La reconstruction durable du territoire passe par l’insertion sociale et professionnelle selon la FEI

En visite plusieurs jours à Mayotte, la Fédération des entreprises d'insertion (FEI) souhaite sensibiliser les entreprises sur l'importance de l'insertion dans la reconstruction du territoire. Avec de nombreux chantiers à entreprendre dans tous les domaines, et un besoin important en main-d'œuvre, c'est le moment de créer des compétences au sein de la population. Une opportunité pour le territoire de développer une économie locale plus autonome, et donc durable.

Le 21 avril dernier, lors de sa visite à Mayotte, Emmanuel Macron a promis une enveloppe de 3,5 milliards d’euros aux collectivités, répartis sur 6 ans, pour enclencher une reconstruction durable à la hauteur des défis. « Il nous faut une politique d’exception, adaptée à notre réalité sociale, économique et géographique », avait déclaré le chef de l’Etat, dans son discours au Conseil départemental. Des réalités qui se traduisent notamment par deux chiffres marquant : à Mayotte 40% des habitants sont en situation de chômage et près de 80 % vivent sous le seuil de pauvreté national. Derrière ces chiffres, c’est une grande partie de la population qui a des difficultés d’accès à l’eau, à des soins, à des logements décents, aux écoles. Mayotte détient les plus mauvais indicateurs sociaux et économiques de tous les départements français. Un constat qui a été exacerbé par le passage du cyclone Chido et à l’heure de la reconstruction, voire de la refondation de Mayotte, tout l’enjeu est d’améliorer réellement cette situation, et de sortir des effets d’annonces.

De l’obtention des compétences à l’emploi durable

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Nadia Landry, présidente de la Fédération des entreprises d’insertion (FEI), William Adousso, dirigeant d’entreprises d’insertion et représentant de la FEI à Mayotte, et Antoine Laurent, directeur général adjoint de la FEI.

Pour Nadia Landry, présidente de la Fédération des entreprises d’insertion (FEI) et Antoine Laurent, directeur général adjoint, en visite à Mayotte ce mardi 6 mai, la reconstruction du territoire amorcée pour les prochaines années est une opportunité pour créer les bases d’une économie fonctionnelle et autonome, et cela passe par l’insertion. Les travaux de réparation et de modernisation des infrastructures, des logements, des réseaux d’eau, d’électricité, de télécommunications, des routes, des écoles, de l’hôpital et des centres de soins…, nécessitent beaucoup de main-d’œuvre, et la FEI voit en ces chantiers un moyen de créer des compétences au sein de la population.

« Si on arrive à faire en sorte, notamment par le biais des entreprises d’insertion, qu’un grand nombre de personnes gagnent en compétences à travers ces chantiers et s’enracinent dans l’économie locale, Mayotte pourra disposer d’une économie qui fonctionne et qui sera plus autonome, sans trop dépendre des subventions publiques », explique Antoine Laurent. Pour cela, il faut sensibiliser davantage les entreprises et les entrepreneurs à se lancer dans l’insertion, en plus de leur objectif économique initiale. Et c’est justement pour accompagner les professionnels dans cette démarche que la FEI souhaite renforcer sa présence à Mayotte avec la création d’une antenne locale, d’ici la fin de l’année 2025.

A Mayotte, William Adousso est le pionnier en matière d’insertion. Dès 2004 avec son entreprise Alomayjob, il œuvre pour l’insertion professionnelle des adultes en leur proposant des formations. En 2018, il fonde Eureka Mayotte, première entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI) sur le territoire. Son rôle est de mettre en relation des personnes en recherche d’emploi avec des entreprises qui ont besoin de main-d’œuvre, de compétences spécifiques ou qui font face à des clauses sociales, à travers de courtes missions intérimaires.

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Les entreprises peuvent se lancer dans l’insertion au travers de nombreux domaines.

