L’éviction des 250 cases en tôle sur le terrain Carobole avait été menée par la préfecture dans un climat d’une rare violence, qui s’était terminée par l’incendie partiel de la mairie de Koungou. Une nuit de cauchemar que les habitants des immeubles voisins ne veulent pas revivre, des jeunes ayant pénétré de force dans les habitations. Depuis l’adoption de la loi Elan, la préfecture mène ces opérations sur les zones étendues d’habitats insalubres, et où de surcroit, des bandes se sont installées, faisant régner la terreur. Une réponse appropriée, puisque depuis, le quartier est calme, là où auparavant, des agressions se commettaient, notamment la nuit, sur la route.
Si une partie des habitants des cases en tôle n’a pas été prise en charge faute de situation administrative en règle, environ 200 familles qui résidaient sur place sont concernées par le relogement dans les futurs appartements qui vont sortir de terre, et sont actuellement hébergées dans des habitats provisoires ou dans de la famille, en attendant que le nouveau quartier sorte de terre. « La phase de candidatures est close, nous allons bientôt attribuer les marchés », nous indique Bastien Cramps, Chef de projets RHI à la mairie de Koungou. Complété par sa collègue Rifouata Ali, Coordinatrice Aménagement à la mairie, « ce seront des immeubles érigés en R+3 selon le PLU, qui proposeront 500 appartements. Nous allons donc pouvoir loger beaucoup plus de monde sur ce terrain. Nous sommes sur du Très social, tout en proposant un parcours résidentiel pour inciter les gens à se diriger ensuite vers l’accession sociale. »
En attendant, la nature a repris ses droits, et la terre rouge s’est verdie en cette fin de saison des pluies. Mais un pan très incliné du quartier, offre un visage différent, des mini-clôtures en bambous bordent des talus plantés de différentes espèces, la main de l’homme est passée par là, et en joignant l’utile au social, nous explique William Mamokoro, ingénieur agronome chargé du projet « quartier fertile » à la mairie : « Nous végétalisons la partie de la zone inconstructible, tout d’abord pour éviter que les fortes pluies ruissèlent et emportent avec elles la terre vers la mer. Mais nous recherchons aussi à concilier l’objectif social avec ce qui devient un espace de confort et de repos. »
Quinze espèces de végétaux, de l’agrément à la consommation
Ce sont donc de nouvelles compétences qui ont été recrutés à la mairie, puisque William Mamokoro va également être chargé du volet agricole en accompagnant des agriculteurs vers la formalisation de leur exploitation, et ainsi approvisionner les marchés et les écoles, dans le cadre de ce projet « quartiers fertiles ». Il est accompagné par l’ANRU, l’Agence nationale de rénovation urbaine. L’une des nombreuses déclinaisons de la politique de rénovation urbaine, et de ses effets de levier vertueux.
Quatre jeunes sont donc employés aux plantations sur Carobole, deux en insertion et deux en Travail d’Intérêt général (TIG), une peine infligée par le tribunal pour les délis commis. L’association a reçu l’agrément de l’Agence nationale du TIG basée à La Réunion, pour encadrer ces jeunes, « et le SPIP aussi a été très réactif, ça s’est très bien passé », rapporte-t-il. C’est donc sous un soleil de plomb que gants à la main, ils s’attèlent à la tâche, comme nous l’explique Farid Abdallah, coordinateur de Wenka culture, une association de Kawéni qui mène de nombreuses actions à Koungou : « Nous avons été missionnés par la mairie à l’issue d’un appel à projet, pour effectuer ces plantations, les entretenir et encadrer les jeunes. Deux sont en insertion en contrat de prés d’un an chez nous. »
Quinze espèces différentes ont été plantées, avec quelques dégradations, « des pieds de citronnelle ont été volés, ainsi qu’un banc. Nous nous sommes donc adaptés en plantant du vétiver plutôt que de la citronnelle au sein de 6 îlots bordés de bambous. On y trouve aussi de l’Aloe vera, de l’ylang, des frangipaniers, etc. Car à terme, cela doit devenir un endroit de villégiature, que les habitants doivent s’approprier. Les voisins étaient d’ailleurs conviés à profiter de l’endroit, « une présence qui peut également être dissuasive », leur explique Farid Abdallah. C’était l’objectif de cette médiatisation.
Pourtant, aucun élu n’est présent, contrairement à ce qui avait été annoncé. « Ils ont été traumatisé par les évènements de Carobole », nous glisse-t-on. C’était justement l’occasion d’affirmer leur volonté de dessiner un autre visage de la commune.
Bidons de 5 litres à la main, les jardiniers arrosent les plantations, une tâche fastidieuse car aucun robinet n’est disposé à proximité, et en ce début de saison sèche, c’est un ballet quotidien qu’il faut mettre en place.
Le lieu est déjà emprunté comme sentier d’agrément pour couper sous la mairie entre deux quartiers de Koungou.
Anne Perzo-Lafond