Des tensions toujours aussi fortes et vives contre les migrants

Lundi matin, des habitants de Cavani ont bloqué l'accès au service de l'immigration de la préfecture de Mayotte. 

Après la crise des barrages et depuis la fin du ramadan, le collectif des Forces vives de Mayotte avait annoncé que d’autres événements seraient organisés pour protester contre l’insécurité et l’immigration. Ces mobilisations ont repris lundi matin, où une dizaine d’habitants de Cavani a bloqué l’accès au service immigration de la Préfecture de Mayotte. 

Un blocage « illimité »

En comparaison avec les barrages tenus par des habitants de Mayotte en colère, soutenus par le collectif des forces vives, en début d’année 2024, cette fois-ci, les forces vives n’ont pas voulu protester en érigeant des barrages routiers :  « On ne veut pas embêter la population de Mayotte qui n’a rien à voir avec tous ces sujets (…) On veut embêter la où ça doit toucher et faire mal (…) On s’était engagés à reprendre de nouvelles formes. » 

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Une dizaine d’habitantes de Cavani étaient assises lundi, pour barrer l’accès au public du service immigration de la préfecture.

Une des formes choisies pour cette mobilisation a été de bloquer lundi matin l’accès au public du service de l’immigration de la préfecture, où une dizaine de femmes, habitantes de Cavani, étaient assises pour empêcher quiconque d’y entrer.

Depuis l’aube, ces habitantes se sont dit « soulagées » d’avoir réussi à empêcher l’accès au service immigration aux étrangers et ont salué la présence des forces policières ayant permis d’encadrer l’événement. Parmi ces habitantes se trouvait la présidente du collectif des citoyens de Mayotte, Safina Soula, qui a justifié sa présence en soutien aux habitants de Cavani afin de « sensibiliser les autorités » à la situation migratoire, en vue des prochains déplacements ministériels à Mayotte : « On ne sait plus quoi faire des africains. Il faut les renvoyer chez eux, pour les héberger dignement et que leurs enfants aillent dans des écoles », a-t-elle défendu.

Au coeur de la protestation, la crainte du choléra 

« Les migrants sont installés juste devant chez moi, même sur ma terrasse » a déclaré une habitante de Cavani. Cette promiscuité des migrants africains installés à Cavani avec les habitants du quartier, dérange depuis plusieurs mois, où les migrants sont pointés du doigts, en raison des conditions de vie dans lesquelles ils vivent depuis leur arrivée à Mayotte, amplifié par la détection de cas de choléra sur l’île : « Le choléra préoccupe les habitants de Cavani, les migrants dorment à même le sol (…) On (ndlr : le collectif) s’est engagés avec les habitants de Cavani à se mobiliser sur ce sujet » a exprimé Safina Soula.

L’accueil des migrants, une responsabilité négligée de l’Etat

À Mayotte, l’accès à l’eau potable continue d’être une difficulté majeure. Actuellement, les habitants continuent d’en bénéficier seulement deux jours sur trois. De nombreux habitants sont dépendants des bornes-fontaines monétiques et des rampes d’eau pour avoir de l’eau. D’autres habitants en sont dépourvus. Ce contexte d’insécurité hydrique est notamment propice au développement de certaines maladies infectieuses, telles que le choléra. Bien que les autorités sanitaires aient déployé des actions pour lutter contre une diffusion des cas de choléra sur le territoire, en dépistant des personnes symptomatiques et en vaccinant près de 4.000 personnes, la question de l’accès à l’eau potable, de l’accès à des sanitaires et du traitement de ces eaux usées perdurent, notamment à Cavani, où les migrants n’ont ni eau potable, ni sanitaire.

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Ces sanitaires, qui étaient installés dans le camp de Cavani avant son démantèlement, ont été déplacés près du CRIJ de Cavani, où ils sont inutilisables et dont l’odeur nauséabonde dissuade d’y entrer.

Parmi ces migrants, se trouvent des profs, des vendeurs, des agriculteurs, des entrepreneurs, et même des journalistes. Persécutés dans leur pays, la plupart vit à Cavani depuis plusieurs mois, sans accès à une eau potable et à des sanitaires : « Solidarité Mayotte nous aide pour notre demande d’asile, mais on n’a pas à manger, pas d’accès à l’eau, pas de toilette » a commenté Aman, un migrant somalien arrivé à Mayotte, il y a quatre mois.

Un manque crucial d’accès à l’eau potable et à des sanitaires 

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Dans ce cours d’eau, un migrant a fait sa toilette et ses besoins, faute de structures adaptées.

Alors que le Préfet s’était montré rassurant sur l’évolution de la situation sanitaire du choléra à Mayotte, les deux moyens de prévention du choléra martelés par les autorités, sur le lavage des mains avec du savon et la consommation d’une eau potable, ne semblent pas si simples à appliquer sur l’ensemble du territoire. À Cavani, les migrants sont eux-mêmes inquiets : « On se lave dans la rivière, on cherche de l’eau pour boire, on fait nos besoins où on peut, deux toilettes mobiles ont été installées mais elles sont dégoutantes, on n’a même pas de savon pour se laver les mains »* a commenté un migrant.

Cette situation sanitaire a ainsi été reprise par le collectif des forces vives, qui au-delà de lutter contre l’immigration illégale et de s’opposer à l’accueil des réfugiés, dénonce les conditions sanitaires vécues par les migrants dont sont témoins les habitants du quartier : « Ils font leurs besoins dehors. On ne veut pas que le choléra gagne du terrain à Cavani. »

Durant la crise de l’eau, près de 330 000 litres d’eau potable avaient été distribués par jour par des militaires et des renforts de la sécurité civile, venus de toutes les régions de France, pour tous les habitants de Mayotte.

Le droit d’asile, un droit fondamental international

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Une centaine de personnes vit le long de cette route à Cavani, faute de structures d’accueil.

La plupart des personnes installées au bord de la rue du stade de Cavani, ont fui des Etats où elles étaient persécutées et sont en attente d’une reconnaissance de leur droit d’asile, protégé par la Convention de Genève.

En plein soleil à Cavani, un des migrants du groupe avec lequel nous échangeons, rappelle les raisons qui l’ont conduit à quitter la Somalie : « On est partis car on allait mourir chez nous. »  Depuis qu’il est à Mayotte, sa peur a changé, il ne risque plus tant pour sa vie mais il vit dans la peur de se faire agresser ou de se faire voler ses affaires : « Nous vivons ici car nous n’avons pas de logement (…) Notre peur ici c’est la pluie car on n’a pas tous des tentes et aussi les délinquants qui nous volent beaucoup nos affaires et nous agressent. Ici les gens n’aiment pas les africains mais on ne leur a rien fait. »

Un des souhaits du collectif serait que ces migrants déposent directement leur demande d’asile dans leur pays d’origine. Cet argument réitéré par certaines figures politiques locales, omet souvent l’insécurité vécue par ces étrangers dans leur propre pays, contraints de fuir pour vivre.

Barrages ou blocages, si le mot change, l’esprit reste le même, en faisant payer le poids d’une négligence d’accueil des étrangers sur les premiers concernés.

* Traduit de l’anglais.

Mathilde Hangard

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