En quelques lignes, Faridy Attoumane c’est un passage par la Préfecture de Mayotte, le Ministère de l’Intérieur ou encore, dernièrement, la Délégation interministérielle pour la visibilité et l’égalité des chances des Français en Outre-mer. En somme, dans une populaire et apocryphe envolée lyrique, on pourrait dire qu’il en a sous la pédale ! Et c’est bien pour ces raisons que les hautes autorités départementales, entre autres, sont venues chercher l’intéressé afin de lui proposer cette nouvelle mission. Une primo imprégnation déjà actée, suivie d’une mise en route tout aussi concrète, notre rédaction a souhaité échanger avec ce nouveau délégué en quelque sorte ’’ambassadeur’’ du 51-53, rue du Docteur-Blanche dans le 16ème arrondissement parisien.
JDM : Au regard de votre parcours professionnel plutôt dense, il est légitime de se poser la question de savoir pourquoi vous avez finalement accepté ce nouveau challenge ?
Faridy Attoumane : Très sincèrement aujourd’hui, avec le recul escompté, j’estime avoir l’expertise nécessaire pour faire le pont entre notre département et Paris dans cette dynamique de continuum. Entre mes fonctions à Mayotte et celles sur la capitale, je pense incarner ce lien entre nos 2 territoires et d’autant plus grâce au large spectre d’échanges et de connexions que j’ai eu la chance de me créer et que j’entretiens depuis des années, avec différents intervenants pluridisciplinaires. Cette fluidité est aussi une garantie dans la manière de traiter plus efficacement et rapidement certains enjeux relatifs aux besoins des mahorais expatriés en Hexagone et vice versa.
JDM : De manière volontairement réfractaire, voire terre à terre, je serai tentée de vous poser cette question : En quoi cette implantation délocalisée du Département est importante sur le sol nationalo-parisien ?
Faridy Attoumane : Avant de parler de la Délégation en tant que telle, il ne faut pas oublier qu’il était question, en amont, d’une simple association. Si évolutions il y a eu, c’est justement parce que ces dernières ont su identifier les défis au fil des années. Je ne peux m’empêcher de penser à tous ces jeunes venus s’expatrier sur le sol métropolitain et qui ont rencontrés des difficultés, se retrouvant majoritairement livrés à eux mêmes. Aujourd’hui les outils numériques existent mais avant, notamment toutes ces hordes d’étudiants, comment faisaient-ils ? Quels étaient les écueils derrière ? La mise en place d’une infrastructure dédiée aux Mahorais est apparue nécessaire et se veut de plus en plus sollicitée et utile. Tous les territoires ultramarins, Nouvelle-Calédonie inclus, ont une structure de ce type à Paris alors pourquoi Mayotte aurait-elle du s’exclure sachant que les problématiques identifiées par ces mêmes territoires sont sensiblement similaires aux nôtres; voire même un peu moins complexes par certaines formes en comparaison de notre jeune position.
JDM : Il s’agit donc là d’une incontestable plus-value ?
Faridy Attoumane : Il s’agit clairement d’un poste avancé pour faciliter la mise en oeuvre des politiques publiques destinées aux Mahorais, en particulier les étudiants car c’est le nerf de la guerre. Souvent on nous accable ici en disant qu’il n’y a pas d’ingénieurs et que si Mayotte n’arrive pas à décoller c’est justement par manque de cette ingénierie; pourtant, notre département envoie beaucoup de jeunes se former hors territoire mais on n’en voit pas les résultats parce qu’il n’y a pas de suivi concret et de politique pour les sensibiliser à un retour possible au pays. Notre mission à venir sera notamment de travailler sur cet axe là.
JDM : La politique nationale centralisée est donc toujours d’actualité…?
Faridy Attoumane : De vous à moi, nous connaissons l’Histoire de France. Pendant de nombreuses années, il a été question d’une histoire avant tout parisienne; les lois de décentralisation ne sont apparues que dans les années 80; donc cet ADN qui voudrait que tout démarre de Paris perdure implicitement, c’est certain. Avoir un poste avancé, ici, avec des responsables locaux, c’est pouvoir créer du lien avec les décideurs. On ne peut pas tous être à Mayotte et œuvrer pour notre territoire, c’est aussi accepter de se délester de quelques profils qui vont quelque part faire du lobbying, ici, à Paris. C’est en sens que je suis la bonne parenthèse pour faciliter l’ouverture de certaines portes, créer des liens, ouvrir les yeux de certaines personnes pour montrer réellement ce qui se passe sur le territoire. Nous avons souvent des hauts dignitaires et des ministres qui viennent observer la situation sur notre département mais souvent c’est sous l’égide des services locaux de l’État. Si ces derniers veulent montrer la mangrove, les émissaires de haut niveau verront la mangrove ! Et ce, peut-être au détriment d’une autre thématique qui a autant d’importance ! Moi je suis un enfant du cru, tous mes enfants sont nés à Mayotte avant que nous partions pour la Métropole; j’ai donc tout interêt à oeuvrer pour que notre sol soit habitable pour que plus tard, ils peuvent aussi se projeter pour un retour en leurs racines.
