C’est en pleine crise de l’eau que l’optimisation de la ressource est la plus urgente. Colmater les fuites, forer pour aller puiser dans les nappes souterraines, dessaliniser… des chantiers accélérés en urgence qui n’exonèrent pas de se questionner : comment optimiser la ressource à l’avenir, et éviter le gaspillage de ce précieux liquide, alors que l’eau potable continue notamment à abreuver nos WC ?
Ce fut l’objet d’un Comité de l’eau et de la biodiversité coprésidé par le préfet et le président du conseil départemental, qui s’est tenu la semaine dernière au conseil départemental. Il avait lieu la veille du Comité de suivi de la ressource en eau dont nous avons rapporté le bilan sur le contexte et les investissements menés.
Une rencontre entre les acteurs de l’eau et les représentants de la Sécurité civile pour « préparer l’avenir », expliquait le préfet Thierry Suquet qui revient pour le JDM sur les principaux axes de la rencontre. « Nous avons débattu avec les représentants de la société civile, dont les associations environnementales, sur les différents usages de l’eau ».
Le représentant de l’État en livrait les défis : « Les investissements sont massifs actuellement pour qu’une usine de dessalement voie le jour à Ironi Be fin 2024, ou que les forages nous livrent les 3.500m3 supplémentaires espérés, ou encore sur une 3ème retenue collinaire. Ensuite, il va falloir réfléchir à la manière dont on utilise cette eau potable. On ne peut pas continuer à l’utiliser de l’eau potable pour tous les usages, comme l’agriculture, pour laver les voitures ou pour nourrir les animaux. Il y a nécessité de développer un Schéma de la gestion de l’eau sur le territoire. »
Pas un bon usage du SDAGE
Ce SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de gestion des Eaux) existe bien à Mayotte, l’actuel couvre la période 2022-2027. Il a été adopté en séance plénière du Comité de l’Eau et de la Biodiversité en février 2022. C’est lui qui surveille la non-détérioration de la qualité des eaux, l’atteinte du « bon état » écologique et chimique des eaux superficielles, et de la pérennité les eaux souterraines, la réduction des rejets de substances prioritaires et leur suppression, ou encore le respect des objectifs propres aux zones protégées.
Nous avons rapporté à plusieurs reprises que les acteurs de l’eau déplorent la non applications des très nombreuses mesures qui le constituent. Dans ce dispositif, les services de l’État ont l’obligation d’appliquer les mesures régaliennes et de contribuer au suivi du programme de mesures. Sa réussite reste donc évidemment conditionnée par la mise en œuvre effective des réglementations nationales et européennes, de la part de tous les acteurs.
Pour exemple, la 1ère mesure porte sur l’application des arrêtés préfectoraux de protection de captages sur les plans administratifs et techniques. Le syndicat des eaux avait commencé à travailler sur le sujet en érigeant des périmètre à protéger autour des retenues collinaires ou des rivières majeures sous la présidence de Maoulida Soula. On peut douter que les actions aient été poursuivies.
Un modèle pour l’Hexagone aussi
« En 20 ans, Mayotte a évolué, reprend Thierry Suquet, avec une croissance démographique qui n’est pas la même que lorsque les premiers investissements ont été menés du temps du préfet Boisadam en 1997 ». Pour mémoire, c’est cette année-là qu’a sévi une des premières grandes crises de l’eau, et qu’en collaboration avec le président du conseil général Younoussa Bamana, le préfet avait décidé de construire la 1ère usine de dessalement en Petite Terre. Depuis, aucune autre n’a vu le jour. La seconde est actuellement en gestation du côté d’Ironi Be, en Grande Terre. « Aujourd’hui, nous utilisons H24 de l’eau du robinet pour abreuver le bétail ou arroser les jardins. On ne peut pas continuer comme ça ».
Lors de la rencontre, il a donc été décidé de « diversifier le mix de l’eau potable ». Après le mix énergétique qui doit permettre le recours massif aux énergies renouvelables, il faut donc créer son pendant pour l’eau. « Le coût financier et environnemental du dessalement impose de mener une réflexion sur les usages alimentaires, les usages sanitaires et les usages agricoles de l’eau. »
Le conseil départemental qui copréside le Comité de l’eau et de la biodiversité au titre de sa compétence sur la gestion des eaux et rivières, doit mener le combat sur ces sujets, « il faut trouver les moyens de piloter une politique commune, mais aussi de créer un Office de l’eau », conclut le préfet.
S’il s’avérait que la saison des pluies soit suffisamment abondante pour que nous nous passions des tours d’eau, la crainte est forte que l’on oublie ces bonnes résolutions. C’est donc maintenant, en période de crise que les bonnes décisions doivent être prises et tenues.
Un cercle vertueux pourrait s’enclencher jusqu’à servir d’exemple à l’Hexagone où un jour on se demandera comment l’espèce humaine a bien pu utiliser de l’eau potable à des fins sanitaires !
Anne Perzo-Lafond