Projets de loi Mayotte : des investissements très (trop ?) étalés dans le temps, révèle le Haut Conseil des finances publiques

Ce sont 4,2 milliards d’euros qui vont être investis à Mayotte. Mais certains avaient déjà été budgétisés, et l’ensemble ne représente pas plus de 500 millions d’euros par an. Pas de quoi fouetter les finances publiques du pays.

Ce n’est pas Mayotte qui va plomber les comptes de la nation. C’est en substance le contenu de l’avis du HCFP (Haut Conseil des finances publiques) qui a été saisi par le gouvernement le 3 avril 2025 pour étudier l’incidence sur les finances publiques du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte (PLPRM).

Le document qui fait référence en matière de dépenses actuelles de l’Etat c’est la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 ou la dernière loi de finances. Quel va être l’impact du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte avec ses mesures qu’il faut financer ?

En se fondant sur l’actuel projet de loi de programmation mahorais, le HCFP évalue à 4,2 milliards d’euros le montant des investissements à mener sur la période 2025-2031, dont 3,2 milliards pour les infrastructures et politiques publiques. Ces dernières sont listées en annexe : création d’un deuxième centre pénitentiaire, 292 millions d’euros, Construction d’une cité judiciaire, 124 millions d’euros, Création d’un centre éducatif fermé, 14 millions d’euros, sécurisation de la desserte aérienne, 1,2 milliard d’euros, pôles d’échanges multimodaux dont Mamoudzou, réalisation de voies de contournement pour soulager les principales agglomérations, et projet CARIBUS, 280 millions d’euros.

 

Mais réparti sur 7 ans, l’effort est minime, juge le Haut Conseil : « s’ils représentent des projets d’ampleur au niveau local, les montants prévisionnels d’investissement prioritaires en jeu, à savoir 3,2 Md€ répartis sur 7 ans – soit une moyenne de l’ordre de 500 M€ par an – ne sont pas de nature à modifier substantiellement la trajectoire pluriannuelle de la dépense publique inscrite dans la LPFP en vigueur ».

Déjà inscrits et déjà en retard

L’avis du HCFP tombé ce 16 avril

D’autre part, il s’agit d’infrastructures promises de longue date mais jamais réalisées, ce qui incite le HCFP à valider l’enveloppe globale, jugeant que les retards passés ne plaident pas en faveur d’une certitude de réalisation… : « compte tenu de la situation à Mayotte, des aléas baissiers existent sur le montant total des dépenses envisagées dans la période de programmation, en raison de possibles retards dans la mise en œuvre des projets d’investissements. » Peu rassurant.

D’autre part, le HCFP pointe plusieurs imprécisions. Il pointe à raison des projets déjà budgétisés au Contrat de projets, et donc déjà inscrit au projet de loi de finances, mais sans précision du gouvernement, ce qui ne permet pas de distinguer « entre les projets déjà inscrits dans la LPFP en vigueur et ceux qui viendraient s’y ajouter. »

Par ailleurs, la répartition de la prise en charge de ces financements entre les différents acteurs, État, conseil départemental, privés ou Union européenne, « n’est pas définie », ce qui ne permet pas de savoir quel montant sera porté par les administrations publiques et donc l’impact sur la comptabilité nationale.

Des dépenses pas évaluées

Le renforcement des agents de la PAF pas quantifié

Autre déficit de précision, les dépenses de fonctionnement, par exemple pour le renforcement des effectifs de lutte contre l’immigration clandestine et de lutte contre l’insécurité, « ne sont quantifiées que de façon très partielle, voire ne sont pas chiffrées ». Certaines dispositions du projet, comme les mesures destinées à la défense française dans l’océan indien ou le renforcement du fonds interministériel de prévention de la délinquance, « ne sont pas quantifiées ». Et certaines dispositions relatives au volet économique et social sont susceptibles d’engendrer des dépenses publiques (par exemple, la convergence de la prime d’activité et d’autres prestations sociales sur le niveau national, l’alignement progressivement du système de protection sociale) « sans que leur impact budgétaire ne soit documenté ».

En conclusion, bien qu’ils recouvrent des projets d’ampleur au niveau local, les montants prévisionnels du projet de loi de programmation, « ne sont pas de nature à modifier substantiellement la trajectoire pluriannuelle de la dépense publique inscrite dans la LPFP en vigueur », souligne le HCFP qui ne semble pas se faire de cheveux blancs.

Le président du Haut Conseil des finances publiques et Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici en profite pour tacler le gouvernement en matière de dépassement des dépenses du pays en considérant que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 à laquelle il est fait référence ici, promulguée il y a un peu plus d’un an, « constitue une référence obsolète, du fait de la forte dégradation de la situation des finances publiques en 2023 et 2024 ». Il préconise de se rapporter à la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme.

Anne Perzo-Lafond

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