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Mamoudzou

Procès des « jumeaux criminels » : Ils tentent de tuer un jeune à la hache pour un vélo  

Il y a plus de trois ans, un jeune homme était transporté en état d’urgence absolue de Dzaoudzi vers le Centre hospitalier de Mamoudzou après avoir été grièvement blessé à coup de hache sur la commune de Labattoir. 

« Tu vas voir je suis déter » 

Le 13 février 2021, vers 23h, un jeune mineur R* téléphone à un autre jeune mineur S* au sujet d’un vélo volé pour lui dire qu’il n’est pas l’auteur du vol. Les deux hommes se retrouvent à proximité de la rue Mouzdalifa à Labattoir. Mais le rendez-vous tourne rapidement au drame. S* se rend au rendez-vous armé d’une hache, en compagnie de son frère jumeau, D* et la confrontation s’envenime rapidement. S* menace verbalement R* en déclarant « Tu vas voir je suis déter » et porte un coup de hache sur le cou du jeune homme, qui s’effondre au sol. Alors qu’il saignait abondamment, R* saisit un balai pour frapper S* en retour. Qui aurait alors ordonné à son frère jumeau, D*, de « casser les mains » de la victime mais ce dernier aurait refusé. D’après la victime, R*, armé d’un couteau, aurait poursuivi la victime qui tentait de fuir sur plusieurs mètres jusqu’à la pharmacie des Badamiers, avant que R* parvienne à retrouver un ami et être pris en charge par le CHM. Alors qu’il se trouvait dans un état critique, les deux frères jumeaux rentrèrent chez eux.

20 personnes venues en découdre 

Lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux, les gendarmes de la brigade de Pamandzi rencontrèrent une bande de vingt jeunes prêts à en découdre, et deux témoins affirmaient avoir identifié deux jeunes, comme étant les auteurs des faits :  « C’est les jumeaux de la rue du stade ! », s’exclamaient-ils, à propos de la blessure causée au jeune R*, dont le pronostic vital était engagé. 

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Les faits se seraient déroulés entre la rue Mouzdalifa et la rue des réfugiés sur la commune de Labattoir

Pour « éviter des représailles », les gendarmes prirent l’attache de la mère des jumeaux et se rendirent au domicile familial, rue du stade à Labattoir, pour les interpeller, dans la nuit, une heure après les faits, avant de les placer en garde à vue.

Après avoir fouillé la maison des deux suspects, un policier découvrira une hache, recouverte par de la taule et déposée sur un mur servant de clôture entre le domicile des jumeaux et leurs voisins, que les investigations révèleront comme étant l’arme du crime. Plusieurs importantes traces de sang seront également retrouvées rue Mouzdalifa et rue des réfugiés à Labattoir. 

Une histoire de vélo ou une vengeance entre bandes rivales ? 

Dans son audition, la victime aurait expliqué qu’elle aurait simplement voulu rencontrer un des frères jumeaux pour se dédouaner de sa responsabilité au sujet d’un vélo volé. Au sujet de ce vélo, plusieurs thèses entremêlées seront avancées, au point d’égarer la cour et le public. À la cour, la victime déclara qu’un cousin des jumeaux détenait un vélo, dont les pièces auraient été changées, provoquant leur colère. Les deux frères auraient alors suspecté la victime et son cousin de détenir un autre vélo avec les pièces volées. « Le vélo il était rouge et noir quand je l’ai vu il était à mon cousin K*, qui m’avait dit que les pièces étaient d’un autre vélo », a déclaré la victime.  

Le coup de hache aurait été porté en raison d’une altercation au sujet d’un vélo volé (image d’illustration)

Me. Soumetui Andjilani, avocat de l’un des accusés, a précisé qu’à Mayotte, les vélos étaient constitutifs d’une « richesse« , en rappelant qu’en janvier 2022, un vol de vélo avait été à l’origine de la mort d’un jeune homme, tué à l’arme blanche au stade de Kawéni. Mais pour l’un des magistrats assesseurs, le mobile du crime serait dérisoire au regard de la gravité des faits : « Tout ça pour un vol de vélo ? Vous avez reçu un coup de hache pour un vélo ? », a-t-il demandé à la victime, qui acquiescera sans conviction.

Face au juge d’instruction, la victime aurait semé le doute sur des conflits entre deux bandes rivales, dont elle ferait partie. À la question « À quel groupe appartenez-vous? », la victime aurait répondu : « Je fais partie de La Vigie et eux (ndlr : les frères jumeaux) sont de C’Tam, allié de Gotham. »

Deux frères, à l’amour comme à la guerre 

Sur le banc des accusés, S*, suspecté d’avoir porté le coup de hache, s’agite, en déclarant à plusieurs reprises que les dires de la victime sont faux. Son frère, D*, déjà incarcéré, suite à une récidive pour un délit alors qu’il portait un bracelet électrique, restera silencieux.

Pour Me. Soumetui Andjilani, « la seule bande d’appartenance des deux frères » aurait été « celle constituée dans le ventre de leur mère quelques années auparavant »

À la lecture des rapports des experts, on apprendra que malgré la séparation de leurs parents, les deux frères ont vécu sans carence matérielle, dans une maison, à Labattoir. S*, qui avait déjà commis plusieurs délits, avait été libéré sous contrôle judiciaire. Décrit comme immature, le prévenu aurait entamé une formation à l’école maritime de Dzaoudzi pour devenir matelot, qu’il n’aurait jamais terminé puis abandonné son projet de devenir cuisiner pour l’armée. L’expertise psychiatrique évaluera que la dangerosité criminologique de S* est à un niveau intermédiaire. Son frère jumeau, D*, également peiné de l’absence du père, aurait essuyé plusieurs échecs scolaires à Mayotte, en métropole et à La Réunion et serait en dépression. L’intéressé aurait revendiqué les faits et agi sous l’effet d’une intense « pulsion » en raison d’une accoutumance à la violence pour « protéger son frère. »

« J’attends que justice soit faite » 

Alors qu’il est actuellement incarcéré pour avoir commis une autre infraction, R* affirme à la cour ne pas savoir, même trois ans plus tard, pour quelles raisons, les deux frères l’ont agressé. Par simple ignorance ou par peur d’en donner les motifs, les confidences de la victime resteront vagues : « Je ne sais pas pourquoi ils m’ont fait ça », confiera-t-il.

Sur sa détention, R* avouera cependant que « la prison c’est galère on est quatre dans une petite cellule (…) je dors par terre (…) ». Grièvement blessé au coup lors des faits, R* déclarera souffrir encore aujourd’hui de douleurs : « Quand je me réveille, j’ai mal au cou. » La victime finira par admettre que le simple fait de croiser en détention le regard d’un des jumeaux détenus lui est difficile : « Je ne veux pas les revoir ça me fait mal de revoir D* en prison », avant d’ajouter : « J’attends que justice soit faite. »

Les deux frères risquent quinze ans de réclusion criminelle.

Mathilde Hangard

* Pour préserver l’anonymat des personnes, leurs noms n’ont pas été dévoilés.

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