Dans cette maison jaune de la rue Jeanne d’arc à Pamandzi, les parents ayant des enfants âgés jusqu’à 6 ans peuvent s’y rendre chaque semaine gratuitement. L’objectif est de favoriser le développement des enfants et de rompre l’isolement de certains parents.
Un lieu gratuit
Dans ce lieu d’accueil, le port des chaussures est interdit. Les enfants peuvent déambuler pieds nus d’une pièce à l’autre, au milieu des tapis en mousse, des jeux en bois, des peluches et des lumières qui trônent sur des tapis d’éveil. À vue d’oeil, cet endroit ressemble à une crèche mais il n’en est rien : « Les enfants doivent toujours être accompagnés d’un adulte. Le but est de faire du lien entre le parent et l’enfant mais ce n’est pas une garderie », prévient une animatrice.
Ce sont les conclusions du Programme de Réussite Éducative (P.R.E) qui ont aidé à façonner cet endroit. Dans ce cadre, des travaux avaient été menés auprès d’enfants de 2 à 16 ans ne bénéficiant pas d’un environnement social, familial et culturel favorable à leur réussite : « On s’est rendus compte qu’il n’y avait pas assez d’espace pour les touts petits jusqu’à 6 ans. » Dans ce lieu d’accueil, quinze familles avec leurs enfants peuvent être accueillies au maximum, de façon simultanée et être encadrées par des référents sociaux, une chargée de la parentalité intervenant autour de groupes de paroles, mais aussi des intervenants extérieurs, tels qu’une conseillère conjugale et familiale ou un psychologue.
Rares sont les endroits apaisants et sécurisés, où les familles peuvent profiter d’un lieu gratuit et joyeux, pour jouer et passer du temps avec leurs enfants. À ce sujet, une éducatrice évoque les nombreux bienfaits des jeux sur le développement des enfants : « Jouer permet à un enfant de développer tous ses sens, cela a aussi plein de bienfaits pour son développement moteur et psychologique (…) Un enfant qui joue, c’est un enfant intelligent. »
Renforcer les liens familiaux
Ouvert à tous, sans distinction quelconque, le but est de rapprocher les parents des enfants. Le sénateur Saïd Omar Oili a insisté sur l’importance de la jeunesse du territoire : « Il faut donner des bases en matière d’éducation, de santé et de civisme aux enfants de Mayotte, tous autant qu’ils sont. Il ne faut pas négliger ces bases (…) Je dis aux parents qu’il ne faut pas perdre espoir (…) nos enfants peuvent réussir dans la vie. »
En métropole, ce lieu est souvent présenté comme une aide pour les parents « à couper le cordon » avec leurs enfants. À Mayotte, l’ambition est inversée. Ce lieu d’accueil a essentiellement pour but de renforcer les liens entre un parent et son enfant, et lutter contre l’isolement des enfants au sein de leur famille.
Anticiper ou pallier à des ruptures d’attachement
Lors de procès, à travers les expertises judiciaires de jeunes prévenus ou accusés, un des dénominateurs communs des jeunes délinquants de Mayotte fait souvent référence à un parcours de vie et familial cabossé dès l’enfance. Bien qu’il ne s’agisse pas de circonstances atténuantes, de nombreux jeunes de Mayotte ont souvent été abandonnés par leurs parents lorsqu’ils étaient encore enfants et confiés à des membres de la famille ou à des tierces personnes. À l’adolescence, ces enfants en quête de repère se réunissent au sein de bandes, qui forgent une appartenance à un groupe. La localisation de ce lieu d’accueil a toute sa symbolique : « Ça a du sens qu’il soit situé ici, car c’est à côté de la Vigie. On fait toujours l’amalgame que ce lieu est pour les étrangers, mais c’est faux, quand bien même, le but c’est le vivre ensemble, que les jeunes soient bien » a défendu Saïd Omar Oili.
Le Directeur de la Politique de la Ville et de la Cohésion Sociale de la Communauté de communes de Petite-terre, Adrien Michon, voit en ce lieu d’accueil une pierre à l’édifice de la jeunesse à Mayotte : « Quand un jeune n’a pas d’amour, quand il n’est pas dans un environnement avec de la bienveillance familiale, qu’il ne connaît que des échanges provoquant avec des jeunes de son âge, pour lui c’est la norme. On peut travailler à resserrer ces liens dès l’enfance. » En plus de ce lieu d’accueil pour les jeunes enfants, une quarantaine de médiateurs intercommunaux et associatifs travaillent quotidiennement en Petite-Terre à identifier des jeunes en situation d’isolement : « Les médiateurs identifient des jeunes en situation d’oisiveté et d’errance, qui seraient susceptibles de se tourner vers la violence, en raison de leur contexte de vie. »
Cette maison jaune a été financée par la Communauté de communes de Petite-Terre, la préfecture de Mayotte et la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte, à hauteur de 75.000 euros. Ses partenaires et les maîtres du lieu espèrent que ce « pari sur l’enfance » sera remporté.
Mathilde Hangard
