Mayotte : Des ambitions d’expansion face à des défis structurels 

Le développement économique du territoire reste suspendu à la levée de freins administratifs, fiscaux et sociaux.

Mayotte affiche des ambitions économiques ambitieuses, mais les obstacles qui freinent son développement sont nombreux. De la 5G aux projets d’infrastructures portuaires et aéroportuaires, en passant par les aides agricoles d’un secteur en souffrance après le passage du cyclone Chido, l’île se trouve dans un dilemme entre volonté de modernisation et crise sociale. Alors que des investissements massifs sont en cours, l’incertitude demeure quant à leur concrétisation effective.

Une île en mutation, mais à quels prix ? 

Depuis plusieurs années, Mayotte s’efforce de se réinventer économiquement, avec des projets ambitieux pour se positionner comme un véritable hub dans le canal du Mozambique. Mais la réalité sur le terrain ne suit pas toujours le rythme de ces aspirations. La Lettre d’information hebdomadaire de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (FEDOM) datée du 5 mai 2025, met en évidence les progrès réalisés, mais aussi les difficultés majeures qui ralentissent cette transition. Entre des projets d’infrastructures de grande envergure, une crise agricole majeure et des blocages administratifs concernant les aides fiscales après le passage du cyclone Chido, Mayotte doit résoudre plusieurs défis pour réussir à décoller sur le plan économique.

La 5G, un avenir numérique, non sans embûches

Une antenne 5G prochainement opérationnelle

Le 18 avril 2025, le groupe Orange a lancé la 5G à Mayotte, l’opérateur couvrant déjà 80% du territoire. Cette avancée technologique pourrait transformer l’île en un modèle de connectivité dans l’océan Indien, avec des possibilités de développement pour les entreprises locales, mais aussi pour les particuliers, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Néanmoins, d’après la Fédération des entreprises d’Outre-mer, plusieurs freins administratifs risqueraient de limiter l’impact positif de cette avancée. En effet, la réforme européenne du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) en 2024 a exclu les investissements dans le secteur du haut-débit du champ d’application des aides fiscales, compliquant ainsi la situation pour les opérateurs. La FEDOM a exprimé de vives inquiétudes à ce sujet, soulignant que ce blocage pourrait ralentir l’extension du réseau et pénaliser l’île dans sa transition numérique.

Port et aéroport : des projets stratégiques au rythme lent 

visite présidentielle, Macron, Mayotte
Lors de sa venue le 21 avril 2025, le président de la République, Emmanuel Macron, avait tranché en faveur de la construction d’un nouvel aéroport à Bouyouni

Si la construction d’un grand port maritime à Longoni et la création d’un nouvel aéroport en Grande-Terre sont des projets de grande ampleur pour Mayotte, leur mise en œuvre tarde à se concrétiser. Si ces infrastructures ont un poids significatif dans l’ambition de l’île à devenir un pôle économique dans la région, des obstacles techniques et administratifs freinent leur avancement. Le port de Longoni, qui devrait devenir un centre névralgique du commerce international, est confronté à un manque de financement pour sa modernisation. À terme, il pourrait permettre à Mayotte d’accueillir davantage de navires, mais la modernisation du port reste suspendue à la concrétisation des investissements.

Au sujet du secteur de l’aéroportuaire, la situation est encore plus urgente. La congestion du fret aérien représente un frein majeur pour les entreprises locales. L’impossibilité de recevoir des avions de grande capacité, comme les Boeing 777, a un impact direct sur le volume de marchandises que Mayotte peut traiter. La FEDOM suggère que les autorités locales doivent urgemment réhabiliter la piste actuelle de l’aéroport de Dzaoudzi pour permettre l’accueil de ces gros porteurs, vitaux pour l’économie locale : « Au-delà des enjeux autour de la nouvelle piste, il y a des travaux qui doivent être menés urgemment sur la piste afin qu’elle retrouve sa capacité à accueillir des gros porteurs type B777 qui amènent un volume de fret aérien unique. »

La lenteur des travaux et la suspension de l’autorisation d’exploitation des très gros porteurs compliquent encore les échanges commerciaux, d’autant plus que l’île dépend largement des importations pour son approvisionnement.

Une reprise incertaine pour le secteur agricole après Chido

VO, visite officielle, Mayotte, Emmanuel Macron
« Les aides ne sont pas encore là », avait déclaré un agriculteur, à la ferme de Komo à Mroalé, le 21 avril dernier

Le cyclone Chido a durement frappé le secteur agricole de Mayotte le 14 décembre 2024. Des pertes estimées à 296 millions d’euros ont été enregistrées, notamment dans les cultures de litchis, de mangues, de bananes et de manioc. Actuellement, des agriculteurs se retrouvent en situation de précarité, n’ayant toujours pas reçu les aides financières promises par l’État. Le retard dans l’arrivée de ces aides met en péril la relance de l’activité agricole, déjà fragilisée par une conjoncture difficile.

Inoussa Ahamadi, agriculteur à Combani, exprime son désarroi : « Les aides promises devraient nous permettre de nous relever, mais nous n’avons rien vu venir après plus de quatre mois d’attente. » De nombreux agriculteurs se retrouvent ainsi dans une situation où ils doivent continuer à faire face à des pertes colossales sans soutien financier suffisant. L’incertitude sur l’arrivée des aides complique encore leur capacité à repartir de l’avant, alors que des récoltes entières ont été anéanties par le cyclone.

Les pêcheurs, quant à eux, sont également dans l’attente de la mise en place d’un régime d’aide pour renouveler leurs bateaux endommagés. Bien que des fonds aient été annoncés, les retards dans leur distribution aggravent la vulnérabilité des familles dépendantes de ces secteurs vitaux.

Les aides fiscales toujours bloquées

Par ailleurs, une des questions clés soulevées par la FEDOM concerne la révision du règlement européen sur les aides fiscales. En janvier 2024, une modification du règlement général d’exemption par catégorie a exclu certains secteurs, dont le haut-débit, des aides fiscales spécifiques. Aujourd’hui, cette révision complique l’accès aux financements pour les projets d’infrastructure nécessaires à la croissance de Mayotte.

Si le gouvernement français a tenté de remédier à cette situation, les démarches de notification à la Commission européenne, elles, n’ont toujours pas abouti. Selon la FEDOM, si cette problématique n’est pas réglée rapidement, cela pourrait compromettre plusieurs investissements structurants dans des secteurs essentiels comme les télécommunications et le transport, retardant ainsi la transformation économique attendue.

Alors que Mayotte se bat pour moderniser ses infrastructures et diversifier son économie, les défis demeurent immenses et le 101ème département français peine à concrétiser ses ambitions malgré des projets de modernisation porteurs d’espoir. Le déploiement de la 5G, l’extension du port et de l’aéroport témoignent d’une dynamique en marche, mais les réalités du terrain freinent l’élan : lourdeurs administratives, congestion du fret aérien, retards dans les aides agricoles… Autant d’obstacles qui pèsent sur une île en quête d’un nouveau souffle. Sans une réaction rapide des autorités pour lever les freins fiscaux, accélérer les procédures et répondre aux urgences sociales, Mayotte risque de voir ses efforts de développement s’enliser, au moment même où elle pourrait amorcer un véritable tournant économique.

Mathilde Hangard

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