Assises – Mysticisme et médecine parallèle ne font pas bon ménage

C’est en accompagnant sa tante, alors atteinte d’une maladie, voir un fundi, qu’une jeune femme d’une trentaine d’années a subi une agression sexuelle. L’accusé comparait jusqu’à aujourd’hui devant la cour d’assises de Mamoudzou pour des faits de viol commis en avril 2020.

Les croyances ont malheureusement parfois la vie dure encore de nos jours. Alors qu’elle sortait du travail un vendredi matin pour rentrer chez elle, une trentenaire reçoit un coup de téléphone de sa tante lui demandant de la déposer en voiture pour aller voir une personne qui était de passage à Mayotte pour quelques jours. « J’ai dit à ma tante qu’il fallait d’abord que je me repose et que je l’emmènerai dans l’après-midi », répond la victime quand la présidente du tribunal l’interroge sur le contexte.

Un fundi aux pratiques de marabout

« Nous sommes arrivés vers Tsoundzou ma tante et moi dans un banga. Une fois sur place j’ai compris que c’était un fundi et qu’elle voulait le consulter, explique la victime. Il y avait une autre femme à coté qui servait d’interprète ». Le fundi, originaire d’Anjouan ne parlait pas et était venu en kwassa à Mayotte, en situation irrégulière, pour aller consulter au CHM suite à l’amputation de son bras quelques années auparavant. Il venait ainsi régulièrement dans l’île depuis trois ans.

Lors de leur présence dans le banga, le fundi a fait un rituel avec des tiges de bananier, avec le vent ces dernières se sont tournées en direction de la jeune femme. « J’avais soi-disant des esprits en moi, quelque chose dans mon ventre », raconte-t-elle. Puis il s’est tourné vers sa tante lui demandant d’acheter différents produits pour le rituel afin qu’il puisse la guérir ainsi qu’une centaine d’euros pour la prochaine consultation. La malade devait alors revenir quelques jours plus tard avec les produits en question.

L’accusé comparait à la barre devant la cour d’assises de Mamoudzou

C’est alors deux jours après que les deux femmes retournent voir le fundi. « Il a recommencé ses gestes et m’a demandé si j’étais prête pour faire quelque chose. Je lui ai dit que nous étions là pour ma tante. Il l’a fait s’allonger sur une natte avec à côté d’elle une assiette remplie d’une terre blanche et a déposé des feuilles sur son ventre. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé mais je me suis sentie comme éloignée, j’avais l’impression de ne plus être avec eux, comme inconsciente. Cela a duré plusieurs minutes quand j’ai retrouvé mes esprits, je n’ai pas trop compris ce qu’il m’était arrivé, ma tante était toujours là, déclare la victime. Il voulait me traiter et pour cela il fallait qu’il soit seul avec moi. J’ai besoin que tu t’allonges m’a-t-il dit.

Par la suite, il a soulevé mon t-shirt et a aspergé un liquide sur mon ventre puis il a enlevé mon pantalon tout en continuant de m’asperger de ce liquide. Il a dit que pour me guérir il était obligé de rentrer en moi et de sortir pour enlever quelque chose dans mon ventre. Il y avait des esprits en moi qu’il fallait qu’il traite. Je lui ai dit non, que je n’étais pas d’accord, mais il l’a quand même fait en me disant que j’allais ressentir le vrai plaisir, que je n’aurais plus de problèmes avec mon mari et que cela devait rester entre nous », témoigne la plaignante très émue.

Une tante sous influence ou négligente ?

Puis elle poursuit son récit, « J’étais très mal je n’avais qu’une seule envie c’était de sortir. Ma tante située dans une pièce non loin a demandé si c’était bientôt fini, il a alors remonté son pantalon et je suis sortie en pleurant. J’ai raconté à ma tante ce qu’il s était passé et elle a dit que ce n’était pas normal, qu’on allait régler ça entre nous car elle avait honte. Elle avait peur du fundi, de ses éventuelles représailles ». Une fois rentré chez elle, face à son attitude et sa détresse, son mari lui demande ce qu’il s’est passé.

Devant l’insistance de ce dernier, elle lui raconte tout. D’abord furieux et voulant se venger, celui-ci reprend raison et lui conseille d’aller déposer plainte. « Au début je ne voulais pas pour ne faire de tort à personne. Par la suite je suis allée à l’hôpital pour faire des examens. Cette personne est rentrée en moi, elle m’a détruite. J’ai envie de tourner la page. Je m’en veux car c’est moi qui ai proposé à ma tante de la ramener le dimanche. Je ne lui parle plus car pour moi elle ne m’a pas soutenue ». Concernant son état second, la victime ne l’explique pas. « Je ne comprends pas, il y avait de l’encens, j’ai vu des cafards, j’en ai la phobie. Les rituels, c’est pas mon truc », raconte-t-elle devant la cour.

Le fundi, d’après les déclarations de la victime, avait l’air comme possédé et invoquait les esprits. Parfois il lisait quelques versets du Coran en soufflant sur une assiette remplie d’eau. On apprend également qu’il recevait ainsi trois clients par semaine auxquels il pouvait demander 200 ou 300 euros pour une guérison. Mais il ne restait jamais seul avec eux, il y avait toujours une interprète pour traduire ses incantations.

Les jurés de la cour d’assises rendront leur délibéré ce mardi

Enfin, l’analyse psychologique de la victime révèle que « C’est une personne stable avec l’absence de difficultés particulières, quelqu’un d’équilibré qui vit maintenant avec un sentiment de trahison face au comportement de sa tante qu’elle considérait comme sa mère. Par ailleurs, elle est atteinte d’envahissements psychiques avec des troubles du sommeil, des réminiscences, un sentiment de honte et de culpabilité », selon l’expert psychologue qui l’a examinée.

En ce deuxième et dernier jour d’audience, place sera faite au réquisitoire de l’avocat général ainsi qu’aux plaidoiries de la partie civile et celle de la défense.

Benoît Jaegler

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