Cherchez l’erreur : les activités maritimes représentent 2,4% de l’emploi non administratif dans les outre-mer, alors que ces derniers concentrent 97% des surfaces maritimes ! Un paradoxe relevé dans le dernier volet de l’Institut d’Emission d’Outre-mer publié en janvier 2018 sur ce thème.
Si Mayotte fait figure de bon élève, avec une proportion de 2,4% d’activités maritimes sur l’ensemble des entreprises, contre 2,3% en Martinique ou 1,3% en Guyane, il n’y a pas à se congratuler, c’est que notre tissu économique est globalement restreint. Etonnamment, l’économie bleue génère peu d’emploi, 2%, dans les DOM.
Les principales activités sont liées au fret maritime en raison l’approvisionnement des isolés Collectivités et Départements d’Outre-mer. Le tonnage manipulé au port de Longoni est en hausse constante, « il a crû de 84,3% au cours de ces 10 dernières années, pour atteindre 842.600 tonnes en 2016 », indique l’IEDOM. Mais il avait connu une hausse record de 90% 2001 à 2011, passant de 376.000 tonnes à 713.000 tonnes (Source Préfecture de Mayotte, PO FEDER-FSE).
Malgré ses ambitions de grand port de transbordement en raison passage de produits réfrigérés de Madagascar ou d’Afrique du Sud (crevettes, fruits et légumes, etc.) à destination de l’Europe ou de l’Asie, « le taux de remplissage du port demeure encore faible : 60.000 conteneurs EVP contre une capacité de 100.000 conteneurs EVP. Enfin, les exportations maritimes sont marginales », mentionne l’IEDOM.
Mayotte reste néanmoins en marge des routes maritimes de la région. « Aujourd’hui, après l’acquisition d’équipements adéquats, les porte-conteneurs de moins de 300 m de long et 14 m de tirant d’eau qui le souhaitent peuvent désormais faire directement escale à Mayotte », indique le rapport, en soulignant que deux freins limitent cette possibilité. « La solidité de certaines infrastructures portuaires », un diagnostic émis en 2016 mettait en évidence la fragilité du quai n°1, dont la remise en état est enfin prévue pour juin 2018.
Egalement mis en cause, « les tarifs portuaires sont beaucoup plus élevés à Mayotte », mentionne l’étude. Le mouillage d’un feeder coute par exemple trois fois plus cher qu’à Maurice.
Les thons partent nourrir d’autres bouches
L’économie bleue, c’est aussi la pêche, et ici, la pêche au thon. On sait que des thoniers senneurs industriels, détenus par des capitaux français et espagnols, naviguent dans le canal du Mozambique, « et pêchent dans les eaux mahoraises plusieurs milliers de tonnes de thons. Ainsi, 22 thoniers ont fréquenté les eaux mahoraises en 2015 », pêchant « 2.234 tonnes de thons capturés dans la ZEE de Mayotte. Ce type de pêche ne bénéficie pas directement à l’économie mahoraise, car les cinq thoniers immatriculés à Mayotte sont basés au port de Victoria aux Seychelles et aucun débarquement n’a lieu sur l’ile faute d’infrastructures adaptées ». Les pêcheurs Mahorais avaient obtenu le versement d’indemnités de compensation, mais qui ne compense pas la perte de la ressource.
L’ « inadéquation » aux outre-mer des règles européennes qui définit des règles destinées à gérer la flotte de pêche européenne et à préserver les stocks de poissons, est rappelée dans l’étude, notamment en matière de normes des embarcations. Le Parlement européen et le Conseil européen ont accordé à Mayotte une dérogation de mise en conformité pour l’exercice de la pêche jusqu’au 31 décembre 2021 en raison des insuffisances d’infrastructures.
Enfin, revenons à l’image première de la mer, le rêve, l’évasion, pour évoquer l’activité de la croisière. Alors que tout s’y prête, elle fait pâle figure à Mayotte. Si dans l’océan Indien le secteur progresse très rapidement, l’attrait reste Réunionnais, et nous sommes bien loin de la quarantaine de navires qui faisait escale dans la rade de Dzaoudzi il y a 10 ans, 8.000 croisiéristes en 2006, contre 1.800 en 2016… L’IEDOM pointe « l’absence d’infrastructures d’accueil appropriées et les problèmes d’organisation pour la prise en charge des touristes ». Rajoutons que le paquebot Royal Star qui escalait de nombreuses fois est parti à la casse, et qu’une guéguerre entre réceptifs avait eu raison des visées du croisiériste Costa sur notre destination.
Une plaisance sans plaisir
Si la plaisance souffre d’un manque d’investissement à Mayotte (absence de capitainerie avec toilettes et douches), avec 1 330 bateaux immatriculés, il faudrait s’y pencher, le secteur représentant « un enjeu économique certain, la durée de séjour des plaisanciers étant généralement plus longue que celle des autres touristes, et leurs dépenses non négligeables », appuie l’étude. « Les projets évoqués récemment pour dynamiser la baie de Mamoudzou ou pour la création d’une marina à Bouéni ne seront pas concrétisés, faute d’opérateur financièrement solide. » Idem, pour l’implantation de pontons pour une desserte maritime qui désengorgerait les routes.
On se lamente sur notre manque d’ambition en aquaculture, mais en y regardant de plus prés, seuls deux territoires l’ont développée, la Nouvelle-Calédonie (crevette ‘bleue’) et la Polynésie française (perliculture). Le volume de production se limitait ainsi à 36 tonnes en Martinique en 2015, 24 tonnes à Mayotte72 et 23 tonnes en Guadeloupe en 2016.
On peut déduire avec l’IEDOM que « l’Outre-mer n’a pas encore de vision intégrée de l’économie de la mer », alors qu’un rapport de l’OCDE en 2017 sur son potentiel à l’horizon 2030 projette une croissance supérieure à la croissance économie mondiale, en termes de valeur ajoutée et d’emploi… A Mayotte, on connaît les investissements à activer, outre le port maritime, ils s’appellent croisière, pêche et plaisance.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com