Les ravages de la surpopulation carcérale : un détenu en blesse un autre à l’aide d’une cuillère

Un détenu de la prison de Majicavo était jugé ce lundi après-midi en comparution immédiate pour avoir infligé des blessures sur quasi tout le corps à son codétenu. Une affaire qui illustre la problématique de la surpopulation carcérale à Mayotte.

Alors que la deuxième prison de Mayotte n’est encore qu’à l’état de projet, les problématiques liées à la surpopulation carcérale se multiplient à Majicavo. Ce lundi 12 août, dans le courant de l’après-midi, un détenu était en effet jugé pour avoir infligé de multiples blessures sur quasi tout le corps à l’un de ses codétenus le 28 juillet dernier. Ceci étant arrivé après que la victime en question lui a décoché un coup de poing d’une telle violence que cela lui a arraché une dent. S’il s’agissait donc d’une bagarre entre détenus, les auditions ont démontré que le prévenu, un dénommé D., avait frappé en premier. Le motif de l’altercation est resté flou du début à la fin du procès, les versions des deux détenus ne coïncidant pas. La victime prétend que D. l’a frappée parce qu’il avait demandé une cigarette à un 3ème détenu et le prévenu prétend, quant à lui, qu’il souhaitait juste « s’expliquer » avec la victime parce que cette dernière l’empêchait de dormir la nuit à cause de ses nombreuses tentatives de suicide. Il se serait alors énervé et la bagarre aurait été déclenchée.

Surpopulation carcérale à la prison de Majicavo
Le détenu a été jugé ce lundi 12 août au tribunal de Mamoudzou en comparution immédiate

La version de la victime ayant été corroborée par l’un des autres détenus de la cellule (ils sont en ce moment 4 par cellule à Majicavo), c’est celle que le tribunal a retenu. Dans un cas comme dans l’autre, le motif reste futile pour un tel déchaînement de violence. Car, si la victime n’a écopé que de 3 jours d’ITT (un premier certificat médical avait cependant établi 20 jours), l’instruction du dossier a néanmoins révélé que certaines des plaies infligées par une cuillère taillée en pique étaient profondes et que l’une d’elles, reçue à proximité des lombaires, aurait même pu être mortelle. « Comment expliquez-vous un tel déchaînement de violence ? », a demandé la juge Axelle de Laforcade au prévenu. – « Je ne l’explique pas », a répondu sobrement ce dernier.

Deux détenus au profil criminel dans la même cellule

L’instruction du dossier a démontré que les violences avaient été réciproques, mais D. les a faites monter d’un cran en se saisissant d’une arme. Si D. a prétendu lors de son procès que « la cuillère taillée se trouvait déjà dans la cellule à son arrivée », le tribunal est resté dubitatif face à ces propos, en particulier la substitut du procureur, Françoise Toillon. Cette dernière a en effet largement laissé entendre dans son réquisitoire que c’était bien D. qui avait taillé cette cuillère dans le but de pouvoir potentiellement blesser quelqu’un. « Bien sûr, la surpopulation carcérale à Mayotte créé des tensions, mais cela n’explique pas tout. Cela existe aussi ailleurs, même si cela ne va peut-être pas jusqu’à 4 détenus par cellule », a-t-elle déclaré tout en rappelant que « les deux protagonistes ont tous les deux un profil criminel ». Le prévenu doit d’ailleurs être jugé sous peu aux assises pour meurtre et vol avec arme et menaces. Elle a donc requis 1 an de prison ferme.

Mayotte, tribunal,
Durant les mois de juillet et août, les comparutions immédiates s’enchaînent au tribunal de Mamoudzou

Me Maba Dali, l’avocat du prévenu, a justement utilisé cet argument pour tenter de défendre son client. « Je rappelle que les deux mis en cause ne sont pas des anges et qu’ils ont tous les deux un profil criminel », a-t-il déclaré en insistant sur le fait que les violences ont été réciproques. C’est en effet suite au coup de poing qui lui a arraché une dent que le prévenu est « sorti de ses gonds », a saisi la cuillère et s’est acharné sur la victime. Une plaidoirie qui aura peut-être fait infléchir le tribunal qui a revu légèrement à la baisse le réquisitoire de la substitut du procureur, condamnant D. à 8 mois de prison ferme au lieu de l’année complète demandée. Le prévenu devra également indemniser la victime à hauteur de 800 euros et écope d’ une interdiction de porter une arme pendant 3 ans.

N.G

 

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