Les chauffeurs de taxi en grève pour réclamer l’accès aux voies du Caribus

Dès 4h30 ce lundi 2 juin, les chauffeurs de taxis ont entamé leur mouvement de grève à Mtsapéré en menant une opération escargot. Les "taximans" réclament l’ouverture des voies du Caribus à leurs véhicules pour leur permettre d’éviter les bouchons. “Une question de survie”, selon le porte-parole des grévistes, Adinani Zoubert, qui a peur de perdre sa clientèle. En cas de non accord avec la CADEMA, la grève risque de perdurer.

Fenêtres abaissées, roulant au pas, les « taximans » ont commencé leur grève ce lundi 2 juin au matin avec une opération escargot qui a entraîné embouteillages et ralentissements entre Passamainty, Mtsapéré et Kawéni. Ils réclament l’ouverture des voies du Caribus à leurs véhicules pour ne pas être bloqués dans les bouchons et subir la concurrence des navettes gratuites qui opèrent le trajet Passamainty-Cavani en une dizaine de minutes contre plus de 3 heures en taxi.

Une pression économique accrue

Grève, taxi, Caribus, transport, Mayotte
Concurrence illégale et légale, embouteillages et augmentation du taux de motorisation des ménages, autant de facteurs qui impactent le chiffre d’affaire des « taximans », souvent indépendants

« Quand je débute ma journée, je pars à 6 h de Chirongui et j’arrive après 9 h à Mamoudzou », regrette Ali*, chauffeur de taxi indépendant. « On aimerait pouvoir aller sur les voies Caribus, comme c’est le cas partout ailleurs avec ce genre d’infrastructures. Depuis l’ouverture des lignes, moins de gens viennent dans nos taxis, on a peur pour notre métier », constate-t-il amèrement en regardant la route bloquée à Mamoudzou. « Les gens préfèrent se tourner vers les navettes mais aussi les scooters, qui n’ont pas de licences. Si les pouvoirs publics ne répondent pas on va bloquer la route, on n’a pas le choix », continue l’homme inquiet.

« Il s’agit de notre survie, de notre gagne-pain ! », insiste Adinani Zoubert, de Force syndicale des artisans taxi-ville de Mayotte (FSATVM), porte-parole des chauffeurs. « A la base il était prévu que nous les taxis on puisse passer sur les voies du Caribus, mais finalement non. On se sent trahis », ajoute l’homme vêtu d’un treillis militaire et d’un béret. « Si on ne passe pas par ces voies, on est foutus. C’est notre vie qui est en jeu ». A Mayotte, la plupart des chauffeurs sont indépendants, la pression économique est élevée et l’arrivée du Caribus n’améliore pas la situation.

« Il faut développer le territoire ensemble »

Grève, taxi, Caribus, transport, Mayotte
Adinani Zoubert, de Force syndicale des artisans taxi-ville de Mayotte (FSATVM), déplore l’absence d’échanges avec la Cadema

Le premier tronçon, ouvert le 12 mai dernier après 3 ans de travaux, dessert sept arrêts sur 3 km et les navettes effectuent le trajet environ toutes les demi-heures. Si pour le moment la distance couverte par les bus est courte, les chauffeurs de taxis observent déjà un changement de comportement de la population en leur défaveur. D’autant plus que d’ici 2026 les voies du Caribus s’étendront jusqu’au quartier des Hauts Vallons en passant par Mamoudzou centre, c’est-à-dire toute la zone économique principale de Mayotte. Sans accès aux nouvelles routes, difficile d’imaginer les utilisateurs se tourner vers les taxis.

« On a essayé de contacter la Cadema pour discuter mais depuis 3 semaines on organise des réunions sans obtenir de retours, c’est silence radio », poursuit Adinani Zoubert, en colère, « pourtant c’est elle qui a les cartes en main pour débloquer la situation. On attend des réponses. Il faut développer le territoire et il faut le faire ensemble. Je demande pardon à la population, on ne fait pas ça pour le plaisir ! », tient à signaler le porte-parole, « c’est notre vie et notre métier qui sont en danger, on doit nourrir nos familles ».

