Depuis 2022, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) est sollicité par l’Agence française anticorruption (AFA) pour fournir des statistiques sur les atteintes à la probité en France hexagonale et ultramarine. Corruption, trafic d’influence, concussion, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics et favoritisme, y sont répertoriés.
Ce sont 934 atteintes à la probité qui ont été enregistrées par la police et la gendarmerie nationales en 2024, après 863 en 2023. Un chiffre spectaculairement faible, environ 9 par département, et même inférieur si l’on intègre les collectivités d’Outre-mer.
Cela s’explique, rapporte l’enquête, par la prise en compte des procédures enregistrées par les services de la police et de la gendarmerie. Or, toutes les victimes ne déposent pas plainte, loin de là. C’est pourquoi l’Enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS) auparavant nommé « victimation », enregistre le ressenti de la population dans ce domaine qu’il y ait ou non dépôt de plainte. Et, surprise, ce sont 191.000 personnes qui déclarent avoir été confrontées à une situation de corruption dans le milieu professionnel en 2022. « Pour 28 % des cas, l’objectif était d’obtenir un service (une place en crèche par exemple) ou d’en accélérer l’obtention ». Or, seulement 1.500 plaintes ont été déposées dans le cadre professionnel, soit moins de 1 % des victimes d’une tentative de corruption.
Il serait intéressant que l’enquête s’intéresse aux motifs de réticence de dépôt de plainte de la part des victimes, et notamment sur la crainte de représailles dans le cadre professionnel. Un sujet qui permettrait d’enrichir la production statistique.
Concussion, corruption et favoritisme, particulièrement prisés

En comparaison avec la métropole, la Corse et les départements d’Outre-mer concentrent toujours un nombre plus élevé d’atteintes à la probité enregistrées rapporté au nombre d’habitants. Ce taux est également plus important dans les collectivités d’Outre-Mer.
Une hausse portée sur l’ensemble du pays par l’augmentation du nombre d’infractions de corruption (+46 entre 2023 et 2024), de prise illégale d’intérêts (+12) et de favoritisme (+11). Les infractions qui ont le plus progressé en pourcentage sont la concussion (infraction commise par un représentant de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n’est pas due, Larousse), +29 % entre 2023 et 2024, la corruption, +17 % et le favoritisme, +14%.
Les infractions d’atteinte à la probité rapportées à la population, se concentrent plus particulièrement dans les départements et régions d’Outre-mer et en Corse comme le montre la carte. Ainsi, les cinq départements et régions d’Outre-Mer (DROM) comptabilisent entre 2,5 et 5,5 infractions par an en moyenne pour 100.000 habitants, alors que la moyenne nationale (sans les collectivités d’Outre-mer) est de 1,1. Cela représente 99 infractions dans les DOM en 2024, contre 2,3 en moyenne par an à Paris. Mayotte est particulièrement touchée selon la carte jointe, avec les condamnations en 2024 notamment du maire de Boueni, du président de la CADEMA et du 1er VP du Conseil départemental dans la même affaire, et des accusations de faux arrêté avaient été portées en septembre 2024 par les juges du Tribunal administratif à propos de la gestion du port de Longoni.
Ces atteintes à la probité sont plus élevées dans les collectivités d’Outre-Mer (COM) qu’en France : 4,3 pour 100.000 habitants en Polynésie française et 2,3 pour 100.000 habitants en Nouvelle-Calédonie.
Sous-estimation de l’ensemble du phénomène

On enregistre par ailleurs d’autres infractions complémentaires aux atteintes à la probité, comme la fraude ou la tromperie. L’enquête cite deux exemples : usage d’un faux document pour détourner des fonds publics ou corruption dans le cadre d’un trafic de produits stupéfiants, dont 59 % de corruption active, 32 % de corruption passive, et 9 % d’autres atteintes à la probité (détournement de fonds publics, recel et blanchiment). Selon les enquêteurs et les magistrats, la corruption liée au trafic de stupéfiants, est rarement retenue pour conduire des poursuites car elle est difficile à caractériser. « Ceci peut conduire à sous-estimer l’ampleur du phénomène à partir des seules remontées statistiques des services de sécurité ».
Les auteurs sont avant tout des personnes physiques alors que pour les victimes, 55 % sont des personnes morales. On pense aux détournements de fonds publics notamment. Les hommes sont prédominants, aussi bien parmi les victimes que parmi les mis en cause, et plus âgés que pour les autres faits de délinquance, puisque plus de la moitié ont plus de 45 ans.
A.P-L.