Adoption du durcissement du droit du sol sans étude d’impact des mesures de 2018

Des débats houleux, ponctués par les excuses de son rapporteur, l’aggravation de la dérogation de l’accès à la nationalité française aura été accouchée dans la douleur par les députés. La présence régulière des deux parents a été portée de trois mois à trois ans… par erreur.

Des invectives, de très nombreux rappels au règlement, les excuses du député et rapporteur du projet de loi Philippe Gosselin… les débats sur la proposition de loi de durcissement de l’accès au droit du sol furent houleux ce jeudi à l’Assemblée nationale. Présenté par les députés de la Droite Républicaine, elle a été adoptée par 162 voix pour et 93 contre.

Des débats passionnés à la hauteur de l’enjeu, que beaucoup pensent être une première alors que cette brèche dans le droit du sol a été taillé en 2018 par l’amendement de celui qui est alors sénateur, Thani Mohamed Soilihi, porté par la loi Asile Immigration, restreint l’accès à la nationalité de tout enfant dont l’un au moins des parents ne serait pas en situation régulière et continue sur le territoire dans les trois mois avant sa naissance.

Depuis, le porteur de cette évolution n’a eu de cesse de demander une étude d’impact afin d’évaluer sa portée. Le Conseil constitutionnel avait notamment conditionné son application à une communication du changement aux Comores et à cette évaluation.

Les services d’état civil des mairies ont-ils été démarchés pour vérifier que la mention de présence d’un des parents en situation régulière a été apposée ? Nous avions rencontré un couple mécontent de ce barrage à la nationalité pour leur enfant, mais combien sont en réalité concernés par cette évolution ? L’INSEE nous dit qu’en 2023, les trois-quarts des 10.280 enfants nés à Mayotte ont une mère étrangère, « souvent comorienne », soit, 7.710, mais que plus d’un sur deux a au moins un de ses parents français. Mais aucune enquête n’a été menée sur la proportion concernée par cette mesure.

Chute des demandes de naturalisation depuis 2018

Statistiques sur les acquisitions de nationalité à Mayotte

S’il est trop tôt pour connaitre dans les faits l’impact de ce premier durcissement en 2018, les premiers enfants concernés n’ayant 13 ans (âge de la première demande) qu’en 2031, des chiffres avaient été livrés à la demande  de l’ancien député Kamardine. Le nombre de demande de naturalisation française traité par le tribunal judiciaire de Mamoudzou qui était de 3.189 en 2018, a chuté à 1.316 en 2022, avec 2.829 décisions favorables en 2018, contre 799 en 2022. Il y a donc bien eu une chute, mais encore faut-il en étudier la raison.

Des données qui ont manqué pendant les échanges, et on attend impatiemment de voir si les positions seront les mêmes quand il faudra commenter la levée de la territorialisation du titre de séjour qui bloque ses détenteurs sur le territoire.

Désormais donc, deux règles se cumulent à Mayotte avec un durcissement de la seconde. Comme sur l’ensemble du territoire français, les enfants, né en France de parents étrangers qui n’y sont pas nés, peuvent demander la nationalité française sous conditions d’une résidence habituelle de cinq ans depuis l’âge de 8 août 11 ans, soit automatiquement à la majorité, soit par déclaration de nationalité entre 13 et 18 ans. Désormais, à Mayotte, il faudra que les deux parents, et non plus un, soient résidents de manière régulière pendant… trois ans avant sa naissance. Le texte initial prévoyait la durée d’un an, mais une erreur de vote ayant conduit les députés à voter pour un amendement d’Eric Ciotti aggravant la durée, a triplé le délai. Le ministre Darmanin promettait de revenir à un an lors du vote au Sénat.

Anne Perzo-Lafond

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