Nouveaux visages de la justice de Mayotte : Prise de fonction de la présidente du tribunal

Suite à la nomination de Laurent Ben Kemoun en tant que vice-président du tribunal d’Evry en août dernier, Catherine Vannier a pris officiellement ses nouvelles fonctions de présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou ce jeudi. De nombreuses personnalités et institutionnels ont fait le déplacement afin d’assister à son audience solennelle d’installation.

« Mayotte et le tribunal judiciaire vous accueillent ». Si les propos du vice-président du tribunal judiciaire de Mamoudzou, Benoît Rousseau, à l’attention de la nouvelle présidente Catherine Vannier sont affables, ils n’en restent pas moins objectif quant à la situation de Mayotte.

L’efficacité judiciaire, un défi de tous les instants à relever

Le père Bienvenu Kasongo, curé de la paroisse Notre Dame de Fatima et le Grand Cadi Ahamada Mahamoudou Saanda

De nombreux défis restent à relever dans le département le plus durement touché par le chômage où le niveau de vie « de 7 fois inférieur à celui de la métropole » n’en reste pas moins très attractif pour les pays voisins. L’unique prison surchargée de l’île, a rappelé le président par intérim, compose avec l’absence d’accords de coopération avec les pays voisins afin que leurs détenus puissent y purger leurs peines après une condamnation à Mayotte. Benoît Rousseau a également mis en avant l’importance de réinstaurer le dialogue entre la justice et les cadis.

Dans sa prise de parole, le procureur de la République, Yann Le Bris, a souligné que l’efficacité de la justice dans le département est parfois la cible de doutes ; doutes parfois exprimés « publiquement ». Or, pour le magistrat, cette « recherche de l’efficacité judiciaire » est au cœur des enjeux de la justice à Mayotte, « une obsession » teintée de l’impérieuse nécessité d’y maintenir un lien « d’humanité ». Une gageure aussi au regard des postes vacants dans la juridiction et de la charge supplémentaire de travail qui en résulte.

Une longue expérience en Polynésie française

Pour mener à bien les multiples projets qui attendent la présidente, le procureur de la République ainsi que le vice-président du tribunal ont respectivement mis en avant, dans leur prise de parole, la qualité de « l’équipe du greffe » et celle « du parquet », « des partenaires de confiance ». Par ailleurs, tous les deux ont également précisé que Mayotte n’était pas inconnue de Catherine Vannier.

Le procureur de la République Yann Le Bris lors de sa prise de parole

Mais c’est en Polynésie française qu’elle acquiert une solide expérience de l’outre-mer en tant que juge à Papeete, de novembre 2001 à juillet 2009, puis en tant que juge de la section de Nuku-Hiva, située dans l’archipel des Marquises, jusqu’en 2016. Durant ces années, la présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou s’est « prise de passion » pour le contentieux foncier. A ce titre, si pour l’heure elle « ne connaît pas précisément la situation » de l’île, concède-t-elle, il n’en reste pas moins que la « création de la Commission d’Urgence Foncière montre les difficultés spécifiques à Mayotte », précise la présidente.

En outre, ces années en Polynésie française la conduiront à s’intéresser à la réhabilitation de Pouvana’a a Oopa, surnommé « te Metua », figure emblématique du mouvement autonomiste polynésien. Ses travaux dans le cadre de son mémoire de diplôme d’études approfondies, « Le procès de Pouvanaa a Oopa (1958-1960) », soutenu en 2004 à l’Université de la Polynésie française, contribuera pour une grande part à l’annulation par la Cour de Cassation, en octobre 2018, de la condamnation pénale de « te Metua » datant de 1959.

Prise de parole de la nouvelle présidente du tribunal judiciaire de Mamoudzou

De nouveaux visages au service de la justice

Cette audience d’installation solennelle n’a pas été uniquement dédiée à la prise de fonction de la nouvelle présidente. « D’autres collègues du parquet sont également installés aujourd’hui », a précisé le procureur de la République. De vice-présidente chargée des fonctions de juge pour enfants, à substitut du procureur, en passant par juge de l’application des peines, juge, juge pour enfants, juge des libertés et de la détention ainsi que juge d’instruction, pas moins de huit nouvelles prises de fonctions ont également eu lieu jeudi matin.

A leur attention Yann Le Bris a insisté sur le « respect des fondamentaux du parquet », qu’il s’agisse de la loyauté, de la solidarité ou encore du respect de la hiérarchie, nécessaire au regard de la « cohérence » et de « la mise en œuvre des politiques pénales », avant de conclure son propos : « je vous remercie pour l’investissement déjà accompli pour en arriver là et celui à venir ».

Pierre Mouysset

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