Un quartier de Bandraboua sinistré par une vendetta sauvage

Les agressions entre les deux villages de la même commune, Dzoumogné et Bandraboua, sont parties d’un match de foot ce dimanche. Mais n’importe quel prétexte aurait été le bon à ce besoin de violences pratiqué par les jeunes comme un jeu, et qui n’ont aucune pitié quand ils se retrouvent en bandes. L’absence de repères et de valeurs doit être au centre des préoccupations des acteurs de la prévention.

C’est une nuit que les habitants de Bandraboua n’envisageaient pas, même dans leurs pires cauchemars rapportent-ils. Le quartier Hamidouni a été littéralement balayé par une horde sauvage brûlant et pillant sur son passage ce lundi soir.

Le président de l’UDAF Ali Nizary qui habite le quartier a frôlé le pire, nous explique-t-il. « J’étais dans la maison avec nos enfants quand vers 19h30 une bande de jeunes et de moins jeunes a envahi le voisinage. Ils ont commencé à mettre le feu à une des maisons proches de la nôtre. Je me suis enfermé avec mes enfants âgés de 6 à 13 ans, mais ils ont essayé de rentrer de force avec des outils pour arracher les fermetures. J’entendais des cris, j’ai cru qu’on allait mourir. J’ai envoyé un message à mon frère qui est venu avec des amis pour nous chercher en faisant fuir les agresseurs. » Il a pu quitter sa maison, « quand la gendarmerie est arrivée 30 minutes après, le mal était déjà fait. On sentait que l’action avait été préparée, ils étaient déterminés, ils ont commencé à brûler dès qu’ils sont arrivés. Plusieurs personnes ont été blessées, mon voisin a reçu un caillou sur la tête et deux femmes sont tombées. »

L’intérieur d’une maison incendiée et pillée

Il nous explique qu’il s’agit d’un quartier habituellement paisible, situé à gauche en arrivant à Bandraboua, « où sont construites des maisons en dur et des cases en tôle. »

Les agresseurs sont repartis avec un butin divers, rapporte-t-il encore, « dans des maisons, ce sont des télés qui ont été volées, dans d’autres, des ordinateurs, dans d’autres encore des bouteilles de gaz, ou des denrées alimentaires. »

L’information circulait

Il craint la poursuite des actions qui ont commencé la veille, dans la nuit de dimanche à lundi, « en tant que président de l’Union Départementale des Associations familiales, j’ai visité les familles. Certaines d’entre elles me disent qu’elles avaient entendu que les voyous allaient revenir ce lundi soir, mais que personne n’y croyait vraiment. Et ça a duré jusqu’à 3 heures du matin ! ».

Les habitants ont l’intention de déposer plainte individuellement, rapporte Ali Nizary, « nous avons demandé à tous de le faire ».

Ce qui a tout d’une vendetta, trouverait ses origine ce dimanche, nous rapporte Harsani Toumbou, 1er adjoint au maire de Bandraboua, qui a passé sa soirée de lundi et son mardi matin avec les victimes. « Ça a commencé dimanche lors du match de foot entre les jeunes de Dzoumogné et de Bandraboua, j’y ai assisté. A l’issue, 3 jeunes de Bandraboua ont jeté des pierres vers ceux de Dzoumogné. Je les ai raisonnés, et nous avons été plusieurs adultes à ramener les jeunes de Dzoumogné (le village voisin et appartenant à la commune, ndlr) chez eux vers 17h. Mais dès dimanche soir, des jeunes de ce village ont fait irruption dans Bandraboua, sans rien dégrader. Et ce lundi soir, ce furent des scènes de cauchemar, j’ai d’ailleurs aidé à extirper Ali Nizary de chez lui. Une cinquantaine de jeunes est arrivée des hauteurs de Dzoumogne et a attaqué le quartier Hamidouni, en brûlant les cases en tôle comme les maisons en dur, et en prenant ce qu’il y avait à l’intérieur. »

Le maire Fahardine Ahamada accueillait en mairie le général Barth (au centre) et le commandant Le Bizec

Il analyse l’action des forces de l’ordre comme « compliquée », « il faisait nuit et la zone est difficile d’accès. Les jeunes ont commencé un jeu du chat et de la souris ». Et décrit une organisation quasiment guerrière : « Un premier groupe est allé brûler et piller, pendant qu’environ 150 étaient positionnés en base arrière si jamais la gendarmerie intervenait dans le dos des premiers. »

Pas de vision adulte au-delà de la vengeance

Bien que connaissant les jeunes de la commune dont font partie ces deux villages, il explique que les visages ce soir-là étaient inconnus, « ils sortent de nulle part, une conseillère municipale nous expliquait ne les avoir jamais vus à Dzoumogné ».

Une information qu’ils ont essayé de matraquer pour éviter toutes représailles de la part de Bandraboua, « nous avons entendu des jeunes en parler. Nous leur expliquons que cela ne va faire qu’empirer les choses, mais dans ces situations, nous les élus, nous ne sommes pas audibles. Ils ne comprennent pas qu’en République, il y a des lois à respecter, les gens sont excédés et considèrent que nous ne faisons rien pour les écouter. Dans ces cas-là, que leur action soit illégale ou pas, ils s’en fichent ».

Les jeunes passent à chaque fois par les hauteurs entre deux villages

Les élus, dont le maire Fahardine Ahamada tout juste rentré de métropole, ont contacté le commandant de la brigade de Koungou, Olivier Le Bizec, fraichement nommé, pour une rencontre à la mairie de Bandraboua ce mardi à 15h, en présence du commandant de gendarmerie de Mayotte, le général Lucien Barth. Ils ont en priorité assuré les élus d’une forte présence des forces de l’ordre ce mardi soir dans la commune, mais en sortant à 17h, les représailles avaient commencé. « Des jeunes de Bandraboua sont déjà partis à Dzoumogne pour se venger et mettre le feu. C’est très tendu, c’est un peu la panique ici », lâche le 1er adjoint au maire, qui rajoutait comme on s’accroche à une bouée de secours que le général Barth était toujours dans le village en fin de journée.

Anne Perzo-Lafond

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