Contactée, la Cadema n’a pas répondu à nos demandes, mais Mohamed Hamissi Thomas, spécialiste des transports urbains et régionaux de personnes, ancien chargé de projet à la Cadema a souhaité revenir sur plusieurs points dans un article paru lundi 2 juin.

« Les taxis doivent évoluer, s’adapter et jouer un rôle structurant »

Grève, taxi, Caribus, transport, Mayotte
La route bloquée ce lundi 2 juin en raison de la grève

D’un point de vue technique, « l’aspiration à utiliser les voies Caribus est en contradiction avec le mode de fonctionnement essentiel des taxis collectifs à Mayotte », souligne-t-il. « Leur modèle repose en effet sur la maraude : la liberté de circuler, de s’arrêter à tout moment et de prendre des passagers au fil du trajet. Or, les voies réservées au transport en site propre sont régies par une réglementation stricte : elles sont accessibles uniquement à certains véhicules autorisés, interdisent le stationnement et n’autorisent les arrêts qu’aux stations dédiées. Autoriser les taxis collectifs à y circuler sans leur permettre d’en sortir librement, de rejoindre les quartiers ou d’accéder aux trottoirs et arrêts traditionnels reviendrait à restreindre leur souplesse, qui constitue pourtant leur principal atout ».

« Pour assurer leur pérennité, les taxis collectifs doivent évoluer, s’adapter et jouer un rôle structurant dans une offre de mobilité plus vaste. Cela suppose une volonté de transformation, une implication active dans la construction d’un système de transport intégré, moderne et équitable », remarque-t-il. Mohamed Hamissi Thomas préconise le développement de services souples et ciblés, tels que les « Taxibus » pour « réduire les coûts tout en maintenant un niveau d’offre adapté aux besoins des territoires », ce qui permettrait, selon lui, d’offrir des solutions de transports dans des zones moins peuplées et de créer une continuité des services.

Victor Diwisch

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Les députés adoptent la suppression des titres de séjour territorialisés en 2030

Les échanges houleux entre députés étaient à prévoir, qui illustrent la méconnaissance du phénomène migratoire à Mayotte. L’évolution est à souligner au sein du gouvernement où le curseur commence à bouger. La mesure doit être assise sur une lutte contre l’immigration clandestine efficace… ce qui reste encore à démontrer

Au lycée de la Cité du Nord, la possible fin des récréations embrase la communauté éducative

Entre la contestation de la suppression des récréations, des pannes informatiques persistantes et des locaux dégradés, les enseignants du lycée du Nord dénoncent une situation de plus en plus intenable.

Intercommunalités de France, Interco’ Outre-mer et l’association des intercommunalités de Mayotte alertent sur une « loi de programmation » sans programmation

Les présidents d'Intercommunalités de France, d'Interco Outre-mer et d'Interco 976 (Mayotte), alertent sur la contradiction majeure entre une volonté politique et le projet de loi qui doit la traduire. Ils soulignent que le texte, en l'état, ne s’apparente pas à une loi de programmation réelle et ne donne pas aux territoires les moyens de la mettre en œuvre, risquant ainsi de transformer une promesse d'avenir en une crise durable.

Air Austral déplore un manque de repères pour poursuivre sa croissance

Hugues Marchessaux, président du directoire d’Air Austral et président d’Ewa Air et Drissa Samaké, directeur général d’Ewa Air, ont dressé, ce mardi 24 juin, le bilan de l’exercice 2024-2025 des deux compagnies. Avec des résultats d’exploitation positifs, malgré les événements perturbateurs et les contraintes, l’avenir semble prometteur, mais le manque de visibilité à moyen et long terme, notamment sur les infrastructures, laisse planer le doute.