Des feuilles de bissap dans les mains, Soifia, Koulthoume et Hadiyana, collégiennes en 4ème au collège de Passamaïnty, sont fières de faire découvrir le jardin mahorais de l’établissement et ses plantes aux élèves de 6ème, en cette journée mondiale de l’environnement. « On a créé nous même notre jardin pédagogique », explique Soifia, qui est inscrite dans une classe avec option biodiversité, « il y a des plantes comestibles et des plantes médicinales. Le bissap sert par exemple à arrêter les maux de tête et à soulager les règles pour les filles quand elles ont mal au ventre. On y trouve aussi des papayes, de la pastèque, du riz paddy. On donne aux groupes d’élèves des « sachets trésors » avec des feuilles comestibles par exemple ».
Chido un accélérateur de conscience écologique
Chaque année le collège Ouvoimoja organise une matinée spéciale dédiée à la sensibilisation des nouveaux collégiens aux enjeux écologiques. Ce 5 juin, à travers 26 stands, dont ce jardin mahorais, les jeunes élèves ont pu apprendre l’importance de protéger leur territoire face à l’Homme et à la pollution, mais aussi face aux aléas naturels. Le cyclone Chido a été un accélérateur dans leur prise de conscience écologique, tous reconnaissent davantage l’importance d’une telle journée.
« Chido a détruit notre jardin on était tristes mais désormais on est encore plus motivées pour le reconstruire ! », confie Hadiyana, « on veut montrer aux 6ème qu’il faut prendre soin de la nature et planter beaucoup d’espèces différentes. C’est important de transmettre cela car les arbres et les plantes nous donnent de l’oxygène, à manger et nous protègent ».
Juste à côté, Mouhamadi, Kamila et Yousra, s’occupent du stand dédié aux abeilles. La ruche pédagogique (la première à Mayotte) de plusieurs mètres de hauteur permet aux élèves d’observer les insectes sans se faire piquer. Elle aussi a dû être reconstruite après Chido, et les élèves sont heureux de retrouver une colonie dans leur établissement. « Avant Chido les abeilles étaient sauvages, et donc difficiles à apprivoiser, désormais elles sont traumatisées et donc plus vulnérables et c’est pour ça qu’il faut encore plus les protéger », remarque Mouhamadi, véritable expert en la matière. « Sans les abeilles il n’y aurait pas de boissons, de fruits, de bonbons, de sucreries, il faut les sauver et on sensibilise les élèves pour leur montrer qu’il ne faut pas les tuer, même s’ils en ont peur ».
« L’eau va revenir ? Les animaux vont survivre ? »
Sous le préau de la cour de récréation, l’association les Naturalistes de Mayotte et leur Village Nature Nomade, ont mis en place 6 stands différents sur la biodiversité, la naissance de l’île, l’eau et la santé, l’érosion des sols ou encore le littoral avec son rôle de barrière naturelle.
« Les élèves parlent beaucoup de l’eau, ils se demandent si elle va revenir comme avant le cyclone », relève Malide Mouhamadi, coordinateur et animateur chez les Naturalistes de Mayotte. « On leur explique qu’il y a moins d’infiltration dans le sol puisqu’il y a moins d’arbres qu’avant et que donc l’eau reste moins longtemps dans les rivières. Vu que ce sont des jeunes qui aiment bien se baigner dans les petits lacs et les points d’eau, ils sont inquiets, ils se posent des questions ».
« De mon côté les questions s’orientent autour de la forêt, est ce que les animaux reviendront comme avant, est ce que les animaux pourront survivre ? Qu’est ce qu’on prépare pour le reboisement de la forêt, est ce qu’on va laisser la végétation prendre le dessus où on va faire des plantations ? », note Soiyffoudine Nassim, médiateur environnemental également au sein l’association.
« Il faut un discours positif et proposer des solutions aux défis, il ne faut pas alarmer et tomber dans un discours de fin du monde. On appuie sur la conservation de ce qui existe, de ce qui renaît et sur l’importance d’éviter la culture sur brûlis et la coupe des arbres », continue Malide Mouhamadi. « Ils comprennent depuis Chido que le niveau de la mer augmente, qu’il y a des risques naturels de plus en plus intenses car on a moins de barrières naturelles qui nous protègent. Ils sont inquiets mais ça leur donne l’envie de mieux connaître leur territoire et de le protéger de plus en plus », analyse Sandati Saindou, qui gère le stand sur la naissance de Mayotte.
Des éco-délégués fiers de porter l’environnement
D’autres ateliers ont été menés dans les différentes salles de l’établissement, comme la réalisation d’une carte de Mayotte qui représente les forêts, les plages, les habitations, les sommets…, dans un concours de rapidité, ou bien encore l’élaboration d’un mur d’engagement où sont notées les idées pour la planète. Plusieurs documentaires ont également été retransmis ainsi que des diaporamas sur les écosystèmes, comme le lagon.
Le 18 juin prochain, l’établissement recevra tous les éco-délégués des collèges de Mayotte le temps d’une journée pour à nouveau sensibiliser les élèves. Elus dans chaque classe les éco-délégués participent à des missions liées à l’environnement, ils mettent en place des journées de nettoyage et de sensibilisation dans les classes. « J’ai choisi d’être éco-délégué car j’aime Mayotte et je veux protéger mon île, son environnement et toutes les espèces qui y vivent », confie Omar. « J’ai pris conscience après Chido de l’importance de notre environnement car on manquait de nourriture, et les animaux aussi. Quand j’ai aidé les autres à reconstruire leurs maisons et à ramasser les déchets, j’ai vu les dégâts et la nature peut les diminuer ». Le jeune homme est très intéressé pour travailler sur la protection du lagon après ses études.
« Moi ça me donne envie de faire des vidéos sur Mayotte où j’explique les enjeux aux autres, de montrer que c’est important de protéger la nature, les arbres », insiste Dania, elle aussi éco-déléguée.
Une volonté de défendre la nature mahoraise qui s’exporte au-delà du département. Ce 8 juin, plusieurs élèves des collèges de Mayotte, dont deux de Passamaïnty, participeront à la 3ème conférence des Nations Unies sur l’Océan qui débute à Nice.
Victor Diwisch
