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Ecosystème de l’immigration à Mayotte : une fabrique à délinquants bien rodée

Pas un jour sans qu’une portion de route ne soit envahie de jour comme de nuit par des bandes menaçantes. Les élus ont pris une décision impulsive en fermant les écoles, là où il faudrait demander des comptes au gouvernement… après avoir balayé devant sa porte.

Cela fait 2 ans que Fatima n’est pas revenue à Anjouan qu’elle a quitté il y a quinze ans. Détentrice d’un titre de séjour d’un an à Mayotte, elle est intégrée, a trouvé un job déclaré à mi-temps, et son mari est employé par une entreprise qui a pignon sur rue à Kawéni. Bien que sa maman soit elle aussi venue à Mayotte, elle veut revoir sa famille anjouanaise, et leur amener ses enfants. Impatiente, elle comptait les jours avant son départ ce mois de juillet 2022. Nous l’avons retrouvée à son retour, dépitée : « Ce n’était pas de bonnes vacances. Il n’y avait pas de riz, et quasiment rien à manger même quand on a de l’argent comme nous. C’était très pénible. » Du coup, Fatima écourte ses vacances, « on a du payer un supplément pour avancer notre billet, mais c’est pas grave. »

Pas la peine d’aller sur les côtes pour constater les conséquences d’un tel désastre économique, elles doivent accueillir leur ronde de kwassa remplis de gens qui voient plus que jamais en Mayotte un avenir meilleur. Arrivés en famille, ils vont contacter des parents pour un hébergement provisoire, puis une autorisation d’implanter une case en tôle sur leur terrain ou celui du voisin moyennant subsides, et inscriront leurs enfants dans les écoles. Ils iront même pour certains jusqu’à protester qu’il n’y ait pas de place alors qu’ils ont 3 et 5 ans. Pour les plus chanceux des parents, ceux qui connaissent un maire ou un conseiller départemental, ils le solliciteront pour obtenir, qui un titre de séjour, qui un emploi, qui une place à l’école. Il suffira d’un coup de fil de l’élu au préfet ou à un représentant de l’Etat pour tenter de décoincer l’affaire, heureusement sans succès. Un gros balayage devant les portes est à faire sur place à Mayotte.

Faute de développement, Anjouan se vide de ses habitants (Photo A.P-L.)

Des élèves qui vont suivre une scolarité normale, si on prend comme standard ce qui est proposé aux Comores où les enseignants ne sont le plus souvent pas payés, et préfèrent réserver leur temps pour exercer dans des écoles privées. A Mayotte, les plus méritants, les plus assidus, les plus entourés familialement vont décrocher le Bac, parfois avec mention. Puis, l’avenir s’assombrit. Notre loi qui rend la scolarité obligatoire, autorise l’octroi d’une Carte de séjour temporaire à ses 18 ans, s’il a vécu depuis ses 13 ans avec au moins un de ses parents en situation régulière. Cette carte ne lui permettra pas de poursuivre ses études ailleurs qu’à Mayotte, et les effectifs du Centre universitaire sont saturés.

La fabrique à kwassa comme carotte

Pendant ce parcours scolaire, la cellule familiale aura connu des bouleversements : départ du père polygame, reconduite à la frontière des parents qui se garderont d’informer de la présence de leur progéniture, les laissant à des parents éloignés qui vont peu à peu se désintéresser de cette énième bouche à nourrir, etc. Qui va donc se débrouiller par lui-même. La fabrique à délinquance est en route.

Pas besoin donc de prêter aux autorités comoriennes une stratégie de déstabilisation de Mayotte, il leur suffit de laisser faire. Comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises, ce département français où tout semble plus structuré que dans les îles voisines sert d’exutoire. Pas de révolte aux Comores, mais une fabrique à kwassa qui tourne à plein régime. La fermer serait une grenade à déclenchement immédiat.

Le consulat de France à Mutsamudu (Photo : A.P-L.)

En 2018, une mission de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’était rendue aux Comores et dressait son constat : « Les Comores, le 21ème pays le plus pauvre du monde, ont tout à y gagner : leur diaspora leur reverse l’argent gagné en France, à hauteur de 25% de leur PIB. Les habitants de Grande Comore sont donc peu pressés d’aller travailler pour un salaire moyen de 300 euros par mois, ils font la queue devant la Western Union pour attendre les mandats. »

Laetitia Saint-Paul, qui l’avait présidée, notait que « aucun moyen n’était mis en œuvre pour contrôler l’immigration irrégulière, qui provoque une saturation des services publics à Mayotte, écoles, hôpitaux… »

En 2022, on nous explique que des moyens de lutte sont renforcés, et pourtant, le nombre de naissances ne faiblit pas, pire, on annonce dans les couloirs de l’hôpital un chiffre qui risque de dépasser les 11.000 bébés cette année !

Les députés y décrivaient une corruption qui régnait en maître, et s’interrogeaient sur la contrepartie exigée des 5 millions d’euros envoyés chaque année à Moroni.

Un programme qui a pris des rides

Les kwassa déjà aspirés par un appel d’air

A ce funeste diagnostic, plusieurs remèdes. Pour reprendre la cause originelle, l’état des services publics et de l’économie comorienne, on peut demander au ministre de l’Intérieur qui chapeaute les Outre-mer où sont les 150 millions d’euros débloqués sur 3 ans, décidés après un rencontre entre les présidents Macron et Azali en 2019. Quelle coopération judiciaire, scolaire, économique, a été mise en place grâce à cet investissement ? Des actions ont été menées, on le sait, mais leur efficacité a-t-elle été évaluée ? Cette même question du contrôle de l’utilisation de l’aide qu’avaient posée les députés en 2018.

Et pour poursuivre sur les titres de séjour spécifiques à Mayotte qui empêchent toute sortie du territoire notamment aux étudiants, il est difficile d’adhérer à la peur de l’appel d’air agitée par nos ministres tant les arrivées sont déjà nombreuses sur nos côtes. Elles ne le seraient pas beaucoup plus, et si cela s’avérait exact, il suffirait de multiplier les moyens de la LIC. Et de conditionner l’octroi de titres de séjour, qui pourraient alors, permettre des sorties du territoire.

Quant aux jeunes qui terrorisent les citoyens, il faut quasiment faire du cas par cas en identifiant leurs familles ou leurs référents parentaux, c’est l’objectif de la prévention spécialisée en cours de mise en place par le conseil départemental, et ensuite dérouler la batterie de mesures sociales ou judiciaires prévues par la loi. On pense notamment au Centre éducatif fermé, mais aussi à un Centre pénitencier pour mineurs.

Une coopération judiciaire avait été initié avec Moroni, pas avec Mutsamudu (Photo : A.P-L.)

Le secteur à développer enfin, c’est celui de la formation. Le Département a failli dans ce domaine sur la précédente mandature avec peu de moyens alloués aux organismes. La formation par en haut, avec une démultiplication des filières au Centre universitaire, et par en bas, en prévenant la déscolarisation, ce qu’a mis en place le rectorat depuis deux ans doit être étendu.

Alors qu’il commence à peine à se pencher véritablement sur le berceau de Mayotte, le gouvernement doit comprendre qu’il y en a 3 autres à côtés, qui ont autant de besoins.

Anne Perzo-Lafond

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