Si l’événement peut paraître symbolique, il n’en revêt pas moins une dimension historique pour Mayotte. À 14h à la mairie de Chiconi, s’est tenue la remise en main propre des trois premiers actes de notoriété à leurs bénéficiaires respectifs. Un événement inédit sur l’île marqué par l’organisation d’une cérémonie en présence, entre autres, du maire, de ses adjoints ainsi que de la directrice de la Commission d’urgence foncière (CUF), Ségolène de Bretagne, et sa présidente, Berteline Monteil, en visioconférence.
Instance spécifiquement créée à Mayotte à la suite des conclusions de la mission sénatoriale portant sur les problématiques foncières dans les outre-mer, la CUF a pour objectif de régulariser les titres de propriété afin qu’ils soient conformes au droit français. Selon le Directeur des services de la mairie de Chiconi, 75% du territoire urbanisé de la commune a été construit sur du foncier privé y compris en ce qui concerne les écoles ou les routes communales.
Pas titre, pas de fonds
Une situation qui bloque incontestablement le développement de Chiconi. Désormais les dossiers de subventions pour la construction d’infrastructures publiques nécessitent la preuve des titres de propriété. Or, sans ces documents, les fonds ne sont pas alloués. Si pour l’heure 5 autres titres sont en passe d’être délivrés, 400 demandes ont d’ores et déjà été formulées auprès de la CUF et plus d’un millier de personnes sont susceptibles d’avoir recours à leurs services ; un constat qui concerne uniquement la localité de Chiconi.
Plus généralement, ce sont plus de 70 000 titres de propriété qui restent à régulariser, soit environ la moitié de l’île. Cette situation s’explique au regard de l’inertie culturelle et de la prégnance de l’oralité avec pour conséquences des partages de bien, voire des transmissions de propriété, sans véritable trace écrite comme preuves de la transaction. Face à l’ampleur du phénomène, c’est un véritable travail de bénédictin qui a débuté.
En outre, de nombreux retards ont émaillé le lancement de la CUF, notamment l’absence de personnalité morale. Cela explique qu’après 3 années d’existence, seuls quelques titres de propriété ont pu être délivrés. Par ailleurs, jusqu’au 22 février 2022, la période antérieure au 1er janvier 2008 n’entrait pas en ligne de compte dans le délai de prescription acquisitive de trente ans. Grâce à l’intervention du législateur, cette date butoir a été amendée au sein de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale. Ainsi, la CUF a désormais toute latitude nécessaire pour mener à bien sa mission de régularisation des titres fonciers.
Pierre Mouysset