Après 20 ans d’exercice, la délinquance à Koungou a raison de l’engagement de Djamil Abdallah

C’était un repère pour les jeunes de Koungou. A la fois sur le plan sportif, mais aussi et surtout, d’insertion économique et sociale, pour ne laisser personne sur le bord de la route. L’éducateur sportif de Koungou jette pourtant l’éponge face à la violence autour des terrains de sport.

On peut dire que la décision de la préfecture de suspendre les compétitions sportives le 13 décembre dernier a scellé ce qu’il ressentait depuis plusieurs mois : « les conflits entre bandes villageoises finissent malheureusement sur les stades sportifs et les acteurs de notre sport deviennent constamment des victimes collatérales ». En témoigne le décès d’un jeune supporteur de Combani le 9 décembre 2023, et le même week-end, l’agression d’un jeune sportif de l’équipe UCS Sada à Ouangani en marge d’une rencontre.

Une situation qui n’est « plus tenable » selon celui qui est aussi dirigeant d’un club de foot : « Nous les éducateurs qui accompagnons au quotidien et les weekends nos licenciés, nous exerçons cette activité bénévole avec la peur et le stress que ce soit durant les entrainements ou lors des rencontres officielles. Certains parents n’acceptent plus que leurs enfants jouent les rencontres en déplacements au risque d’agressions. Nos jeunes licenciés se font agresser par des voyous qui n’ont rien avoir avec le football et nous exposons notre vie et celle des jeunes que nous accompagnons à des dangers lors des rencontres de foot. »

Une sorte de cercle vicieux, puisque les jeunes pris en charge par ces clubs sont désormais désœuvrés, et « l’exercice de cette passion, cette envie de transmettre se perd au fil du temps en raison du climat d’insécurité qui règne sur ce Département. »

La délinquance vainqueur par K.O.

Au 2ème plan avec une équipe de l’ASCJ Koungou en 2018

Djamil Abdallah se souvient de la demi-finale de coupe de Mayotte de foot des U15 au moins d’octobre dernier : « A la fin de la rencontre, mes gamins victorieux se sont faits agresser à la sortie du terrain par des jeunes venus de l’extérieur, les véhicules des accompagnateurs se font caillasser, j’ai dû moi-même abandonner ma voiture et quitter en catastrophe le terrain avec les arbitres après que mes joueurs aient quitté le terrain. Heureusement que les dirigeants de l’équipe adverse ont veillé à ce qu’elle ne soit pas saccagée et me l’ont ramené à mon domicile. »

Jugeant ne plus pouvoir exercer en toute sécurité cette activité bénévole pour lui et les sportifs en culottes courtes, il a pris la décision « à contre cœur » de ne pas renouveler une licence d’éducateur ni de dirigeant accompagnateur cette saison 2023. « J’avoue qu’après plus de 19 ans dans ce milieu, je n’imaginais pas quitter cette passion dans ces conditions ».

Près de 20 ans qui ont commencé comme dirigeant du club USCJ Koungou, puis comme éducateur à partir de 2009, avec deux montée en R1 en 2010 et 2018, « j’ai rejoint la seconde équipe locale FC Ylang en 2021, qui est montée en R3 la même année. L’équipe première a lutté en 2022 pour assurer son maintien, cette saison, elle prétend à une montée en R2 en terminant 3ème du classement en attendant les affaires encours à la ligue. »

Et depuis plus de 3 ans, pour proposer des solutions aux violence entre bandes en favorisant la cohésion entre les jeunes sportifs du village de Koungou et mutualiser les moyens humains et matériels, les 2 clubs de Koungou ont mis en place une entente des équipes de jeunes, « les résultats sont bien visibles chaque fin de saison ».

Une décision douloureuse, lui qui reste convaincu que « le sport reste une des premières réponses à apporter à la lutte contre cette violence », mais il demande à rehausser le niveau de protection : « Il va falloir que nos autorités chacun à leur niveau apportent des mesures à la hauteur de la situation afin de protéger les acteurs sportifs. Nous vivons une psychose dans ce département, un stress dans la semaine quand on va au travail le matin et à la sortie du travail amis aussi quand on pratique notre sport. Ce n’est plus supportable et malheureusement si ça continue à ce rythme, beaucoup de bénévoles vont abandonner aussi », conclut-il.

Après les routes, les terrains sont laissés aux délinquants.

A.P-L.

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