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samedi 4 mai 2024
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Assises : Le fundi condamné à dix ans de réclusion criminelle

Pour ce dernier jour du procès du fundi accusé de viol, les djinns ne sont pas intervenus en sa faveur. Même si l’avocat de la défense à pointé du doigt quelques lacunes et manquements dans l’enquête pour obtenir son acquittement, cela n’a pas suffi à convaincre les jurés.

« Je porte la voix d’une mère de famille de cinq enfants pour qui cela a été très difficile de s’expliquer et de témoigner concernant le viol qu’elle a subi ». C’est en ces mots que maître Aurore Baudry, avocat de la partie civile, a commencé sa plaidoirie. Puis elle a poursuivi en indiquant que seulement 10% des femmes victimes de viol portaient plainte. « Elles ont peur qu’on ne les croit pas, peur de la procédure judiciaire, elles ont un sentiment de honte. Hier, c’est une jeune femme digne, émue et qui a été capable d’expliquer devant le tribunal ce qu’il s’était passé, à savoir l’irréparable ».

Maître Baudry a ensuite rappelé le contexte et repris les faits un par un en expliquant que la seule faute de la victime était d’avoir accompagné sa tante voir un fundi. « Elle ne peut pas oublier ce qu’il s’est passé ». Puis elle commence à démontrer que le fundi qui était soi-disant habité, possédé par les esprits ne l’était pas au moment des faits, et que son handicap physique ne l’empêchait pas de pouvoir commettre un tel acte. « L’habit ne fait pas le moine, déclare-t-elle. J’ai par le passé eu à traiter des affaires de viols avec un aveugle ou encore une autre avec une personne en fauteuil roulant. Ne vous méprenez pas messieurs et mesdames les jurés, il a fait en sorte de se retrouver seule avec elle et profiter de son état second pour abuser d’elle, alors qu’elle lui a dit plusieurs fois non. Ce fut quinze minutes d’horreur ! ».

Le code pénal , clé de voûte des décisions judiciaires

L’avocat de la partie civile va ensuite mettre en cause l’accusé concernant ses déclarations dans lesquelles il disait que la victime mentait. « Cette femme n’est pas une menteuse, il faut la croire ! Un passage à l’acte ça ne s’invente pas, elle a donné des détails clairs de ce qu’il s’était passé. Les rapports psychologiques montrent que c’est une femme équilibrée, mais qu’elle avait tous les symptômes d’une femme victime de violences sexuelles. Elle ne peut pas oublier ». Maître Baudry continue sa plaidoirie en mettant en exergue que l’accusé n’était pas possédé, sous l’emprise d’une force quelconque, qu’il n’y avait pas de djinns puisqu’il réussissait à parler et à même expliquer ce qu’il allait faire, la pénétrer pour enlever le mal qu’elle avait en elle. « Les faits qu’a subi cette femme sont très graves. Elle ne pourra pas oublier, elle va porter toute sa vie les traces de cette agression. C’est un handicap invisible. Il y a nécessité de condamner l’accusé », conclut l’avocat de la partie civile.

« Une affaire de viol sordide »

L’avocat général, Véronique Pouillat-Compan, a visiblement été touchée par cette affaire puisqu’elle s’est adressée plusieurs fois directement à l’accusé en le regardant fixement et en haussant le ton. « Je vous le dis comme je le pense, dans ce dossier j’ai été beaucoup atteinte de ce que j’ai ressenti. La partie civile est culpabilisée, elle a enduré un parcours du combattant. Cette jeune femme a été courageuse et forte de témoigner trois ans après, encore plus ici à Mayotte où l’honneur de la famille est souvent plus important que celui de la victime. De plus, toutes ses déclarations sont concordantes. A chaque fois elle a redit la même chose ».

