Durcissement de la justice des mineurs : un pas de plus vers sa déclinaison

Le texte de Gabriel Attal sur les sanctions contre les mineurs délinquants et leurs parents avait été malmené au Sénat illustrant les enjeux en place. La Commission Mixte paritaire en avait rétabli la logique, avant son adoption ce lundi au Sénat. Reste encore à obtenir l’aval du conseil constitutionnel.

L’année 2025 commençait avec un meurtre particulièrement atroce, Elias, âgé de 14 ans, était poignardé en janvier à Paris par deux jeunes de 16 et 17 ans qui en voulaient à son téléphone portable. L’un d’eux avait fait l’objet d’une mesure éducative judiciaire un an auparavant, et tous deux avaient déjà été présentés à la justice pour des faits de vol avec violence, avec interdiction d’entrer en contact l’un et l’autre. Une mesure fréquemment ordonnée mais qui peine à être respectée.

Le drame avait incité l’ancien premier ministre et désormais député, Gabriel Attal, à rédiger une proposition de loi pour renforcer l’autorité de la justice à l’égard des jeunes délinquants. Nous avions rapporté les principaux points de ce texte présenté à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les élus du Palais du Luxembourg avaient rétabli les éléments d’origine pour coller à la volonté politique de Gabriel Attal, après qu’ils aient été écartés en commission.

Ce qui illustrait les enjeux, entre ceux qui estiment, comme l’actuel ministre de la Justice Gérald Darmanin, que « La justice des mineurs ne peut pas être celle des majeurs, mais les mineurs d’aujourd’hui ne sont pas ceux de 1945 », en référence à l’année de publication de l’ordonnance sur la jeunesse délinquante, et ceux comme le rapporteur du texte LR, le célèbre avocat Francis Szpiner, qui juge que les outils pour venir à bout de la délinquance juvénile existent, mais sont sous-utilisés, avec une Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) sous-dotée. Il avait partiellement vidé la proposition de loi de sa substance en commission, en permettant la suppression de la sanction civile contre les parents absents aux convocations judiciaires, ainsi que la levée exceptionnelle de l’excuse de minorité pour les faits les plus graves, « ils sont déjà jugés dans ce cas en cour d’Assises comme les adultes », plaidait-il.

La responsabilité des parents engagée même en l’absence de vie commune

Le budget de la PJJ est insuffisant pour accompagner efficacement les mineurs. Ici, la PJJ de Mayotte visitée par l’ancien Garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti

En séance publique, les sénateurs avaient donc rétabli l’ensemble des mesures, en mars dernier, qui avaient été validées ensuite par la Commission mixte paritaire, où siègent 7 députés et 7 sénateurs, notamment sur les sanctions de parents défaillants. Lorsqu’ils n’assument pas leurs obligations légales envers leurs enfants mineurs en termes de « santé, sécurité, moralité ou éducation » et que cela incite l’enfant à commettre un délit, ils pourront être condamnés à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. Idem en cas de non versement de pension ou de non-respect de l’obligation de scolarisation.

Les parents seront aussi obligés de répondre aux convocations aux audiences et de se rendre aux auditions du juge des enfants lors d’une mesure d’assistance éducative, et leur responsabilité civile est durcie en cas de dommages causés par leurs enfants. Fait important pour Mayotte, la condition de cohabitation du parent avec l’enfant est supprimée dans la loi : la responsabilité d’un parent pourra désormais être engagée même s’il ne vit pas avec son enfant, dès lors qu’il exerce conjointement avec l’autre parent l’autorité parentale, sauf pour les enfants placés dans un établissement spécialisé. De quoi refroidir le système de « confiage » d’un enfant par les parents, à un proche qui peut vite s’avérer débordé, laissant l’enfant en errance.

« Des failles dans le système »… y compris sur les outils existants

Pour Salama Ramia, le besoin est grand d’une « évolution de la justice pénale des mineurs »

La loi sera également durcie pour les jeunes de plus de 16 ans connus de la justice (pour une mesure éducative, de sûreté, une condamnation…) et pour lesquels un placement en détention provisoire est demandé par le procureur. La comparution immédiate sera possible en cas d’infractions graves (punies de plus de 3 ans de prison). Sur l’excuse de minorité qui atténue la peine prononcée pour un mineur, elle renverse la logique actuelle et ne deviendrait plus la norme pour les mineurs de 16 à 18 ans auteur d’un délit puni d’une peine de plus de 5 ans d’emprisonnement, puisque son application devra être motivée par le juge.

N’a pas été retenue en CMP la possibilité pour le tribunal pour enfants de prononcer des peines d’emprisonnement ferme de moins d’un mois.

Représentant le gouvernement au Sénat ce 19 mai pour défendre les amendements du gouvernement, Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, cette proposition de loi issue de la CMP est un texte de « responsabilité », « l’autorité parentale rassemble aussi des devoirs », et permet de « prévenir des dérives »en soulignant que « l’affaire Elias a révélé des failles dans notre système ».

Au cours des débats, les opposants au texte soulignaient le déficit des moyens dans les outils déjà existants qui ne permet pas d’accompagner les mineurs efficacement.

Désormais définitivement adoptée au Parlement ce lundi soir, la loi aura une dernière étape à franchir, celle du conseil constitutionnel, plusieurs parlementaires l’ayant saisi.

A.P-L.

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