L’information a fait le tour des rédactions nationales la semaine dernière : le nombre d’élèves qui feront leur rentrée en 2023, recule encore de 64.800, avec un impact plus prononcé dans le 1er degré qui perd 84.000 élèves, et 800 de moins dans le second degré. Pas de classes surchargées donc, puisque la diminution du nombre de postes d’enseignants est moins que proportionnelle à la diminution du nombre des élèves. Sans surprise, deux départements sortent de la tendance, la Guyane, qui gagne 3% d’élèves et Mayotte, +5,3%, comme l’indiquait le quotidien Ouest-France.
Nous avons contacté le recteur de Mayotte Gilles Halbout, pour l’interroger sur l’évolution du nombre de postes d’enseignants à mettre en face de cette population scolaire dont la croissance suit celle de la démographie.
« Nous avons obtenu 330 créations de poste, se réjouit-il, 168 dans le premier degré, et 150 dans le second, auxquels il faut ajouter 7 CPE, et des personnels de direction et administratif. C’est un record national en phase avec nos besoins ». Ils viendront se rajouter aux 7.200 enseignants actuellement en poste à Mayotte.
Une dotation qui ne va pas forcément de soi, rapporte-t-il, car si l’accroissement des inscriptions scolaires chez nous peut laisser penser à une indexation automatiques des postes, il n’en est rien : « Lorsque la population scolaire évolue, il y a toujours un ajustement du ministère, une phase où il valide ou non nos prévisions d’effectifs. Et pour Mayotte, nous récoltons le fruit d’une fiabilisation de nos prévisions depuis deux ans, montrer qu’on est crédible est essentiel. Et depuis 2020, nous sommes conformes à nos prévisions, le national nous fait confiance, c’est le fruit d’un travail d’équipe. »
Privilégier les maternelles arrivées massivement depuis 2019
Alors, comment vont être répartis ces effectifs supplémentaires dans le premier degré ? « Tout d’abord, précisément dans le premier degré, nous avons eu moins de postes que l’année dernière, 168 au lieu de 189, mais cela doit être mis en perspective avec la suppression de postes au niveau national, c’est remarquable ! C’est aussi parce que l’année dernière, nous avions besoin d’effectifs pour réorganiser les circonscriptions qui collaient mieux au découpage des communes. Avant, un inspecteur couvrait une zone à cheval entre deux communes, par exemple sur Dembéni et Bandrélé, maintenant il est sur l’entière circonscription de Dembéni. Nous avions donc eu besoin de renforcer les équipes pédagogiques. Cette année, les postes créés vont quasiment tous être destinés à mettre des enseignants devant les élèves. Et c’est principalement la maternelle qui va en bénéficier. »
La loi pour l’Ecole de la confiance de 2019 ayant instauré l’instruction obligatoire pour les enfants de 3 à 5 ans, il a fallu mettre les bouchées triple à Mayotte où tous les 6 ans avaient déjà du mal à être scolarisés. « Etant donné qu’il y a trois niveaux en maternelle, et 7 en primaire en comptant le dédoublement complet des CP et des CE1, la maternelle devrait bénéficier de trois dixièmes des effectifs, elle en aura davantage étant donné les besoins. »
Première promo de CAPES à affectation locales
Et dans le second degré, ce sont les lycées qui devraient bénéficier des affectations des 150 personnels supplémentaires : « Il faut prendre en compte les ouvertures de postes, mais aussi, les prof qui manquent actuellement. Nous avons misé sur les lycées pour éviter les décrochages scolaires, notamment en permettant le redoublement pour acquérir les savoirs nécessaires. Cela demande des classes supplémentaires, donc des enseignants. Nous avons aussi 7 CPE supplémentaires, et nous portons une attention supplémentaire au secteur médico-social avec le recrutement d’assistantes sociales et d’infirmières scolaires. »
Il va maintenant falloir mettre des noms sur ces postes, pas facile avec la conjoncture et les images dégradées qu’envoie la métropole de Mayotte : « Nous attendions de connaître le nombre d’affectations. Dès ce lundi, nous lançons les recrutements en sachant que nous sommes en compétition avec d’autres académies, celles de Créteil ou Versailles qui manquent de professeurs. Or, Mayotte doit être prioritaire. Nous devons aussi faciliter les mouvements des professeurs. »
Et le recteur compte récolter les fruits d’une des premières stratégies qu’il a mise en place : recruter en local. « Cette rentrée 2023 verra la première arrivée des admis au concours d’affectation locale au CAPES. Nous misons sur une soixantaine de diplômés toutes disciplines confondues. »
Face au trop plein d’élèves, surbooking de profs en vue
Autre décision, celle de « faire du surbooking » ! : « Environ 17% des contractuels qui arrivent de métropole jugent que c’est compliqué à Mayotte et repartent. Nous allons recruter des enseignants au-delà de nos besoins et à grande échelle, et s’ils restent, nous pourrons compter sur eux comme remplaçants. »
Pendant les vacances scolaires, les équipes du rectorat restent donc mobilisées, « nous avons 6 mois pour mettre tout cela en place », projette Gilles Halbout.
Alors que la scolarisation de l’ensemble de la classe d’âge visée par la loi en maternelle reste un objectif premier, et le dernier rapport de la Chambre régionale des Comptes sur Dzaoudzi en a illustré les difficultés avec des frais de fonctionnement induits par les investissements, le dispositif d’ingénierie mis en place entre le rectorat, l’AFD et les maires de l’île semble commencer à porter ses fruits, rapporte Gilles Halbout, « dans les prochaines années, plusieurs nouvelles constructions sont programmées. »
Anne Perzo-Lafond