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Parce que la culture, ça conte aussi !

L’artiste franco-congolais Jorus Mabiala s’est établi à Mayotte depuis bientôt six mois. Son art est de conter et pour cela il ne compte pas ses heures. Son dernier spectacle qui était organisé le 28 janvier dernier au CUFR de Dembéni intitulé Les Merveilleux de l’océan indien a duré près de deux heures et demi. Il a ainsi fait vivre par la magie de la parole des contes devant un auditoire conquis.

Jorus Mabiala est né au Congo, à Brazzaville plus exactement. A la fin des années quatre-vingt-dix suite aux événements socio-politiques dans son pays, il part habiter à Pointe-Noire et se forme au centre culturel français, où il apprend le théâtre, la danse et l’expression corporelle. « J’ai commencé par la danse ! », s’amuse-t-il. C’est à ce moment qu’il fait la rencontre du photographe Samuel Keller. « Nous étions dans les années 1998-1999. Je suis allé à Marseille et c’est là qu’il m’a proposé de faire découvrir aux Marseillais le Congo au travers notamment du conte et de la photographie. Le but était de fédérer mais aussi faire un lien avec le continent africain ». En moins de temps qu’il n’en faut, Jorus s’installe à Marseille au début des années deux mille.

L’influence d’un immense conteur

« Marseille c’était mon terrain de jeu. Il y a beaucoup de conteurs dans cette ville et un fort patrimoine traditionnel du bassin du Congo. De plus la France, de par son histoire et son patrimoine est un territoire de conteurs. Le conte est la porte des échanges », explique-t-il. Un bonheur n’arrivant jamais seul, il a la chance de faire la connaissance du célèbre conteur franco-comorien Salim Hatubou. « Pour ses histoires, il parlait des îles de l’océan indien comme d’une terre nourricière. En 2013, il décide de m’inviter à Moroni mais me demande de faire une escale par Mayotte afin que je puisse découvrir, ne serait-ce qu’un peu, la beauté de cette île. En 2015, quand il décède, je me suis alors demandé qui il était en fait. J’ai décidé à ce moment-là d’être en quelque sorte sa mémoire, sachant que j’avais mis en scène son dernier spectacle. Raconter c’est une forme de théâtralité. Le comédien joue un personnage, alors que le conteur fait vivre un personnage », explique Jorus.

Jorus Mabiala lors de son dernier spectacle au CUFR de Dembéni

L’île de Mayotte comme source d’inspiration

« Sur cette île il y a un souci de paix. Je me suis dit que je serai plus utile ici qu’ailleurs où j’aurais sans doute plus de confort. Aussi, le choix de venir s’installer un jour à Mayotte coulait de source. De plus, je pense qu’il faut faire comprendre aux élus et aux gouvernants que la paix vit de plusieurs apports et de multiples richesses, raconte-t-il. Mon but est de vivre au milieu de la population ».

Concernant sa vie de conteur dans l’île où il vit à Kani Bé avec sa femme artiste photographe, il apprécie quand les gens lui demandent de dire des contes. « C’est souvent des contes pour enfants qu’ils ont écoutés durant leur jeunesse », sourit-il. Lorsqu’il conte, Jorus parle du merveilleux, de la place du fou ou de l’idiot dans le village mais aussi de l’incohérence des notables, ou encore de l’écologie. « Les enfants ici sont très demandeurs. Lors de mon dernier spectacle au CUFR beaucoup sont venus me voir pour avoir des conseils par exemple. De plus, j’ai été agréablement surpris de constater qu’il y avait de nombreux conteurs dans l’île. Aussi un de mes projets est de réveiller ce merveilleux, qui est le point commun de l’imaginaire ».

Chacun de ses spectacles attire de nombreux spectateurs

Des projets en cours

Jorus souhaite ainsi redonner des côtés positifs aux légendes de l’île comme « les esprits de la mer ». « Il faut expliquer aux plus jeunes que le merveilleux n’exclut pas les conflits et qu’il est nécessaire de remettre l’Homme au centre de préoccupations. Aussi, une de mes ambitions est de réussir à fédérer les conteurs de l’île en défendant chacun notre culture, notamment francophone pour ma part mais aussi mahoraise ». Pour cela il va prochainement organiser la grande nuit du conte du Sud de l’île, puis celle du Nord et enfin la grande nuit du conte de Mayotte avec l’ensemble de ses collègues. « Le but étant de revaloriser la tradition, de susciter l’engouement tout en étant utile », déclare-t-il.

Après avoir été invité par l’association martiniquaise Martinique Images dirigée par Valer’Egouy à l’occasion de la 16e édition du festival Contes et musique dans la cité, en octobre dernier, Jorus se rendra prochainement du 22 au 25 février 2023 au Congo pour un nouveau festival. « C’est le premier du genre, indique-t-il. L’artiste est reçu dans un village et en échange il fait un spectacle. Il se met ainsi au service du peuple car il ne faut pas oublier que le socle de l’échange et de l’intégration c’est la culture ».

B.J.

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