Mais ce qui la différencie d’une agence d’intérim ordinaire c’est qu’elle accompagne les personnes vers l’obtention d’un emploi durable en levant les barrières à l’embauche grâce à un suivi réalisé par un accompagnateur social et professionnel, pour une durée maximum de deux ans. Un dispositif qui est financé en majeure partie par l’Etat et l’aide au poste d’insertion. William Adousso gère également des entreprises d’insertion (EI) qui ont le même objectif d’intégration des salariés sur le marché du travail que les ETTI mais qui embauchent elles-mêmes les personnes via un CDDI qui leur garantit du temps de formation. Directement après Chido, aussi bien via Eureka Mayotte que les EI, il a réussi à mobiliser ses salariés pour nettoyer des bâtiments, des hôtels et des exploitations agricoles, mais aussi participer à la gestion des déchets. Un élan et une réussite qui le conforte dans son choix de miser sur l’insertion pour le futur de Mayotte.

« Il faut la volonté d’avoir un impact social »

« Oui ce système marche ! À Mayotte il y a des problématiques de constructions, des besoins de main-d’œuvre et le travail temporaire est l’un des leviers qui peut permettre d’y répondre », constate William Adousso. « L’insertion peut accompagner les salariés à la formation, et in fine tout le système va se retrouver gagnant ».

« Bien sûr le but n’est pas que tout le monde se lance dans l’insertion, car il faut la volonté d’avoir un impact social, il faut vouloir travailler avec des personnes en difficultés, il faut pouvoir se remettre en question tout le temps », poursuit celui qui est également le représentant de la FEI à Mayotte. « Mais c’est important de se demander en tant qu’entrepreneur si mon objectif est uniquement de générer de la valeur ajoutée ou bien est-ce que je souhaite, en plus, faire entrer dans le modèle économique des personnes qui sans moi n’auraient pas la possibilité de le faire ? », ajoute William Adousso.

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L’objectif des entreprises d’insertion est de mettre sur le marché du travail des salariés qualifiés

« D’autant plus que si j’arrive à faire comprendre à l’Etat, que mon accompagnement des personnes va être vraiment performant, il peut me venir en aide sans gérer mon business model ». Car pour qu’une entreprise puisse bénéficier de l’aide de l’Etat, elle doit déposer un dossier auprès de la Direction du travail et obtenir un agrément.

« Les domaines d’activités sont larges puisque l’on trouve des entreprises d’insertion dans le numérique, le BTP, l’agriculture, les espaces verts, le tri des déchets et quand on voit la situation à Mayotte, les entreprises qui vont se créer ou qui sont déjà présentes pourraient tout à fait accéder à cela et permettre cette mixité sociale au sein de leurs salariés », remarque Nadia Landry.

La problématique du renouvellement du titre de séjour

Pour pouvoir obtenir un travail via une entreprise d’insertion, il est nécessaire d’être en situation régulière sur le territoire et avoir au minimum un titre de séjour. Le problème c’est qu’à l’expiration de ce titre de séjour, l’insertion s’arrête immédiatement pour les personnes qui travaillent et qui sont bénéficiaires de l’accompagnement au sein des entreprises. Ces dernières doivent alors négocier avec la préfecture pour renouveler le titre de séjour.

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La reconstruction de Mayotte après le cyclone nécessite la mobilisation de nombreuses compétences, que peuvent apporter des personnes qui n’ont pas la nationalité française, estime la FEI

Une difficulté qui existe dans toute la France mais particulièrement à Mayotte. « Il y a un sentiment de contradiction à Mayotte avec une politique qui souhaite exclure les étrangers du système administratif, économique et social, alors que dans ce vivier d’étrangers, qui travaillent actuellement et qui risquent de perdre leur régularité, il y a des compétences », relève Antoine Laurent. « Il y a un besoin d’utiliser ces personnes, de leur donner un avenir, Mayotte peut se construire avec les personnes présentes sur tout le territoire ».

« C’est le gros problème actuellement », renchérit Nadia Landry, « l’Etat investit dans quelque chose dont il se prive derrière, c’est comme de l’argent public qui ne va pas jusqu’au bout. On commence un travail, on progresse, l’Etat participe puis il supprime tout le bénéfice de ce travail. Il n’y a plus de sens ».

Aujourd’hui Mayotte dispose d’une douzaine d’entreprises d’insertion, avec la création d’une antenne locale la FEI espère que de nouveaux entrepreneurs se lanceront dans ce projet pour faire de l’insertion « une force et un vecteur de croissance ».

Victor Diwisch

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