Fatihou Ibrahime, c’est celui qui a porté en grande partie ce mouvement sur la rédaction de la Plateforme de revendications qui est actuellement la base de travail avec le préfet-délégué et les experts qui l’accompagnent. C’est aussi lui qui a tenu les deux discours contradictoires diffusés sur Mayotte la 1ère TV aux soir et lendemain de la visite de la ministre des outre-mer, qu’il expliquait ensuite par une mauvaise compréhension de ses paroles.
Il livrait ce samedi soir ses émotions, dans une sorte de billet d’humeur* aux médias, pour expliquer la situation actuelle : une première prise de contact qu’il jugeait décevante avec le préfet-délégué Dominique Sorain, et un dilemme, qu’on sent sous-jacent, face à l’épuisement du territoire et des leaders, faut-il aller dans le sens de l’émissaire du gouvernement et entrer dans le système du politiquement correct.
Une interrogation mal posée, et un blocage qui promet de se reproduire lors de la nouvelle rencontre ce dimanche si personne n’évolue.
D’un côté un langage « politique », et les médias ont pu s’en rendre compte à lors de la conférence de presse de Dominique Sorain où ils n’eurent pas grand chose « à se mettre sous la dent », à peine adouci par un accent du sud-ouest, là où les Mahorais attendent un parler vrai, une empathie, comme avait su en faire preuve Annick Girardin, et des solutions à la hauteur des annonces.
Où est passée la promesse d’une suspension d’un mois ?
De l’autre, une exigence de passer du rien à tout, de zéro à 101 mesures, alors qu’il s’agissait de sécurité au lancement du mouvement. Leurs organisateurs ont déjà beaucoup obtenu : un changement quasiment radical de l’image de Mayotte en métropole grâce à leurs arguments chiffrés d’un sous-investissement de l’Etat, et à la reconnaissance par Annick Girardin des manquements des gouvernements précédents, l’envoi d’une délégation autrement plus sérieuse que celle installée par Annick Girardin. Tout est prêt pour avancer, et on se souvient de la première promesse d’une suspension d’un mois des barrages en attendant que le travail soir réalisé, avec reprise, qu’on espère sous une autre forme, à l’échéance, pour toucher ceux qui sont indexés par les manifestants, l’Etat et les élus.
Au lieu de quoi, on prend contact, on maintient des barrages en asphyxiant l’économie et les malades, en empêchant des fidèles chrétiens de Combani de se rendre à la veillée pascale ce samedi en raison d’un double blocage, comme cela nous a été rapporté, quand les autres ont dû franchir les barrages à pied, tard dans la nuit. On s’en prend en fait aux plus faibles, pas étonnant que la pression soit difficilement supportable pour Fatihou Ibrahime. Puisque cette méthode est inefficace et néfaste, il faut en changer.
Si chacune des parties ne revoit pas sa position, la discussion va se durcir, et du mieux obtenu pourrait jaillir le pire, de l’envoi des forces de l’ordre pour libérer les routes, à la réflexion menée à Paris d’une Communauté de l’archipel des Comores », qu’on espère n’être qu’un argument de pression…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* « DÉCLARATIONS AUX MÉDIAS – 1ER AVRIL 2018
POINT SUR LA GRÈVE GÉNÉRALE POUR NOS DROITS À MAYOTTE
À l’attention de mes frères et sœurs Mahorais.
Après notre discussion avec le Délégué du gouvernement ce samedi 31 mars, malgré la fatigue, je ne trouve pas le sommeil. Je suis bouleversé par les discussions que nous venons d’avoir avec M. le Délégué du gouvernement.
J’en ai marre d’entendre toujours les mêmes « conneries ».
Je suis fatigué d’aller et venir à Mamoudzou sans rien de concret et cela me coûte cher en carburant pour rien au final.
Je refuse d’entrer dans le système du politiquement correct dans lequel on veut me faire entrer contre mon gré.
Je refuse de devenir celui qui comme les autres, tente à chaque fois de noyer le poisson face aux regards parfois inquisiteurs mais oh combien justifiés, de ceux qui sont tout autant fatigués (si ce n’est plus) mais qui ont besoin que les choses changent réellement à Mayotte.
Ce n’est pas moi cela. J’aime la vérité. J’aime la franchise. J’aime la transparence. J’aime pouvoir apporter de vrais réponses aux gens quand cela est possible. Quand ce n’est pas possible, j’aimerais pouvoir à chaque fois le leur dire et le leur expliquer.
Je suis direct. Je dis les choses. Parfois cela aide, d’autres fois un peu moins. Mais cela a le mérite de la clarté, de l’économie du temps. Le temps. Le temps qui passe trop vite en ce monde. Ce monde, trop compliqué pour nous autres. Ce monde que certains rendent encore plus complexe en ne disant pas les choses clairement. Ce qui nous fait encore perdre davantage de temps. Ce temps qui, pourtant, nous manque tant.
Puis-je jouer à cela ? Je ne le crois pas. Les Mahorais-es ne sont pas bêtes. Pas plus que les autres. Il faut leur expliquer tout simplement. Leur expliquer nos choix, par nos arguments et notre raisonnement.
Alors je vais préférer rester fidèle à cette ligne de conduite qui est la mienne. Celle de la transparence et de la clarté.
J’y ai mis de ma personne dans ce combat pour nos droits.
Nous avons laissé du temps mais on continue à se moquer de nous.
Demain il y a intérêt à ce que nos négociations avec le Délégué du gouvernement aboutissent, sinon je romps avec le silence de ces derniers jours et je dis tout, comme je le pense. Advienne que pourra car trop c’est trop. »
Salutations,
Fatihou