Le long de la route, à la vue de tous, les imposants tas de déchets entreposés sur le terre-plein de Mtsapéré sont devenus le symbole des difficultés de la gestion des ordures après le passage de Chido. Quatre mois après la catastrophe, les détritus sont toujours là et la situation risque même de se dégrader alors que le budget dédié à leur gestion s’épuise du côté du Syndicat Intercommunal d’Elimination et de Valorisation des Déchets de Mayotte (Sidevam) et des collectivités. Une problématique qui est d’autant plus préoccupante car les amoncellements de déchets créent des zones d’eau stagnante ce qui participe à la prolifération de moustiques, alors que l’île craint une épidémie de chikungunya comme à La Réunion.

Trop de déchets, pas assez de moyens
C’est dans ce contexte que le ministre des Outre-Mer, Manuel Valls, s’est entretenu aux abords du terre-plein avec les représentants du SIDEVAM mais aussi de la CADEMA, afin de répondre à leurs inquiétudes face à une situation qui commence à leur échapper. « On a trop de déchets à récupérer mais pas assez de moyens« , résume auprès du ministre, Chanoor Cassam, directeur général des services au SIDEVAM.
Chido a engendré 6.000 tonnes de déchets, sur ce total 3.000 tonnes sont en train d’être acheminées sur le site d’Hajangua pour être brûlées, tandis que les 3.000 autres sont en. cours de dépôt au centre d’enfouissement de déchets de Dzoumogné. Un travail colossal, qui s’ajoute au traitement des 400 tonnes de déchets produits chaque jour à Mayotte.
« Le problème c’est que les entreprises qui travaillent avec nous ne sont pas payées depuis quatre mois faute de budget », complète Issoufa Mohamed Mroudjae, vice-président du SIDEVAM. « On commence à entendre les menaces d’arrêt de travail et on les comprend. Ces entreprises emploient des gens qui sont aussi touchés par le cyclone et qui ont besoin d’être payés« .
« L’argent va arriver, l’argent sera là ! »
« Je comprends les difficultés des entreprises, elles sont face à un défi, mais on est dans une phase de transition et il faut qu’elles jouent le jeu. L’argent va arriver, l’argent sera là« , a indiqué Manuel Valls, qui a appelé à rassembler tous les acteurs lors d’une réunion qui se tiendra vendredi matin.

« Le syndicat doit dédier six millions d’euros, en plus des dépenses habituelles, pour gérer les déchets engendrés par Chido. Ce montant est de quatre millions pour les communes et de 5 millions pour la CADEMA, soit quinze à seize millions d’euros au total », détaille Chanoor Cassam. « Depuis le début on a un accord avec l’Etat pour obtenir une aide financière mais il souhaite passer par des fonds européens, et ça prend du temps dans les délais. En attendant que l’Europe débloque les fonds, on demande à l’Etat d’avancer cette aide, même à hauteur de 25%, soit vingt millions d’euros, c’est largement suffisant pour nous aider ».
La deuxième phase de traitement a du mal à débuter
Une aide qui est primordiale pour continuer les différentes phases de traitement des déchets. Depuis quatre mois le travail du Sidevam et des collectivités s’est concentré sur la gestion des ordures ménagères, une priorité pour diminuer les risques sanitaires et la prolifération des moustiques. Désormais tous espèrent enfin entamer la deuxième phase en transformant les zones tampon en sites pouvant accueillir les éco organismes, c’est à dire, des structures agréées par l’Etat qui ont pour mission de gérer la fin de vie de certains produits, comme les emballages, les meubles, ou bien la ferraille, et qui feront elle même le tri. Une transition difficile et inégale en fonction de la situation propre à chaque site. La troisième phase qui sera la dernière sera dédiée à la dépollution des sites.

Une fois ces sites dépollués, pour permettre une gestion durable des déchets, le Sidevam espère l’ouverture de cinq déchèteries fixes dans les cinq intercommunalités de Mayotte. Pour le moment seule celle de Malamani à Chirongui, inaugurée fin 2024 est opérationnelle.
« En tout cas ça avance, c’est important pour les questions sanitaires et pour le paysage, merci d’avoir détaillé le programme« , a conclu Manuel Valls, en regardant une dernière fois les déchets avant de rejoindre sa voiture pour se rendre à Passamaïnty et à Combani pour la suite de sa visite officielle.
« Dans la situation actuelle il n’y a pas de place pour les discours démagogues. Les difficultés sont là et ce qui serait le plus adapté c’est de montrer que les solutions existent », confie Issoufa Mohamed Mroudjae, alors que le cortège du ministre s’en va dans un nuage de poussière.
Victor Diwisch