quelques jours. Il faut avoir en tête les courbes d’entrées en réanimation qui étaient spectaculaires. Nous avons évasané 98 patients à La Réunion. Je ne sais pas si le grand public imagine bien ce qu’il se serait passé avec nos 16 ou même 32 lits de réanimation sans possibilité d’évasan vers La Réunion…

Le J.D.M : Mais cela soulève bien, en revanche, l’urgence de moyens supplémentaires sur le territoire…

C. C. : Bien évidement. Cela rappelle la nécessité du deuxième hôpital, dont le chantier ne

« Il y a eu des moments extrêmement difficiles, notamment dans les pôles urgences et réanimation. Heureusement, nous avons pu compter sur une immense solidarité », indique Christophe Caralp (à gauche)

doit prendre aucun retard. Mais cela se terminera dans 10 ans. Et nous ne pouvons pas continuer 10 ans comme cela, avec seulement 16 lits de réanimation. Dès maintenant, il nous faut réfléchir à comment augmenter nos capacités de soins critiques sur le territoire de manière durable, en attendant le nouvel hôpital.

Le J.D.M : Pensez-vous que cette terrible deuxième vague permette une prise de conscience en ce sens ?

C. C. : Je l’espère en tout cas. Tout le monde doit comprendre que nous sommes effectivement sous-dimensionnés en termes de bâti. Il en faut absolument. En ce qui me concerne les urgences sont par exemple largement trop petites pour ce qu’on leur demande de faire. Mais plus que du bâti, il nous faut aussi du personnel. Il nous faut absolument former des gens pour le système de santé à Mayotte. Et en grand nombre. Il nous faut un plan Marshall pour former localement des médecins, des infirmiers, des aides-soignants, des kinés… Ce serait bien beau d’avoir un deuxième hôpital mais encore faut-il avoir du personnel qualifié pour le faire fonctionner. Et aujourd’hui, c’est surtout cela qui m’inquiète car si les autorités semblent avoir compris la nécessité de bâtir, je n’ai pas l’impression que l’on ait en tête la nécessité de procéder à des mesures d’exception pour former des professionnels de santé sur le territoire.

Je rappelle que le pic de la pénurie médicale au niveau national est devant nous, prévu pour 2025, et dans un département aussi singulier que Mayotte, si nous ne prenons pas maintenant le taureau par les cornes, dans 10 ans la situation ne sera pas améliorée, loin de là.

Le J.D.M : Quel est le ressenti des équipes après cette épreuve ?

C. C : D’abord, je les salue sincèrement. Elles sont, je l’avoue, très fatiguées de la période traversée et j’espère notamment pour elle que la situation va continuer en s’améliorant. Quant à la gestion je pense qu’elles ont pu être relativement rassurées dans le sens où nous savions où nous allions, nous avions un plan bien défini. Mais il y a eu tout de même des moments extrêmement difficiles, notamment dans les pôles urgences et réanimation. Heureusement, nous avons pu compter sur une immense solidarité.

Mais ce que les personnels attendent maintenant c’est que, dans l’après-crise, le gouvernement tende la main pour investir à Mayotte. Et dans le même temps que les élus locaux s’emparent de ça pour porter le maximum de projets en faveur de la santé à Mayotte.

Propos recueillis par Grégoire Mérot

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