Grève générale à Mayotte : un cri d’alarme quatre mois après Chido

Ce mardi 8 avril 2025, Mayotte entre dans une grève générale illimitée. Fonctionnaires et enseignants réclament des réformes urgentes face à des conditions de travail difficiles et une crise sociale persistante.

Ce mardi 8 avril 2025, une grève générale illimitée a éclaté à Mayotte, rassemblant fonctionnaires, enseignants et agents hospitaliers, tous unis par un même constat : les conditions de vie et de travail sur l’île sont extrêmement difficiles. Le département étant embrigadé dans des crises successives, parfois chroniques, comme la crise de l’eau. Dans un climat social tendu, quatre mois après le passage du cyclone Chido, les grévistes dénoncent l’inefficacité des réformes promises par le gouvernement pour reconstruire l’archipel après cette catastrophe et exigent des mesures concrètes pour améliorer la vie des habitants sur l’île.

L’indexation au coeur des revendications 

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Depuis plusieurs années, les collectivités recourent aux agents contractuels pour répondre à leurs besoins, mais cette pratique engendre parfois des emplois précaires, sans perspective de carrière, créant ainsi une insécurité professionnelle pour ces agents.

Au cœur des revendications des grévistes se trouve une revalorisation des salaires. Malidi Bouéni Boura, professeure de lettres modernes au collège de Koungou, déclare : « Ce n’est pas une grève pour l’éducation nationale, mais pour la fonction publique dans son ensemble. On se bat pour une revalorisation des salaires pour tous les agents et pour une justice sociale« . L’enseignante, syndiquée au sein du SNES-FSU, dénonce l’écart grandissant entre Mayotte et les autres départements français, où les fonctionnaires bénéficient de meilleures conditions de travail et d’un système de rémunération plus attractif.

« À La Réunion, la qualité de vie est meilleure, l’insécurité est moins forte et les salaires sont mieux indexés. Tous nos collègues veulent y aller« , poursuit-elle en mettant l’accent sur l’indexation salariale plus avantageuse sur l’île aux volcans. Par ailleurs, la professeure insiste sur la nécessité de stabiliser les titulaires de la fonction publique pour éviter la fuite des talents : « On refuse de sacrifier l’avenir de nos enfants. Ce n’est plus possible de continuer ainsi« , explique-t-elle en dénonçant des salles de classe surchargées à plus de trente élèves, des écarts de niveaux gigantesques entre les élèves et un taux d’analphabétisme particulièrement important chez certains jeunes.

Les revendications des enseignants ne sont pas en reste. Valentin Moustard, professeur d’Éducation Physique et Sportive à Kawéni 1 et membre du Syndicat National de l’Éducation Physique (SNEP), dénonce un problème majeur : le logement. « Quand les enseignants sont mutés ici, il n’y a qu’une seule question en tête, c’est celle du logement. La vie en colocation, c’est la norme mais c’est surtout qu’on n’a pas d’autres choix. » Pour soutenir financièrement le personnel éducatif, le Rectorat met en place des indemnités de logement, mais celles-ci semblent insuffisantes d’après les enseignants. « Ce système ne règle rien. Il faudrait quelque chose qui ressemble à ce qui existe pour les militaires ou les gendarmes, afin que nous puissions nous loger correctement« , plaide-t-il.

Une situation « désastreuse » à l’hôpital

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Les soignants du Centre Hospitalier de Mayotte dénoncent des conditions de travail très difficiles, mais les médias ont du mal à obtenir des informations, car d’après ce qui nous a été rapporté, les soignants ont interdiction de s’adresser directement à la presse.

Les travailleurs hospitaliers réclament également des conditions de travail améliorées et des infrastructures dignes de ce nom. Mariama Said, infirmière au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) et syndicaliste à la CFDT, explique : « On demande plus de reconnaissance pour les travailleurs hospitaliers, avec notamment l’indexation des salaires à 75%. » La soignante déplore une situation « désastreuse » de l’hôpital, où « les locaux ne sont pas reconstruits aux normes, on travaille dans des algécos avec de la moisissure, et les blocs opératoires sont infectés. » Elle appelle à la construction immédiate d’un second hôpital pour répondre aux besoins urgents de la population.

Mais ce n’est pas tout : les conditions de travail des agents de santé sont également pointées du doigt. « Le service maternité est débordé, il n’y a pas assez de sages-femmes, des mamans sont décédées, des bébés également« , indique l’infirmière. Cependant, la direction du Centre hospitalier de Mayotte, contactée à ce sujet, mardi 8 avril, n’a pas confirmé ces informations. D’après le CHM, « aucun décès lors des accouchements » n’aurait été recensé par la coordination des sages-femmes de l’hôpital, précisant néanmoins qu’en raison du manque de suivi médical des parturientes en situation irrégulière, des complications graves peuvent parfois survenir, sans toutefois livrer plus de détails.

Alors que Manuel Valls est à Mayotte pour deux jours, cette grève de la fonction publique se poursuit et le message est clair : la population en a assez des promesses non tenues. L’inaction face aux problèmes persistants de l’île, notamment en matière d’éducation et de santé, pourrait entraîner des conséquences dramatiques pour son avenir et notamment, celui de la jeunesse du département.

Mathilde Hangard

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