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Nouveau volcan : quand les journalistes passent sur le grill à leur tour

En trois ans, nous en avons interviewé des scientifiques, des fonctionnaires, des spécialistes... Aujourd'hui deux chercheuses renversent la situation et interrogent des journalistes à leur tour. L'enjeu : mieux comprendre comment circule l'information sur la crise sismovolcanique pour mieux répondre aux attentes de la population et être plus efficaces s'il faut se mettre à l'abri.

Par définition, le journaliste est plus habitué à poser des questions qu’à y répondre. L’exercice proposé par la chercheuse Maud Devès, spécialiste de la sécurité civile en lien avec le risque sismo-volcanique ayant notamment travaillé en Martinique, et son étudiante Louise Le Vagueresse était donc par avance enthousiasmant. Le projet de recherche que le duo de scientifiques a fait financer consiste en effet à interroger des journalistes ayant couvert la crise sismovolcanique afin de cerner les différentes façons de faire, l’articulation de l’information des chercheurs jusqu’aux lecteurs, et voir ce qui peut être améliorer. De quoi anticiper d’éventuelles frustrations à l’avenir de la part des lecteurs, et gagner en efficacité.

Deux journalistes du JDM sont d’ores et déjà passés sur le grill. Anne Perzo Lafond, la rédactrice en chef, et l’auteur de ces lignes ont passé chacun près de deux heures en visio avec les deux chercheuses, en attendant leur prochaine visite à Mayotte.

L’objet du projet de recherche est de comprendre « comment l’information a circulé dans les laboratoires de recherche et sur le terrain, et comment elle est véhiculée par les acteurs de la sécurité civile et les journalistes, et enfin comment elle est perçue et comprise par la population » résume Maud Devès. Sur la méthode, le binôme a récolté un corpus impressionnant de matériel en lien avec la crise sismovolcanique que connaît Mayotte depuis mai 2018.

« On a pu s’intéresser aux fils Facebook comme STTM. On a collecté tous les documents rendus publics, comme les communiqués de la préfecture ou les bulletins du BRGM ou du Revosima ainsi que des articles locaux et nationaux pour voir quelle avait été la couverture locale, nationale mais aussi régionale à La Réunion et Madagascar. On essaye de voir aussi comment on en parle en métropole et à Mayotte car on n’en parle pas de la même façon. On a aussi une journaliste dans notre équipe, des géographes, des scientifiques etc. Là, on est dans la phase exploratoire avec des entretiens et la collecte de matériel. »

Au delà du seul traitement journalistique, leurs recherches s’intéressent aussi aux longues attentes entre les premiers séismes et l’annonce de la mission May’Obs 1.

« Interroger les journalistes permet de comprendre leurs contraintes »

Il s’agit pour ce volet de voir « quels ont été les verrous à la mise en place de la surveillance, comme des verrous institutionnels, le temps qu’il faut pour aller chercher de l’argent pour la rechercher en France etc. Le cas d’étude de Mayotte nous permet aussi de tirer des enseignements pour améliorer les processus à Mayotte comme ailleurs ».

Mais l’étudiante, Louise Le Vagueresse, souhaite aussi réaliser une thèse qui se penchera plus précisément sur la population, de sa perception de l’information à l’efficacité de cette dernière (et donc de notre propre travail) sur le volet de la sécurité civile. Dès lors qu’un article paraît sur les séismes, le volcan, les sirènes, elles se demandent ainsi « comment la population peut recevoir cette information, ce qui est audible, est ce que le travail de vulgarisation des journalistes est facile à mener et comment améliorer tout cela. Il s’agit d’un travail sur ce maillon, et on s’intéresse aussi beaucoup au volet sécurité civile et prévention des risques. »

Car leur postulat est crucial, et fait écho involontairement à la crise sanitaire que nous vivons depuis plus d’un an maintenant : l’information et la sécurité « s’articulent ». « Ce que les gens se demandent se résume en des questions simples : c’est quoi, quand, comment, où et pourquoi. Si les gens n’ont pas la réponse à chacune de ces questions, elles auront du mal à passer à l’acte. C’est une chose de comprendre les consignes, c’en est une autre de les mettre en application, il faut une phase de digestion des informations pour les mettre en acte. La question c’est, est ce que c’est fait, et est ce que c’est suffisant, et en quoi le contexte de Mayotte va être pris en compte et comment » complète l’étudiante-chercheuse. Et c’est là que ces entretiens interviennent.

« Interroger les journalistes permet de comprendre leurs contraintes : selon le format, les pratiques des journalistes, chaque choix qui est fait a un impact sur le contenu. Il peut y avoir des contraintes, des cultures, des proximités qui vont entrer en jeu. Cela nous permet aussi d’avoir une vue d’ensemble des acteurs, qui est en relation avec qui » reprend la directrice de recherche.

Deux ans après une première étude qui prenait le biais de la sociologie pour traiter les séismes de Mayotte, cette nouvelle étude qui donne la part belle au ressenti de la population a l’immense mérite de remettre cette dernière au cœur des enjeux de son quotidien, et pourrait même permettre d’améliorer la formation des jeunes journalistes à ce type de situation heureusement atypique.

« Trois fois dans la nuit, ça suffit », le dessinateur Phil Ouzov avait fait le pari de faire rire pour rassurer

Des acteurs comme les gérants du groupe Facebook STTM ou le dessinateur Phil Ouzov, seront aussi interrogés dans le cadre de l’étude. Ils font partie de ceux qui ont spontanément joué le rôle d’intermédiaires entre les médias et les attentes d’une population avide de réponses. Et ce sont ces engagements de chacun qui ont permis d’informer et d’intéresser le plus grand nombre à ce phénomène passionnant, qui a durablement mis Mayotte au centre des discussions de chercheurs du monde entier. Et ça, ce n’est pas rien.

Y.D.

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