Au cours des 35 articles, se dessine un nouveau visage pour Mayotte. A commencer par l’avant dernier, puisqu’il introduit le changement du Département de Mayotte vers le statut de Département-Région. C’est-à-dire qu’enfin les élus qui seront désormais 52, vont pouvoir se projeter sur les compétences régionales d’un département français (développement économique, tourisme, etc.) ainsi que les la gestion des établissements secondaires, qui n’a pas encore été récupérée.
Nous reviendrons sur le 1er article qui porte sur le rapport relatif à la refondation de Mayotte, avec la plupart des avancées annoncées jusqu’ici, mais cette fois datées pour la plupart.
La 2ème partie traite à la fois de la lutte contre l’immigration clandestine et contre l’habitat illégal. Le délai d’obtention de la carte de résident passe à cinq ans contre trois ans aujourd’hui, et la carte de séjour ne serait délivrée qu’après sept ans de résidence habituelle à Mayotte. Les reconnaissances de paternité et de maternité seraient centralisées dans la commune de Mamoudzou avec durcissement de la peine d’amende en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité. L’aide au retour volontaire serait étendue à Mayotte en ce qui concerne les ressortissants d’Afrique des Grands lacs. Un étranger accompagné de mineur serait placé dans une unité familiale en attendant leur reconduite à la frontière.

Le projet de loi prévoit également le retrait des titres des parents d’enfants qui constitue une menace pour l’ordre public. Les flux financiers seraient contrôlés afin qu’ils ne concernent que des personnes en situation régulière. Enfin, le représentant de l’État ou le maire pourrait par un simple arrêté ordonner aux occupants de locaux insalubres formant un espace densifié, d’évacuer les lieux.
L’article 12 introduit la 3ème partie consacrée à la protection des mahorais. Le préfet peut saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire pour autoriser la visite de lieux dont on soupçonne la fréquentation par une personne « dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics », afin de procéder à la saisie d’armes, ou de munitions. L’occupant des lieux pourrait alors faire appel à un conseil de son choix.
L’ensemble du territoire en Quartiers Politique de la Ville
Le 4ème chapitre porte sur le développement de Mayotte, avec une adaptation des dispositions relatives au recensement de la population ou l’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnances pour déterminer les modalités de convergence du droit applicable en matière de droits sociaux à Mayotte. La prise de possession de terrains par Déclaration d’Utilité Publique serait possible pour les infrastructures jugées essentielles. L’article 23 introduit la zone franche globale par adaptation du régime de la zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG) existant ».
Autre grosse annonce, l’ensemble du territoire serait classé en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).
Un fonds de soutien au développement des activités périscolaires à Mayotte serait mis en place ainsi qu’un service civique d’urgence.

Une large part est réservée à l’attractivité des fonctionnaires, avec en prévision, une bonification d’ancienneté pour l’avancement d’échelon des fonctionnaires de l’Etat affectés à Mayotte, ou l’extension de la priorité légale de mutation des fonctionnaires pour ceux affectés pour une durée limitée sur le département pour faciliter les retours et ainsi accroître l’attractivité d’une affectation.
La modernisation du fonctionnement institutionnel de la collectivité introduit une modification du mode de scrutin, comme cela était demandé, avec une élection pour une durée de 6 ans des conseillers à l’assemblée de Mayotte, en même temps que les conseillers départementaux. Le Département-Région de Mayotte succède ainsi au Département de Mayotte dans tous ses droits et obligations, y compris en matière budgétaire et comptable.
Alignement du SMIC net
Revenons à l’article 1 qui revient sur les annonces de ces dernières années au sein d’un rapport sur la refondation de Mayotte. Il convient d’être plus prudent, certaines ayant été annoncées à de multiples reprises, et non concrétisées.
La convergence économique et sociale marquée par l’alignement vers le SMIC net national est annoncée « au plus tard en 2031 ».

Les mesures de lutte contre l’immigration clandestine et l’habitat illégal y sont détaillées, avec davantage de détection et d’interception annoncées : renouvellement de l’ensemble des radars et l’acquisition de moyens optroniques, balises et drones, bases avancées pour l’interception en mer « étudiée », remplacement des moyens nautiques de la gendarmerie maritime, une présence H24 sur l’eau, impliquant « le renouvellement et l’augmentation de la flotte actuelle », « un chantier naval dédié à la maintenance en condition opérationnelle sera mis en place », « le projet de ponton opérationnel sur l’îlot Mtsamboro visant à réduire les temps de ralliement des zones d’interception sera concrétisé », création d’une zone d’attente à horizon 2027 en vue de non admettre sur le territoire les étrangers interceptés en mer ou à l’issue de débarquements sauvage et d’un nouveau local de rétention administrative de 48 places en 2026 pour les interpellations à terre.
En réponse à l’habitat illégal, une opération d’intérêt nationale (OIN) avait été annoncée par le ministre Carenco, elle est de nouveau au programme, « pour s’appuyer sur un régime et des moyens d’exception » pour mieux résorber les zones d’habitat informel.
Contre l’insécurité, l’Etat organisera la formation de 300 gendarmes et policiers auxiliaires mahorais pour assister les unités locales et se préparer à exercer les missions de sécurité. Les moyens de la gendarmerie seront renforcés avec la création des brigades de Dzoumogné (10 gendarmes) et Bandrélé (10 gendarmes) et du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) de Dembéni (20 gendarmes), le renfort du centre opérationnel de renseignement de la gendarmerie (5 gendarmes), des renforts de police judiciaire (10 effectifs).
Fin des tours d’eau d’ici fin 2026

De nouveau sont évoqués la construction d’une cité judiciaire sera engagée « avec un objectif de début des travaux en 2025 », d’un centre éducatif fermé avec lancement des travaux également fixé à 2025, d’un deuxième centre pénitentiaire d’une capacité de 400 places et incluant un centre de semi-liberté de 20 places, début des travaux prévu en 2027.
Des investissements comme la 2ème usine de dessalement sont prévus, ceux du Plan eau Mayotte, pour « garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement aux Mahorais avec la fin des tours d’eau annoncée « d’ici la fin de l’année 2026. »
Après la fin des tours d’eau, la fin des rotations scolaires annoncée pour la rentrée 2031 : « Le dynamisme de la population scolaire est avéré, avec + 34 % d’élèves entre 2013 et 2023. Il manquait globalement 1 200 classes avant le cyclone Chido pour répondre aux besoins. L’Etat devait déjà contribuer dans le cadre du contrat de convergence et de transformation à la construction des classes de primaire et à l’augmentation des capacités dans le secondaire à hauteur de 680 millions d’euros, ainsi qu’à l’extension de l’université de Mayotte à hauteur de 12 millions d’euros. »
Apport d’ingénierie et passage « envisagé » du port de commerce de Longoni « sous compétence de l’Etat » – seulement envisagée – et ceci à l’issue de la Délégation de service public en 2028, à la suite d’une expertise et d’un audit financier du port qui laissera le lecteur sur sa faim quand on sait que les comptes sont déjà épluchés par le Parquet national financier.
Des preuves sont donc attendues pour ce rapport sur la refondation de Mayotte, alors que les 34 autres articles sont plus prometteurs.
« Nous découvrons la proposition de l’État et devons maintenant avancer avec les consultations locales puis un avis du CD et la présentation au Conseil des ministres fin avril avant les travaux parlementaires au Sénat mi-mai et à l’Assemblée nationale mi-juin », commente la députée Estelle Youssouffa sur sa page Facebook.
Anne Perzo-Lafond