Dans la salle de réunion de la bibliothèque de Koungou, deux grandes cartes recouvrent la table ce vendredi 27 juin. L’une représente le PLUi-HD du territoire complet de l’intercommunalité du Grand Nord, tandis que la seconde opère un zoom sur la commune de Koungou. L’ensemble du périmètre est quadrillé par plusieurs zones de différentes couleurs. Elles ont pour objectif de définir les règles de construction et de guider les communes dans l’élaboration de leurs projets pour les prochaines années à venir. Un travail de zonage du territoire qui a débuté il y a 4 ans par le bureau d’étude VE2A, mandaté par la CAGNM.
Sortir d’un aménagement individualiste
Ainsi les zones urbaines (u) de couleur plutôt foncées, représentent les centres historiques et les quartiers d’habitations, les zones à urbaniser (au) signalent les parcelles où il est possible de construire, les zones agricoles (a) indiquent les plantations, les cultures, et limitent les constructions aux exploitants, et les zones naturelles (n) en vert, à l’arrière des villages et le long des cours d’eau, marquent les écosystèmes, ou lieux ressources, pour mieux les préserver.
Après un long travail de terrain et de zonage, les réunions publiques de présentation du document à Koungou, Bouyouni, Acoua et Mtsamboro, sont la dernière ligne droite avant la remise du projet aux élus et aux services de l’Etat à la fin de l’année. S’en suivra un vote en sa faveur ou non, mais en raison des élections municipales début 2026, le PLUi-HD ne sera que opposable à la fin de l’année prochaine.
Le projet est une première pour l’échelle de l’intercommunalité. Auparavant chaque commune avait son propre PLU et menait ses propres aménagements. L’idée est désormais d’avoir une vue d’ensemble sur le nord de Mayotte pour que les infrastructures bénéficient à tout le bassin de population. Réunir les différentes communes et les mettre d’accord n’est donc pas une mince affaire.
« Le PLUi-HD représente la vision politique de l’interco, et non plus seulement les visions individuelles des communes, mais il ne faut pas non plus bloquer leurs projets avec un plan qui ne leur convient pas », relève Nachyrah Ahamadi, DGA aménagement et DGS par intérim à la CAGNM. « Aux demandes communales s’ajoutent la prise en charge des politiques publiques, les contraintes réglementaires, la géographie, les risques naturels… c’est tout un travail d’équilibre qu’on a mené ».
Pour les différentes communes, le PLUi-HD a également un rôle de « caisse enregistreuse » des projets, puisque qu’une fois annoncés, ces derniers sont représentés sur le zonage.
L’enjeu du déclassement des parcelles
L’enjeu est également très important pour les particuliers qui, avec ce nouveau document, peuvent voir leurs parcelles déclassées en zone habitable ou au contraire en zone non constructible. Ce qui peut créer des tensions alors que Mayotte fait face à une pénurie de foncier disponible, maîtrisé et aménageable.
Depuis le début du projet, la CAGNM met à disposition des habitants un registre dans lequel ils peuvent déposer leurs demandes spécifiques et leurs réclamations. Dans la bibliothèque de Koungou, une dizaine de personnes sont venues prendre des renseignements et tous espèrent que leurs demandes seront bien prises en compte dans le futur PLUi-HD, à quelques mois du terme. Parmi elles, un homme est en train d’acheter un terrain qui dispose d’une parcelle agricole et d’une zone constructible, il souhaite s’assurer que l’ensemble du périmètre soit déclassé en zone 2UA pour qu’il puisse l’aménager. « On a élaboré ce PLUi-HD en concertation avec les habitants, chaque demande a été calquée sur le zonage et on retravaille tout après chaque rencontre », ajoute Nachyrah Ahamadi.
Elaborer un plan pour le Mayotte de demain
Mais toutes les demandes, qu’elles soient des municipalités mais aussi des particuliers, ne seront pas reçues favorablement, car elles entrent en contradiction avec un PLUi-HD qui a vocation à élaborer le Mayotte de demain, dans les dix, vingt prochaines années. « Pour les élus il a fallu expliquer qu’il ne fallait pas réfléchir sur une période électorale, mais à long terme », expose Frédéric Regnier, directeur associé du bureau d’étude VE2A qui a présenté le plan aux habitants de Koungou.
« Du côté de la population on a remarqué qu’elle souhaite construire des choses sur des secteurs, des zones qui aujourd’hui n’ont pas forcément de valeurs pour elle, mais qui dans vingt ans seront des richesses fabuleuses », continue Frédéric Regnier, faisant référence aux zones naturelles.
« Les gens ont du mal à comprendre qu’on n’est pas contre eux, mais parfois ils souhaitent construire sur des zones à risque de mouvements de terrain, ou d’inondations. S’il y a trop de risques pour la population, le PLUi-HD rend les zones inconstructibles », ajoute-t-il, prenant l’exemple du centre-ville d’Acoua qui est en zone inondable. Le PLUi-HD oriente donc les gens à construire dès à présent sur les hauteurs.
« Chido a montré le danger auquel s’exposent les habitants dans certaines zones », constate Frédéric Regnier, qui connaît parfaitement le territoire du nord, « il y a eu une prise de conscience sur les premières semaines, mais désormais, en terme d’aménagement, les vieux réflexes reviennent ».
Victor Diwisch
