L’article 10 du projet de loi d’urgence pour Mayotte ne sera pas réintroduit au Sénat

Dès le départ, le ton est donné comme tel : le cyclone Chido qui a frappé l’archipel de Mayotte le 14 décembre 2024, constitue « la plus grande crise de sécurité civile depuis la Seconde Guerre mondiale », rappelle la Présidente de la commission des Affaires économiques, Dominique Estrosi Sassone. Le dernier bilan victimaire -encore provisoire- du ministère de l’Intérieur fait état de 39 décès et plus de 4.000 blessés. Les dégâts causés par le cyclone ont gravement compromis le fonctionnement des institutions de l’île, conduisant à la déclaration d’un état de calamité naturelle exceptionnelle le 18 décembre 2024 et à la construction d’une loi d’urgence pour la reconstruction de l’archipel, ravagé à près de 80% par le cyclone.

LFI, NPF, Mayotte
À Mayotte, plus d’un habitant sur trois vit dans un bidonville

En déplacement sur l’archipel de vendredi 24 au lundi 27 janvier dernier, la sénatrice et rapporteur sur le projet de loi d’urgence pour Mayotte au Sénat, Micheline Jacques, a rappelé que la priorité est à la reconstruction et au soutien de la population : « L’objectif c’est pour Mayotte et avec les Mahorais », a-t-elle défendu à son retour à Paris. Le cyclone Chido a fait voler en éclats des fragilités structurelles du territoire qui existaient bien avant le passage de Chido, où les besoins vitaux de la population n’étaient pas assurés, à commencer par l’accès à l’eau. « Le sentiment d’abandon et de défiance dans lequel se trouve la population mahoraise est aussi lié à l’abandon de l’Etat avec des difficultés structurelles qui remontent des années en arrière et qui n’avaient pas été résolues. Cette catastrophe naturelle a renforcé et exacerbé ce sentiment au sein de la population », a résumé la Présidente de la commission des Affaires économiques. Alors que le coût total des réparations pourrait s’élever à près de deux milliards d’euros, la situation du 101ème département français est plus que critique, structurellement dégradée en matière de logements et d’accès aux services publics.

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Supprimé du projet de loi en première lecture par l’Assemblée, l’article 10 du texte avait suscité de vives émotions. « Personne n’imagine que, dans l’Hexagone, une catastrophe climatique puisse justifier l’expropriation de la population ; il doit en être de même pour nos concitoyens mahorais », avait souligné Mathilde Hignet, députée de La France Insoumise

Dans ce contexte, Micheline Jacques, rapporteur, Isabelle Florennes et Christine Bonfanti-Dossat, rapporteurs pour avis, ont présenté à la presse leurs conclusions à la suite de l’examen en commission du projet de loi d’urgence pour Mayotte, pour expliquer comment le Sénat examine ce texte et quels en sont ses apports. La sénatrice Micheline Jacques a rappelé cinq aspects que nous mentionnions dans une interview exclusive sur lesquels la rapporteur avait souhaité « aller plus loin » que le texte proposé par l’Assemblée nationale. Ces points concernent d’une part, l’intégration des intercommunalités de communes dans le conseil d’administration de l’Établissement public dédié à la reconstruction de Mayotte, d’autre part, le rôle confié au Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) dans l’examen des décisions de cet Établissement, mais également, la création d’un comité technique pour l’accompagnement de ces travaux composé d’experts du bâtiment, « l’équilibre » souhaité au sujet de l’article 3 du projet de loi concernant les bâtiments modulaires, aussi appelés « préfabriqués » pouvant servir de bureaux ou de salles de classe, ainsi que la problématique du foncier où tous les bâtiments réguliers construits avant l’application du code de l’urbanisme sur le territoire depuis le 1er juin 2023 pourraient être régularisés, et enfin, la suppression de l’article 10 du projet de loi qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter des règles relatives à l’expropriation pour « cause d’utilité publique », également retiré du projet par l’Assemblée nationale, où la Commission des lois a confirmé que l’article 10 ne sera pas réintroduit au Sénat. « Même si nous partagions l’idée initiale du texte pour intervenir de façon urgente sur le foncier, nous avons aussi entendu les craintes », a déclaré Isabelle Florennes. « Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, il faut reconstruire mieux en adaptant les outils aux réalités de Mayotte », a conclu Micheline Jacques.

Après la question de la reconstruction du territoire de Mayotte, suite à l’examen de ce texte en séance publique le 3 février prochain au Sénat, viendra un troisième chantier législatif, celui de « refonder Mayotte », tel qu’évoqué par le ministre des Outre-Mer, à travers la loi de programmation structurelle qui abordera des sujets relatifs aux inégalités sociales, à l’immigration clandestine et à l’habitat illégal sur l’archipel de Mayotte.

Mathilde Hangard

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