JDM : Depuis cette récente prise de fonction, qu’elles ont été les priorités et celles à venir ?
Faridy Attoumane : Il était important pour moi d’évaluer en premier lieu les forces, tant infrastructurelles que les moyens humains. Le but étant de pouvoir faire de la politique et cohésion sociale, certes, mais également de l’économique. Sur l’aspect de mes effectifs, j’ai entamé mes 2 premières semaine en faisant passer des entretiens individuels afin de réellement pouvoir définir qui fait quoi et avoir une photographie globale de tout cela. Mes premières actions seront principalement basées sur de l’administratif avec la mise en place d’un projet de service invitant l’ensemble des équipes à travailler avec moi. Mettre en place la programmation impulsée par le président du Département, tout en implantant un cadre de travail réglementaire nous permettant d’interagir avec les différents partenaires à échelle nationale et ce, avec une vision diplomatique. Ma position et mon vécu me placent en une posture de saine neutralité visant à aller de l’avant, avec la philosophie du verre à moitié plein. Donc organisation, marge de manœuvre, ramifications sur tout le territoire et efficacité avant tout au profit des étudiants pour leur garantir le plein accès à tous leurs droits; c’est ma volonté.
JDM : Et sur ce volet économique du coup ?
Faridy Attoumane : Que nous fassions en sorte d’accueillir les porteurs de projets, qu’ils puissent plus facilement rencontrer leurs homologues. Je me positionne comme un chef d’orchestre qui coordonne et harmonise tout cela; toujours en corrélation avec la feuille de route qui m’est fournie par le Département. J’évolue dans les prérogatives qui sont miennes, je crée du lien notamment en termes de politiques publiques, je tisse un réseau en vue de faciliter la vie des Mahorais et je verrai par la suite comment me projeter aussi au regard de la budgétisation qui me sera octroyée. Nous sommes en train d’élaborer avec nos équipes un programme d’action 2024 quelque part test car mes prédécesseurs ont été légitimement restreints dans leur respective mission, au regard des différentes priorités et crises que nous avons connues… Covid, aménagement du bâtiment etc. Il va donc être question d’une feuille presque blanche pour démarrer ma mission et qui sera présentée pour validation, d’ici peu, au Département.
JDM : Dernière question, dans quel état d’esprit on endosse ce nouveau défi professionnel ?
Faridy Attoumane : Sur le plan personnel, je suis un jeune papy nourri d’expériences avec une vision globale sur les choses. Je m’intéresse aux relations humaines et j’ai cette lucidité de savoir qu’on ne peut individuellement tout faire. Je m’inscris dans la complémentarité de l’intergénérationnel et lorsque l’on accepte cela avec modestie on sait où l’on doit tracer le chemin. Au niveau professionnel, aussi grâce à mon vécu, j’ai pu sentir à certains moments une forme de rigidité des services de l’État qui engendrent des délais anormalement longs, notamment pour l’exemple des porteurs de projets avec des questions de crédits non consommés et un calendrier bien trop complexe. La machine est bien trop lente, surtout pour les territoires ultramarins. Aujourd’hui regardez, pour que ces préparatifs des JO soient parfaits et dans le temps imparti, on met les moyens qu’il faut sans limite et on adapte une politique procédurale en ce sens. Je voudrais qu’on puisse en faire de même pour notre territoire. Je suis un produit de l’État, je sais où naviguer et c’est cette richesse de mes expériences que je veux mettre au service de notre département. Ainsi le disait Confucius : l’expérience est une lanterne accrochée dans le dos qui n’éclaire que le chemin parcouru… J’ai donc cet avantage de pouvoir emprunter certains sentiers qui manquent encore de clarté et de pouvoir y déposer ma lanterne…
Propos recueillis par MLG