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Vers une reconnaissance officielle de Mayotte française dans sa région océan Indien

C’est historique ! Le Département de Mayotte vient de signer une convention de partenariat avec le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Notre département va donc représenter la France auprès des instances régionales. Un truisme qui mérite explication.

Pour comprendre la signification de la signature de ce lundi au quai d’Orsay, demandons-nous d’abord, combien de ministre des Affaires étrangères ont foulé le sol mahorais… Aucun. Et pour cause, le différend avec les Comores à propos de la souveraineté de Mayotte dressait comme une frontière invisible entre le 101ème département français et le quai d’Orsay. Si Stéphane Séjourné est bien venu à Mayotte, c’est en février 2023 en tant que eurodéputé du parti de la majorité présidentielle, avant sa nomination au Quai d’Orsay.

Dans sa région, Mayotte tire comme un boulet sa non reconnaissance comme française par l’ORganisation des Nations Unies (ONU). Celle-ci ne considère que le principe de droit international d’intangibilité des frontières issues de la décolonisation. Et estime que la France devait laisser partir les quatre îles vers l’indépendance. Le peuple mahorais a beau agiter l’autre principe de droit international qu’est le droit à l’autodétermination des peuples, la situation reste telle quelle depuis 1975 année de l’indépendance des Comores. Malgré la départementalisation du territoire en 2011 et son accès au statut de Région ultrapériphérique (RUP) de l’Europe en 2012.

L’appel de Fort-de-France comme un jeu de quille

Stéphane Séjourné, Mayotte, ONU
C’est en euro-député que Stéphane Séjourné était venu à Mayotte il y a un an

En novembre 2023, un pas avait été franchi par Catherine Colonna avec pour la première fois, la reconnaissance d’une injustice dans un courrier de la ministre des Affaires étrangères aux élus mahorais, « comme vous le soulignez, Mayotte fait l’objet d’une revendication de souveraineté infondée, à rebours de l’histoire et du choix des Mahorais ». Elle appelait alors à « défendre » contre « les tentatives de sa remise en cause ».

Il faut dire que ce revirement avait lieu dans le contexte de la tenue du Conseil interministériel des Outre-mer (CIOM) ce même mois de novembre, qui faisait suite à l’appel de Fort-de-France sous l’impulsion du martiniquais Serge Letchimy, entrainant ses collègues présidents des Départements et Régions d’outre-mer à demander « un changement profond de la politique Outre-mer de l’Etat ».

Bien leur en a pris, puisque parmi les 72 mesures du CIOM, la 54ème vise à « associer les territoires ultramarins à la politique étrangère de la France », ce qui a ouvert la possibilité pour ces territoires de s’appuyer sur le réseau diplomatique. Pas tombé dans l’oreille d’un sourd à Mayotte ! Cette occasion, les conseillers départementaux de Mayotte n’ont pas manqué de la saisir, et le président Ben Issa Ousseni les pressait aussitôt de se positionner sur un projet de Convention à signer avec le ministère des Affaires étrangères. Une adoption passée inaperçue car votée en Commission permanente, sans les médias, le 18 décembre 2023. Il faut dire que le terrain avait été préparé.

Quand la Russie s’en mêle

Emmanuel Macron, Darmanin, Carenco, Borne,Fort-de-France, RUP, Mayotte
Les signataires de l’appel de Fort-de-France

En effet, le précédent président du CD, Soibahadine Ibrahim Ramadani, avait imaginé un Cadre stratégique de coopération et d’action internationale. Il s’agissait déjà d’ancrer Mayotte dans sa région Canal du Mozambique, et d’œuvrer pour la reconnaissance internationale de Mayotte. C’est ainsi qu’il avait défini un programme d’ouverture de bureaux de coopération et d’action internationale dans les pays du périmètre de la Commission de l’Océan Indien (COI) et avait commencé à nommer des représentants dans les pays voisins, notamment à Madagascar. Bon, ce dernier, Anly Bedja, avait ensuite été nommé directeur de cabinet du recteur de Mayotte, mais le ton était donné.

Si on peut parler d’alignement de planètes, avec une volonté du gouvernement de permettre à ses territoires ultramarins de se mêler de politique étrangère, un autre évènement est venu conforter le processus nous explique un connaisseur du dossier. « L’intervention de l’ambassadeur de la fédération de Russie à Tananarive en charge des relations avec les Comores a exprimé le mois dernier la volonté de la Russie d’aider les Comores a récupérer Mayotte. Ce qui suffit pour craindre une possible déstabilisation de ce côté, a estimé la partie française. »

Et donc à proposer en marge des Assises de la Coopération décentralisée qui se tenaient ce lundi au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, poste occupé désormais par Stéphane Séjourné, la signature de la Convention de partenariat entre le CD976 et l’Etat. Son objectif est de développer leur travail conjoint pour la coopération dans le sud-ouest de l’océan Indien et l’insertion de Mayotte dans son environnement régional. »

Un Comité d’intégration régionale

Les protagonistes autour du ministre et du président du CD

Plusieurs éléments en découlent. Tout d’abord, l’établissement d’un cadre de dialogue entre les services du Quai d’Orsay et ceux du Département, sur un rythme pluriannuel, pour échanges d’information et d’actualités. « Pour ce faire, il sera créé un Comité d’intégration régionale de Mayotte (CIRM), qui regroupe des représentants du Conseil Départemental, du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et du Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer », précise la Convention.

Deuxième point, la concrétisation de la présence de représentants du CD dans les ambassades ou missions diplomatiques françaises de la région : « les premiers représentants seront installés prochainement à Maurice, au Mozambique et à Madagascar ».

Ensuite, les services du Département seront intégrés dans la chaine de diffusion des notes économiques et politiques à caractère non confidentiel, et des échanges auront lieu avec les diplomates en poste dans la région Afrique de l’Est Canal du Mozambique. Il s’agit notamment de former les représentants de la collectivité.

Mayotte assure donc aux côtés de La Réunion la représentation de la France dans les instances régionales, et donc implicitement, au sein de la Commission de l’océan Indien. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent, ce qui privait nos athlètes vainqueurs des compétitions des Jeux des Iles du drapeau tricolore et de l’hymne national.

Le conseil départemental insiste sur la portée de l’acte, « Il s’agit d’un évènement historique pour le territoire de Mayotte. »

Anne Perzo-Lafond

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