Le 34ème et dernier article donne l’ampleur de l’évolution à venir puisque, dès la promulgation de la loi qui interviendra normalement à l’issue de son parcours au Parlement, le Département-Région de Mayotte succèdera au Département de Mayotte « dans tous ses droits et obligations, y compris en matière budgétaire et comptable ».
Pour y arriver, les éléments de programmation financières inscrits à l’article 1 portant sur des investissements structurants inscrits de longue date aux différents contrats de projet, 2ème hôpital, 2ème prison, cité judiciaire, 2ème usine de dessalement, etc., portent sur une enveloppe de 3,2 milliards d’euros, à laquelle il faudra rajouter les 3,5 milliards de réparation des dégâts de Chido chiffrés par la mission inter-inspection mandatée par le Premier ministre François Bayrou.
Sur le chapitre de la lutte contre l’immigration clandestine qui recouvre plusieurs articles en plus du rapport annexé à l’article 1, un article 2 bis a été rajouté, prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement dans les trois ans suivant la publication de la loi, « un rapport évaluant les dispositions dérogatoires en matière d’immigration et de nationalité applicables à Mayotte », dont les mesures législatives ont été adoptées le 12 mai dernier.
Les sénateurs ont également supprimé la limitation jusqu’au 31 décembre 2028 du retrait des titres de séjour des parents dont la défaillance éducative auprès de leur mineur les maintient dans la délinquance, constituant une menace pour l’ordre public. Ils estiment qu’il ne peut s’agir d’une expérimentation, « Cela affaiblirait sa portée dissuasive », ont jugé les rapporteurs.
L’article 9 interdisant aux personnes en situation irrégulière à Mayotte de procéder à des opérations de transmission de fonds à partir d’espèces, a été durci, en créant un délit punissant tout Français ou ressortissant étranger en situation régulière, qui procéderait à une telle opération pour le compte d’un étranger en situation irrégulière.
Un « comité de suivi »

Le Gouvernement devra aussi présenter d’ici fin 2025 une « prévision pluriannuelle des investissements » annoncés sur la période allant jusqu’en 2031. Un point qui fait suite à l’avis du Haut conseil des Finances Publiques (HCFP) qui évoquait une sous-consommation probable des budgets, « compte tenu de la situation de Mayotte » et « en raison de possibles retards dans la mise en œuvre des projets d’investissements ». Ce que le rapporteur Olivier Bitz traduisait par la volonté de « donner des perspectives et de la confiance au territoire, où la défiance vis-à-vis de l’Etat est forte ».
Dans la même optique, un « comité de suivi » est réclamé par les sénateurs qui demandent au Gouvernement de présenter un rapport à mi-parcours, en 2028, avec un débat au Parlement, pour contrôler l’effectivité des investissements. Rappelons que le plan de programmation rédigé en 2018 avait fait l’objet d’un suivi de l’avancement dans les premiers mois par les services de l’Etat, qui était ensuite peu renseigné.
Il est également demandé que le préfet de Mayotte continue de chapeauter les services de l’Etat et ses établissements publics jusqu’à l’échéance en 2031.
Le texte était déjà passé par la commission des Affaires sociales du Sénat, qui avait souligné l’efficacité des mesures sociales prises à la loi urgence qui ont « permis d’accompagner les Mahorais dans le besoin », mais a nuancé certains points du projet de loi de refondation.
Opposition à l’AME

Alors que le Gouvernement réclame d’avoir les coudées franches à l’article 15, en sollicitant une habilitation à légiférer par ordonnances dans un délai de douze mois pour accélérer la convergence sociale à l’horizon 2031, sur l’ensemble des prestations sociales, des cotisations et contributions sociales, des dispositifs contribuant à l’amélioration de la compétitivité et de l’emploi, et des règles de remboursement des frais de santé, la commission des Affaires sociale se dit « sceptique » quant à la possibilité pour le Gouvernement de tenir l’échéance de douze mois sollicitée, en raison du grand nombre d’ordonnances annoncées.
A noter, que l’opposition à l’application de l’Aide Médicale d’Etat (AME) à Mayotte reste vive puisque les sénateurs de cette commission l’ont exclue du champ de l’habilitation au Gouvernement, « dans le contexte actuel de lutte contre l’immigration irrégulière ».
En revanche, la Commission des Affaires sociales se félicite de la réforme temporaire de l’implantation des pharmacies à l’article 17, puisque le dispositif supprime la distinction fondée sur la taille de la commune et prévoit qu’il ne peut être délivré qu’une licence par tranche entière de 7.000 habitants recensés dans la commune ou, à défaut, dans l’intercommunalité concernée. Ils soumettent cette évolution à un amendement, portant sur un avis conforme de l’Ordre national des pharmaciens pour les nouvelles créations d’officines, « afin d’éviter une fragilisation du tissu officinal existant ».
Les débats en séance publique se tiendront à partir de ce lundi 19 mai.
A.P-L.