Imaginez une entreprise de Koungou où les employés travaillent sans contrat, où la comptabilité est un mystère et où le patron est plus souvent à La Réunion qu’à Mayotte. Un vrai bourbier… pourtant bien réel. Intercar, une société de transport, est accusée d’avoir employé des travailleurs sans les déclarer, sans les payer correctement et parfois sans même vérifier s’ils avaient des papiers en règle.
Mardi 1er avril, Monsieur K, le dirigeant de l’entreprise, a dû répondre de ses actes devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou… enfin, pas tout à fait. Loin d’être présent sur le banc des prévenus, il gère l’entreprise depuis La Réunion, laissant ses affaires courir à distance sur l’archipel mahorais. Les accusations qui pèsent contre lui ? Travail dissimulé, embauche illégale d’étrangers et abus de biens sociaux. Et soyons honnêtes : son dossier est aussi bien ficelé qu’un film d’espionnage… ou pas.
Travail dissimulé et employés fantômes
Si Intercar était un film, il pourrait être décrit comme un mélange de « Mission Impossible » et « Attrape-moi si tu peux« . Sauf qu’ici, pas question de jouer un rôle : entre 2017 et 2019, cette entreprise de commerce de véhicules automobiles a embauché des travailleurs sans contrat, sans déclaration, et parfois sans salaire. Une belle pagaille qui a fini par aboutir sur le bureau des juges du tribunal judiciaire de Mayotte.

À la tête de cette société, Monsieur K, domicilié à La Réunion, dirigeait son entreprise à distance, confiant la gestion locale à des mains courageuses mais sans cadre légal. Résultat ? Les employés travaillent dans des conditions précaires durant plusieurs heures, sans contrat, dans l’espoir d’une promesse de régularisation qui ne se matérialisait jamais. Parfois, certains employés étaient payés de manière sporadique, et dans d’autres cas, d’autres n’étaient même pas payés du tout. En plus de cela, la société n’a effectué aucune déclaration fiscale ni sociale depuis 2016, et plus de 70.000 euros ont été transférés entre le compte de l’entreprise et le compte personnel de Monsieur K. Ces virements ont attiré l’attention des autorités, qui ont constaté que tous les employés de la structure travaillaient sans contrat, sans fiches de paie et, dans certains cas, sans aucun document officiel. L’un d’eux raconte : « On m’a dit t’inquiète, si tu bosses bien, on te fera un contrat. » Sauf que cette déclaration, en plus d’être du chantage, n’a jamais abouti.
« Manque de rigueur » ou fraude organisée ?

Devant le tribunal, l’avocat de Monsieur K a plaidé la maladresse de son client dans la gestion de son entreprise en niant une réelle intention de frauder. D’après lui, il s’agirait davantage d’un manque de rigueur que d’une escroquerie orchestrée. « Mon client a géré son entreprise à la louche, il a fait confiance aux mauvaises personnes, mais il n’a jamais voulu frauder », a déclaré son conseil. Mais le parquet n’est pas du même avis. Pour le ministère public, il ne s’agit pas simplement d’un cas de mauvaise gestion, mais d’une véritable fraude. « On mélange ici le droit du travail, le droit des étrangers et même le droit fiscal. Ce dossier est explosif ! » Le parquet refuse de croire à la thèse du patron débordé et réclame une sanction exemplaire, avec des peines de prison et d’interdiction de gérer une entreprise pendant plusieurs années. En plus de cela, une amende de 3.000 euros et la dissolution pure et simple de la société Intercar ont été demandées, ainsi que la publication de la condamnation sur le site du ministère du Travail pendant six mois.
Vers une sortie de route pour Intercar ?
Le tribunal tranchera-t-il cette affaire en attribuant un simple carton jaune pour mauvaise gestion, ou un carton rouge pour fraude caractérisée ? La réponse tombera le 29 avril. En attendant, un conseil : si quelqu’un vous propose une voiture Intercar, vérifiez bien les papiers… Sinon, vous risquez de repartir à pied !
Mathilde Hangard