Puis se tournant directement vers l’accusé en le regardant d’un ton ferme et réprobateur elle dit, « Il se victimise et ramène les réponses à lui-même, il faut qu’il comprenne que ce qu’il a fait est mal. Il dit que c’est une menteuse mais c’est lui qui ment quand il déclare qu’il était en transe, qu’il était habité par les esprits et que les djinns avaient pris sa place. Les rapports psychologiques ont montré qu’il était totalement indifférent, qu’il n’avait aucune empathie pour la victime. Pour elle c’est la double peine, ça va un peu mieux déclarait-elle hier, mais on ne guérit pas de ce genre de chose. Il a détruit son intimité ».

L’avocat général s’est ensuite attaché à montrer la personnalité perverse de l’accusé qui a profité de son statut de fundi pour abuser de sa victime.  « C’est cette activité qui le faisait vivre puisqu’il revenait régulièrement à Mayotte pour voir ses clients. Certes nous n’avons pas d’autres témoignages mais rien ne dit qu’il n’y a pas eu d’autres victimes. ». Puis elle met le doigt sur le fait que lors de chaque rituel un tiers devait être présent afin de traduire ses incantations et de contrôler ce qu’il se passe. « Il ne doit pas rester seul… Or, il n’y avait que lui et la victime. C’est un fait, c’est établi même s’il ne l’admet pas. Il savait très bien ce qu’il allait faire puisqu’il a parlé et s’est même énervé quand la victime a essayé de lui résister. Son handicap ne peut l’empêcher corporellement d’avoir réalisé les faits, d’après les médecins qui l’ont examiné ».

L’urne dans laquelle sont tirés au sort les jurés

Puis le fixant une fois de plus, elle ajoute : « Il a abusé d’elle de façon sordide. Il n’a pas eu un mot pour la victime. Il n’assume rien du tout et se cache derrière son statut de fundi ». Le ministère public a ainsi requis douze ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’accusé, l’inscription au fichier des délinquants sexuels et l’interdiction définitive du territoire français.

Des trous dans la raquette concernant l’enquête ?

Maître Ibrahim Abdel Latuff, avocat de la défense, a soulevé quelques lacunes et manquements concernant l’enquête. « Soi-disant que cette enquête a été bien faite, mais elle est biaisée, explique-t-il devant le tribunal. Il n’y a pas eu d’analyses des flacons concernant ce mystérieux liquide, ni même des vêtements. Il n’y a eu aucun prélèvements ADN ou autres. Il n’y a aucune pièce à conviction dans ce dossier. A priori les enquêteurs n’ont pas fait d’efforts. Les analyses ça sert mais on est passé outre dans ce dossier. Le travail n’a pas été fait correctement. Ce n’est pas ça la justice », déclare-t-il.

Puis il en vient aux faits en démontrant qu’on est plus sur des soupçons et de l’intime conviction que sur des éléments probants de culpabilité concernant l’accusé. « Ce qui est dit n’est pas forcément vrai. Personne ne saura expliquer les choses parce que nous n’y étions pas. Il y a de nombreux exemples dans l’histoire judiciaire où l’on s’est rendu compte, au bout d’un certain temps, que les victimes n’étaient pas celles que l’on croit, comme par exemple l’affaire d’Outreau… ». Et de poursuivre, « Dans les dossiers de mœurs c’est parole contre parole. On a le témoignage d’une dame qui sort d’un endroit où on ne sait pas ce qu’il s’y passe et avec des pratiques rituelles inhabituelles, avec un fundi et des djinns. Il faut s’intéresser à l’audition des personnes présentes à ce moment-là et prendre les éléments que l’on a ».

A chaque audience de cour d’assises des gendarmes sont présents dans la salle

L’avocat de la défense s’est ainsi évertué à montrer les incohérences de l’enquête et l’absence de preuve formelle permettant d’incriminer selon lui l’accusé. « Dans cette affaire il y a un doute car il n’y a pas eu de travail de vérité ni de travail préalable concernant l’enquête. Douze ans de réclusion criminelle c’est trop car nous n’avons aucune certitude. Or, le doute doit profiter à l’accusé », déclare-t-il.

Malgré l’acquittement demandé par la défense, le « fundi djinns » a été condamné par les jurés à dix ans de réclusion criminelle et l’interdiction définitive du territoire français.

B.J.

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