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vendredi 26 avril 2024
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Opération « ‘Wumbushu » : les collectifs dans la confidence du ministre de l’Intérieur

Les représentants de cinq associations et collectifs ont voulu marquer le coup ce mardi en réponse au communiqué politique du syndicat de la magistrature. « Nous sommes prêts pour cette opération », tenaient-ils à afficher au ministre Darmanin. Elle vient sanctionner des dizaines d’années d’échec des politiques gouvernementales à Mayotte, avec un changement radical de braquet.

Nous en sommes déjà à la 2ème orthographe d’une opération qui n’est toujours pas officielle, ça fait beaucoup d’incertitudes ! « Ils se sont trompés, ça s’écrit ‘uwumbushu’*, ce qui veut dire, ‘chercher’, dans le sens, ‘tu me cherches’, que l’on traduit par ‘oser’, car il fallait ‘oser’ », nous expliquent les collectifs.

C’est une première, 5 associations aux objectifs identitaires proches mais qui ne se sont pas toujours entendues, ont uni leurs forces pour un objectif : appuyer l’opération du ministre Gérald Darmanin, toujours officieuse, d’expulsion des étrangers en situation irrégulière de Mayotte. Les Femmes Leaders, le Collectif des Citoyens de Mayotte 2018, le Collectif des Citoyens de Mayotte loi 1901, le CODIM et le collectif RéMa depuis La Réunion, n’avaient pas appelé à manifester, mais ont envoyé leurs représentants sur la place de la République, pour une manifestation symbolique.

« Nous sommes là en réponse à des forces bien placées à Mayotte, qui ont le soutien de hautes autorités afin de faire capoter l’opération, expliquait Fatihou Ibrahim, qui s’est fait le porte-parole des associations, ceux qui ont envoyé un communiqué sous-entendant que Mayotte est comorienne ». Le représentant du Collectif loi 1901 fait référence aux déclarations des représentantes locales du Syndicat de la magistrature qui accusaient les autorités d’avoir « exacerbé une différenciation entre nationaux et étrangers parmi les population de Mayotte » en « fermant les frontières », à la suite de la décision de maintenir le territoire dans le giron français. Nous avions dénoncé cette prise de position politique de la part de cette instance qui fait l’impasse sur la volonté des mahorais de rester français. Ce qui n’a fait de surcroit que mettre de l’huile sur un feu brûlant. Les collectifs dénoncent un « humanisme mal placé » : « On nous brandit l’humanisme quand les gens se font trucider et qu’il faut agir (…) mais quand les problèmes seront exacerbés sur cette petite île, ils seront les premier à quitter le navire. Nous serons alors seuls à devoir faire face, nous qui ne pouvons quitter le territoire. »

Discours devant les médias avant de se diriger vers le rond point de la barge

Objectif : 350 expulsions par jour

Si nous ne connaissons de l’opération que ce que le Canard enchaîné a révélé, ajouté aux informations qui fuitent en local, les représentants des collectifs eux, ont été mis dans la confidence très tôt, affirme Fatihou Ibrahim : « Lorsque Gérald Darmanin est venu passer le 1er de l’An à Mayotte, c’est ce jour là qu’il a voulu nous rencontrer et qu’il nous a annoncé cette opération. Le ministre a évoqué devant nous la démolition des bidonvilles, hauts-lieux de trafic en tout genre et zones de non-droit, et le renvoi des étrangers qui n’ont pas de papier, ainsi que la fermeture des frontières. Nous n’en avions pas parlé car nous n’avions pas confiance dans l’Etat, mais pour une fois qu’un ministre est déterminé, nous lui répondons, « ra tayari », nous sommes prêts ! »

Nous avons déjà consacré plusieurs lignes sur cette opération – vraisemblablement pas les dernières – pour mettre en garde sur l’erreur de cible. Selon une de nos sources, l’objectif à atteindre serait de 350 reconduites par jour. Ce qui ne peut que nous conforter dans le risque de passer à côté des vrais perturbateurs et auteurs de violences sur le territoire qui savent se cacher et qui ont peut-être déjà fui aux Comores. On prend le problème à l’envers, au lieu de mettre les moyens adéquats dans la lutte contre l’immigration clandestine dès maintenant pour diminuer les arrivées qui surchargent écoles, hôpital, dispensaires et PMI, en décuplant les intercepteurs, les radars, positionner des drones, etc., on veut vider le territoire de personnes déjà installées. Un membre des forces de l’ordre nous confiait sous couvert d’anonymat, « la brigade nautique, ca ne sert qu’à amener plus vite les femmes enceintes au CHM pour accoucher ! Nous n’avons pas le savoir-faire des britanniques pour bloquer les arrivées. » Un ancien élu mahorais avait déclaré, « si on nous garantit qu’il n’y aura quasiment plus d’entrée, nous sommes prêts à régulariser tout le monde ».

« ‘Wumbushu, c’est l’ambition d’un homme ! »

Les salouvas aux couleurs de fleurs d’ylang et à effigie de la chatouilleuse Zena M’dere étaient de sortie

De surcroit, cette opération peut déstabiliser durablement le territoire en déclenchant des opérations de représailles comme il y en a eu à Koungou lors de la démolition des quartiers Jamaïque et Carobole. « Ça, c’est à l’Etat de le gérer », répondait Fatihou Ibrahim.

Nous évoquions un problème de méthode qui risque de se reproduire même avec un tel bras de force de déploiement de 500 gendarmes supplémentaires pendant 2 mois fin avril. A ce sujet, nous avons interrogé l’un d’entre eux sur les raisons qui ne poussent pas leurs effectifs à aller chercher les auteurs de violences sur les hauteurs, « nous n’en avons pas les moyens », rétorquait-il : « Un gendarme lourdement équipé ne peut pas courir après les jeunes jusque dans leurs quartiers et risquer de se retrouver encerclé car ils sont très nombreux. C’est la Bac, le GAO ou le PSIG qui doivent intervenir, car ils sont plus légers, plus mobiles, mais là encore, c’est compliqué quand vous avez des dizaines voire cinquantaines de jeunes ». Et de rajouter, « Wumbushu ? C’est l’ambition d’un homme ! », pour traduire les critiques d’instrumentalisation politique d’un ministre de l’intérieur qui a des ambitions présidentielles. Et sur un timing de projet de loi immigration actuellement au Parlement.

Dernière touche à la banderole par Fatihou Ibrahim

Ce que traduisent les collectifs ce mardi, c’est l’échec de l’action des gouvernements successifs à Mayotte, « ce n’est pas du racisme ni de la xénophobie, mais la conséquence des demandes réitérées depuis des années de lutte contre l’immigration clandestine qui développe le secteur informel dans une économie fragile, qui fragilise le système de soins ne permettant pas aux français de Mayotte d’y accéder, qui attaque l’environnement, la forêt et le lagon par les cultures et les cases en tôle, et qui provoque une rupture d’égalité entre les français de Mayotte et ceux des autres départements », pour faire référence aux retraites et allocations divisées par deux ici.

Le « Ra hachiri » (soyons vigilants), devise de Mayotte, a donc fait place ce mardi au « Ra tayari », nous sommes prêts !

Anne Perzo-Lafond

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